La Tunisie a peur !
On a envie de paraphraser le journaliste français Roger Giquel : « la Tunisie a peur » parce que ces quatre mots expriment exactement le sentiment qui habite aujourd’hui les Tunisiens. Oui, les Tunisiens ont peur pour leur pays, pour leur avenir et celui de leurs enfants. Ils n’ont pas envie de faire de nouveau la queue devant les boulangeries, de faire la garde devant leurs immeubles ou leurs villas comme pendant les premiers jours de la révolution. Nos voisins ont peur pour nous, eux qui savent bien de quoi certains groupes salafistes sont capables. C’est que depuis cette fameuse nuit du 11 juin au 12 juin, on vit un véritable cauchemar. Les bandes fanatisées qui brûlaient tout sur leur passage au nom de dieu n’avaient rien à voir avec ceux qu’on nous présentait comme « nos enfants » avec lesquels il fallait « engager le dialogue ». Et c’est à juste titre qu’on appréhendait cette journée de vendredi dont les salafistes voulaient faire « le point de départ d’une marche qui devait aboutir à « la création d’un Etat islamique en Tunisie ». Comble d’inconscience, c’est le jour qu’a choisi Rached Ghannouchi pour appeler ses troupes à une marche au même endroit (l’avenue Bourguiba à Tunis) afin de protéger « la révolution », s'opposer à la violence, et défendre « les valeurs du sacré ». Finalement, « le ministère de l'intérieur a décidé d’interdire «les marches du vendredi». Le communiqué du ministère a pris de court tout le monde y compris le frère du ministre, Ameur Larayedh. Enfin, les menaces proférées via facebook ont été prises au sérieux.
Comment en est-on arrivé-là, d’autant plus qu’on ne pouvait pas dire qu’on ne savait pas. Car ce qui est bien avec eux, c’est qu’ils avancent à visage découvert, sûrs de leur bon droit. Tout est dit et écrit : la prise du pouvoir par la force, leur hostilité à la démocratie, leur intention d’instaurer le califat. Ali Laraayedh le savait : ne jugeait-il pas dès le mois de mars, la confrontation avec ces groupes comme « inéluctable » dans une interview au journal Le Monde. Mais rien n'a été fait. «Après tout, ils ne viennent pas de mars, ce sont nos enfants» (dixit Jebali).
Au lendemain de la révolution, ils étaient à peine quelques centaines. Depuis, les salafistes ont ratissé large attirant de larges franges de la population aidés par les tenants d’un islam rétrograde, comme Wagdi Ghenim et Amr Khaled. De véritables spécialistes de l’agit-prop. Ils ont été relayés par des imams tunisiens de même acabit qui ont investi les mosquées avec la bénédiction des nouveaux maîtres du pays. Au bout d'une année, les résultats ont dépassé toutes les prévisions, au point de menacer les positions d'Ennahdha. Qui sème le vent, récolte la tempête.