Radhi Meddeb: Le tourisme victime collatérale
Le secteur du tourisme allait mal avant la révolution. Il n’avait pas réussi à réinventer son modèle, vieux de quarante à cinquante ans, basé sur un mono produit, une cible bas de gamme et une compétitivité prix. Il n’avait pas su s’adapter aux évolutions de la demande, vers plus d’écologie, de nature, de dépaysement, aux évolutions de la distribution vers un affranchissement des tours opérateurs et un plus grand usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication, ou encore aux évolutions des transports et à l’émergence de nouvelles destinations plus exotiques, plus modernes et à plus haute valeur ajoutée. Il n’a pas su non plus rénover sa gouvernance pour une plus grande association de ses opérateurs aux processus de décision, à la gestion de leur secteur, à sa promotion et à la formation de ses employés. Il s’est enfoncé dans le surendettement sans perspective de sortie, plombant par la même occasion le secteur bancaire. La révolution a eu bon dos. Elle a été le paravent de ses mauvaises performances et le cache-misère de son mauvais positionnement. La chute brutale de la fréquentation de la destination Tunisie en 2011, déjà inscrite dans une tendance de long terme, s’est accélérée, alimentée par un sentiment d’insécurité et de désordre.
Depuis quelques mois, des signes positifs semblaient pourtant indiquer un retour vers la normale, une normalité ante révolution, qui ne règle rien des problèmes de fonds mais qui maintient le malade sous perfusion.
Les derniers évènements et leur perception par l’occident proche, notre premier pourvoyeur de touristes, risque de porter un coup fatal à cette industrie responsable de 400.000 emplois et de plus de 7% du PIB, faisant vivre directement ou indirectement plus de 15% de la population .
Les professionnels exprimaient déjà des doutes sur une vraie relance du secteur avec l’insécurité installée, la dégradation de l’environnement en l’absence de municipalités élues et le refus des distributeurs d’alcool de livrer les hôtels dans la crainte des représailles des salafistes. Aujourd’hui, ils expriment leur colère et « demandent au gouvernement de faire face à ses responsabilités sans nuire davantage à un secteur au bord du gouffre».
Encore une fois, la relance de l’activité économique ou de l’investissement passe d’abord par le rétablissement de la sécurité et l’ordre public, par la restauration de la confiance, la publication d’une feuille de route politique claire et transparente et la réaffirmation de tout ce qui nous unit et le rejet de tout ce qui peut porter atteinte à la cohésion sociale et à la solidarité nationale.