Opinions - 25.05.2012

Tunisie 2012 : la note souveraine malheureusement pas très souveraine !

Standard and  Poor’s a abaissé de deux crans la note de la Tunisie, de BBB- à BB, avec un biais stable, nous situant dans la catégorie spéculative,  ce qui n’augure rien de bon pour le futur.

Ce n’est,  à vrai dire, une surprise pour personne, car la détérioration de la situation générale, présente du pays, est, qu’on le veuille ou non, bien  réelle, et nos perspectives d’avenir incertaines.

Essayons de passer en revue ces deux aspects, sur lesquels se fondent les appréciations des agences de notation, et d’en évaluer les conséquences.

Une situation générale du pays fragilisée par le désordre permanent

Le désordre perdure, tous azimuts, sécuritaire,  politique, économique  social,  sociétal.
L’autorité se perd, et le tissu social se délite.

Comment voulez vous avoir un redressement de l’autorité, quand personne n’impose son autorité ?
La scène politique est traversée par des dissensions,  dont tout  esprit sérieux voit bien qu’elles sont du niveau d’une " cour d’école".

Tant du côté de la majorité que de l’opposition, les problèmes majeurs, sont occultés par les querelles "d’égo" et les  surenchères à la petite semaine.

La classe politique ne sait pas que ses divisions, renforcent les marchands de malheur : les trafiquants, les nihilistes, ceux qui ne croient en rien, en dehors de leurs turpitudes.

Sans autorité, pas de sécurité, et sans sécurité, il ne serait pas sérieux d’appeler l’économie à la rescousse.
La classe politique, majorité et opposition confondues, et bien entendu divisées,   est dans les "starting blocks" pour les élections à venir. C’est trop flagrant pour inspirer confiance et restaurer l’autorité.

Il n’existe pas dans le pays des références morales, et en dehors d’une petite poignée d’hommes politiques d’envergure, l’espace du même nom est réduit à la portion congrue.

Les intellectuels et les porteurs de bonne parole, sont inaudibles dans une sphère médiatique qui fait des efforts, mais se cherche encore des références,  après des années d’un silence contraint.

D’où l’absence de voix qui en imposent par leur vision, leurs compétences et leur amour de la patrie, au bénéfice des nouveaux occupants de l’espace cathodique, les experts  autoproclamés tout terrain, qui ajoutent de la confusion à l’incertain que nous vivons.

Ainsi, les demandes d’un remaniement ministériel, procèdent d’une vision irresponsable des choses : si le remaniement espéré se traduisait par des difficultés du même ordre ou pire, que ferions-nous ?

Des perspectives  d’avenir  illisibles peu encourageantes

Standard and Poor’s  a tenu compte de tous les événements qui ont conduit à la situation présente, et qui, pour elle,  sont  à classer à la fois dans les éléments de l’inventaire de  sa notation, et dans les  perspectives d’avenir, aussi longtemps que rien ne viendra adoucir ce climat délétère.

Car l’agence est le protecteur des préteurs, et sa note tient compte de la solvabilité de l’emprunteur, en l’occurrence l’Etat tunisien.

Cette solvabilité dépend, plus encore des perspectives d’avenir de notre économie, quand le remboursement devient exigible et que le préteur doit recouvrer sa créance.

A cet égard,  Standard and Poor’s  fait preuve d’inquiétudes très fortes sur la solvabilité de l’Etat tunisien  en raison d’un manque de lisibilité de l’avenir du pays : incertitude sur la date des élections, lenteur des travaux de l’Assemblée constituante, lenteur dans la  période transitionnelle préjudiciable à une prise de décision énergique et surtout absence de maîtrise du calendrier économique et social.

De plus, la loi de finances complémentaire, n’a pas rassuré l’agence sur la capacité du pays à créer les conditions d’un regain significatif de l’investissement productif, qui a besoin d’un horizon dégagé des incertitudes, notamment sur la durée des statuts fiscaux,  et  la pérennité des  avantages accordés.
Il est important pour un créancier  de prévoir ce que sera la santé  pécuniaire de son débiteur,  à terme : pour Standard and Poor’s et pour les hommes d’affaires en général, cette visibilité de l’horizon économique et social n’existe pas.

Cela ne peut être possible,  que par  l’élaboration d’un programme à moyen terme qui soit d’évidence fiable, concret  par les moyens objectifs qu’il prend en considération, et qui emporte? par une communication rigoureuse? l’adhésion et la confiance.

Conclusion

Nous sommes dans une situation transitionnelle,  par certains égards curieuse : le pays longtemps bâillonné par la dictature est délesté des principes d’une gouvernance minimale, d’une concorde nationale, de l’esprit citoyen, et en conséquence  de la force et du courage de gravir les marches de la relance économique nécessaire.

S’il échoue dans ce nouveau défi, il affrontera des difficultés incommensurables : la difficulté de se financer pour nos investissements, synonyme d’une lourde charge additionnelle dans le budget de l’Etat,  l’augmentation du nombre des sans emploi, l’accélération de la fuite des investisseurs, dont certains sont déjà partis voir ailleurs, enfin,  tout simplement, la faillite, avec sa lot de misères, de souffrances et de malheurs.

Avons-nous la force de nous relever ?  C’est d’abord à nos élites, si absentes, ou  dans le meilleur des cas  tellement dissonantes, qu’il appartient de donner l’exemple du goût du sacrifice et de l’effort.
Peut être,  et à cette condition,  pourrions-nous espérer un meilleur  destin.

                                                                                                                                                                                           M.G

Mourad Guellaty