La gestion de la crise de 2008 : Des exemples de plans de relance qui pourraient nous inspirer
La crise de 2008 est la plus grave survenue dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale. La crise économique et sociale tunisienne actuelle est aussi la plus grave que notre pays ait connu depuis l’indépendance. A l’échelle internationale, pour lutter contre la récession, au-delà du sauvetage des banques, il fallait relancer l’économie mondiale pour atténuer, dans la mesure du possible, les effets récessifs de la crise financière sur l’économie réelle. Les banques centrales américaine et anglaise avaient en réalité toute deux diminué déjà leurs taux d’intérêt directeur dès la fin de 2007. La banque centrale européenne, quant à elle, n’a entrepris une telle manœuvre de politique monétaire qu’un an après, soit le 6 novembre 2008. Ce qui était trop tard pour éviter la profonde récession qui touche particulièrement l’Europe.
1/ Les politiques de relance après la crise financière
Dès le dernier trimestre 2008, de très nombreux pays ont mis en œuvre des plans de relance : le Japon (806 milliards de dollars en 2009 et 2010), la Chine (586 milliards d’euros consacrés principalement aux infrastructures ferrées, routières et portuaires) ou encore les Etats-Unis (780 milliards de dollars soit 5% du PIB). Contrairement à ce volontarisme et keynésianisme de ces puissances, l’union européenne s’est montrée assez médiocre dans ses plans de relance 2009-2010, comme l’illustre le tableau suivant :
Plans de relance 2009-2010 des principaux pays européens
(En milliards de dollars* et en pourcentage du PIB)
| France | Espagne | Allemagne | Italie | Royaume-Uni |
Total investissement public | 11,12(0,4%) | 11,1 (0,7%) | 10 (0,3%) | 1,9 (0,1%) | 3,2 (0,15%) |
Soutien à la trésorerie des entreprises | 19,32 (0,7%) | 10,7 (0,7%) | 20,8 (0,6%) | 0,3 (0,0%) |
|
Aide aux secteurs | 2,78 (0,1%) | 4,17 (0,3%) | Nc. | Nc. | 1 (0,05%) |
Politiques de l’emploi et aides aux ménages | 2,78 (0,1%) | 8,2 (0,5%) | 32 (09%) | 4,6 (0,2%) | 6,12 ((0,29%) |
Suppression impôt sur le patrimoine |
| 2,5 (0,2%) |
|
|
|
Baisse de la TVA |
|
|
|
| 16 (0,8%) |
Autres |
|
| 6,67 (0,2%) | 2 (0,1%) |
|
Total | 36,1 (1,3%) | 34,3 (2,4%) | 69,5 (2,0%) | 9,0 (0,4%) | 26,1 (1,3%) |
Source : Tableau construit sur la base de certaines données dans l’article « Comment désamorcer une déflation ? » de Xavier Thimbault in La Lettre de l’OFCE, N°305, décembre 2008.
*Les données initiales sont exprimées en euros, j’ai pris l’initiative, pour la cohérence de l’article, de tout convertir en dollars : En décembre 2008 1 euro = 1,3917 dollars.
On constate ainsi la faiblesse de la relance européenne ; une faiblesse qui explique d’ailleurs le marasme économique actuelle dont les conséquences sur le plan social sont désastreuses : le symbole le plus visible de cette détresse socioéconomique réside dans la montée du chômage (11% en moyenne avec 25% en Espagne), qui a comme corollaire l’escalade de la pauvreté. Si on classe les pays par l’importance de leur plan de relance en valeur absolue : l’Allemagne avec 69,5 milliards de dollars viendrait en tête suivie respectivement par la France (36,1 Mds $), l’Espagne (34,3 Mds $), le Royaume-Uni (26,1 Mds $) et l’Italie (à peine 9 Mds $). Si on les classe, à présent, par ordre d’importance relative: c’est l’Espagne qui tiendrait la tête du peloton, son plan de relance a représenté près de 2,4 % du PIB, suivie par l’Allemagne (2%), la France (1,3%), le Royaume-Uni (1,3%) et l’Italie (à peine 0,4%).
En filigrane, nous découvrons surtout, que l’Allemagne a particulièrement dépensé en politiques de l’emploi et en aides aux ménages (46% de son plan de relance soit 32 milliards de dollars) ainsi qu’en aides aux entreprises (trésorerie -30%-). Le Royaume-Uni a réduit fortement la TVA (relance de la consommation : 61,5% du plan de relance soit 16 milliards sur les 26,1 milliards). En ce qui concerne la France, sur les 36,1 milliards de dollars qui ont constitué son plan de relance, 19,32 milliards (soit 74%) ont surtout cherché à aider les entreprises (aides à la trésorerie, à certains secteurs comme l’automobile…).
2/ Quel(s) plan(s) de relance pour la Tunisie ?
Le plan de relance tunisien devrait porter principalement sur deux axes fondamentaux, d’une part, l’investissement public et, d’autre part, la lutte contre le chômage :
Pour que cette politique de relance par l’investissement public atteigne son objectif, son optimum, et que le principe du multiplicateur keynésien joue pleinement, il faudra, obligatoirement, confier les travaux à des entreprises tunisiennes tout en leur fixant l’obligation d’utiliser, dans la mesure du possible, que des produits et des matériaux locaux. Autrement, nous courons deux risques majeurs :
- L’argent injecté dans le circuit économique, au prix d’un endettement, risquerait de relancer, en cas d’importation excessive, l’économie de nos partenaires, surtout chinois –dont la qualité des produits laisse, d’ailleurs, à désirer- et européens.
- Un endettement excessif pourrait avoir pour conséquence la perte de notre souveraineté.
Concernant la question du chômage, la lutte contre ce fléau passe nécessairement par la mise en place d’une véritable politique d’accompagnement personnalisée des chômeurs. L’objectif serait d’améliorer l’employabilité des demandeurs d’emploi en leur apprenant à se vendre (élaboration d’un portefeuille d’expériences et de compétences) et à construire un projet professionnel. Ceci revient, dans un sens, à les responsabiliser en leur faisant prendre conscience que leur situation est en partie liée, peut-être, à des manques de qualifications personnelles ou à une inadéquation par rapport aux besoins de l’appareil productif et donc du marché du travail. En ce sens, il faudrait mettre en place des structures compétentes avec un personnel spécialisé capables d’apporter des réponses et d’orienter les chômeurs dans leur recherche d’emploi. A titre d’exemple, on pourrait envisager la création des structures passerelles entre les chômeurs et les entreprises ou encore entre les entreprises et les structures de formation professionnelle. Ou encore, on pourrait développer la formation en alternance et généraliser un tel concept même pour les formations du supérieur.
La lutte contre le chômage passe également par la réforme de notre système de formation professionnelle et de l’apprentissage industriel. Parvenir à une meilleure adéquation (quantitative et qualitative) entre, d’une part, le système éducatif et de formation professionnelle et, d’autre part, l’appareil productif constitue assurément la solution de l’avenir et de lutte en amont contre le chômage. L’introduction de l’enseignement des sciences économiques, dès le Secondaire, pourrait être également envisagée : en effet, familiariser les jeunes dès leur jeune âge avec le monde de l’entreprise et leur environnement socioéconomique et juridique c’est développer et susciter chez eux l’esprit d’entreprendre et de créativité.
Ezzeddine Ben Hamida
Docteur en sciences économiques
et Professeur de sciences économiques et sociales (Grenoble).