Robert Quin: il faut protéger les universités tunisiennes
«Nous avons demandé au gouvernement tunisien d’annoncer dans les médias son soutien aux libertés académiques et son engagement à assurer la sécurité de l’espace universitaire ». C’est ce qu’a déclaré Robert Quin, directeur exécutif de l’ONG internationale Scholars at Risk (universitaires en danger). En visite en Tunisie du 11 au 15 juin pour enquêter sur les violations des libertés académiques au sein des universités tunisiennes, il s’est entretenu pendant son séjour dans notre pays avec plusieurs hauts responsables tunisiens dont le Président de la République, Moncef Marzouki, le Président de l’Assemblée Nationale Constituante, Mustapha Ben Jaafar, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Moncef Ben Salem, le ministre des droits de l’homme et de la justice transitionnelle, Samir Dilou. Il a également rencontré des présidents d’université, les membres du conseil scientifique de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba, le Comité de défense des valeurs universitaires et de soutien à la FLAHM, plusieurs membres de l’ANC, des responsables de la Ligue Tunisienne des droits de l’Homme, des représentants de la société civile tunisienne. Il a rendu compte jeudi à l’occasion d’une conférence de presse organisée dans un hôtel de la place des résultats de cette visite.
Après avoir défini les objectifs et la mission de Scholars at Risk – protection et aide aux universitaires en danger à cause de leurs idées et défense des universités où la sécurité est menacée –, Robert Quin a affirmé qu’il était venu en Tunisie « pour fêter la transition démocratique ».
Les discussions avec ces interlocuteurs tunisiens - a-t-il souligné - ont porté sur les atteintes à l’intégrité physique des individus, à l’occupation des espaces universitaires, à la perturbation des cours et des examens, dont font état des rapports parvenus à Scholars at Risk. Il a, à cet égard, exprimé sa profonde inquiétude non seulement au sujet des atteintes à la sécurité et aux menaces subies par les individus mais aussi à propos de l’absence de réaction ou du retard à réagir aux incidents. « J’ai également constaté, à l’occasion de cette visite, les agressions dont les artistes ont été la victime » a-t-il ajouté.
Le directeur exécutif de l’ONG internationale a insisté aussi, auprès des responsables, sur le fait que la position de la Tunisie comme « leader en matière de transition démocratique lui confère une grande responsabilité dans le succès du processus démocratique » et par là même en matière de libertés académiques. «La Tunisie peut faire partie du lot de pays qui peuvent donner l’exemple, être un modèle en matière de défense des libertés académiques », a-t-il déclaré en substance avant d’insister sur le fait que «le respect des libertés académiques, de l’autonomie des institutions universitaires, la protection de l’espace universitaire contre les agressions sont le fondement de la liberté et de la démocratie dans un pays » et le pilier essentiel des sociétés stables et prospères: « les sociétés évoluées exigent des universités évoluées qui doivent garantir l’autonomie de l’institution universitaire, la liberté de pensée, la sécurité. Sans sécurité, il n’y a pas de libre pensée ». Il a proposé à ces interlocuteurs tunisiens un plan d’action en trois étapes pour la réalisation de ce programme.
La constitutionnalisation des libertés académiques, l’annulation des restrictions sur la recherche, sur les voyages et les échanges académiques et la nécessité de garantir l’autonomie et la sécurité du personnel d’enseignement supérieur sont, de son point de vue, des impératifs incontournables pour qui veut développer l’enseignement supérieur. Il a longuement insisté sur la sécurité réitérant les recommandations contenues dans un texte distribué aux journalistes avant la conférence de presse où il demande aux autorités de « donner le contrôle de la sécurité du campus aux dirigeants institutionnels, d’assurer la réactivité des agents locaux du maintien de l’ordre aux demandes d’assistance à la sécurité provenant des dirigeants institutionnels et d’enquêter, de poursuivre en justice et de sanctionner des individus pour des actes d’intimidation et de violence contre l’espace universitaire».
Robert Quin a déclaré avoir demandé «au gouvernement tunisien d’annoncer dans les médias son soutien aux libertés académiques et son engagement à assurer la sécurité de l’espace universitaire». Il a exhorté les universitaires tunisiens et les associations de la société civile à la vigilance dans la défense de l’université et déclaré que Sholars at Risk suivrait de très près l’évolution de la situation au sein de l’université tunisienne, tout en souhaitant le renforcement des liens entre son organisation et les universitaires. Il a enfin annoncé l’organisation à Tunis, en novembre prochain d’une conférence internationale sur le thème: L’Université et la « Nation ».