News - 08.06.2012

Après les déclarations de Marzouki, Kamel Nabli : "je ne démissionnerai pas"

 Décidément la troika est devenue coutumière de ce genre d’impair. Le président  de la radio nationale a appris son limogeage par son chauffeur. Mustapha Kamel Nabli a été plus chanceux. C’est le président de la république provisoire en personne qui  a annoncé sur un ton solennel  son prochain départ de la BCT sur Hannibal TV , tout en précisant qu’il avait pris cette décision depuis un mois (un limogeage «cathodique» qui ne restera probablement pas dans l'histoire comme l'épisode le plus glorieux de sa présidence). Ce disant, il oublie que la décision est du ressort de l’ANC, qui ne peut être prise que suite à une proposition des trois présidents. En revanche, pas un mot de remerciement pour l’homme  qui n’a pas hésité un instant à répondre à  l’appel du devoir et quitté une situation plus que confortable à la Banque mondiale pour prendre en mains la BCT. Mais, il y a plus grave : le gouverneur  de la BCT est soupçonné d’être soumis à des influences étrangères. « C’est une accusation très grave », répond M. Nabli.  Ces propos sont une « offense à la BCT » a-t-il ajouté, déplorant le fait qu’aucune réunion avec  le président de la république  n’ait eu lieu depuis six mois.

M. Nabli est depuis quelque temps dans le collimateur du nouveau pouvoir. Rien ne lui aura été épargné : ni les campagnes de dénigrement sur les réseaux sociaux, ni  les phrases assassines des dirigeants. Le gouverneur de la Banque centrale ne s’explique pas cet acharnement : son attachement à l’indépendance de l’institut d’émission ? Mais ce statut lui est reconnu par l’organisation provisoire des pouvoirs ; ses accointances avec tel ou tel parti ? Mais, il s’est toujours fait  un point d’honneur  de se prémunir contre les tiraillements politiques. Le gouverneur a saisi l’occasion que lui offrait la présence des médias  au forum du Club des économistes pour s’inscrire en faux contre les accusations portées contre lui «les interférences de Moncef Marzouki est en contradiction avec les règles de la bonne gouvernance prônées depuis la révolution».

La troika, disposant d’une majorité automatique à la Constituante, l’issue de ce différend ne fait aucun doute. Mais a-t-on pensé aux réactions à l’intérieur comme à l’extérieur où le gouverneur jouit d’un prestige certain, aux hautes compétences tunisiennes qui avaient hâte de faire bénéficier le pays de leur savoir-faire mais qui vont désormais regarder à deux fois avant de franchir la méditerranée ?  Et puis est-on sûr de faire le bon choix en ouvrant de nouveaux fronts au moment  où l’économie du pays traverse une crise majeure ?

On se perd en conjectures sur  la fixation que le mouvement Ennahdha-surtout- fait sur M. Nabli. Car enfin, de quoi s’agit-il  sinon d’un conflit de compétences entre le gouvernement et la Banque centrale comme il en existe souvent dans les pays démocratiques. Ne peut-on le résoudre autrement que par  l’anathème et les humiliations ? En tout cas, le gouverneur de la BCT ne démissionnera pas «ce serait une désertion vis à vis de mes collègues, de l'institution et du pays». Cette fois-ci, Ennahdha s'est heurté à un roc.

Hedi