Opinions - 20.06.2012

Les technologies de l'information et les statistiques : Outils «Révolutionnaires» pour lutter contre la fraude et la bureaucratie.

Dans le contexte difficile actuel de l’économie tunisienne, la lutte contre la fraude peut contribuer non seulement à moraliser une société en déficit de civisme, mais aussi à récupérer des fonds qui pourront être réinjectés dans l’économie. Les technologies de l’information peuvent s’avérer un allié redoutable pour mener ce combat tout en luttant contre les lenteurs administratives générées par les contrôles manuels.

En effet, Il est utopique de penser que la corruption et la fraude se sont arrêtées au niveau des Ben Ali, Trabelsi et leurs acolytes. Erigée en modèle de réussite, avec la précarité comme catalyseur, la fraude s’est propagée dans toutes les couches d’une société ou le civisme a souffert de l’exemple de corruption donné pas les dirigeants.

En dehors de ses effets moraux la fraude présente un coût conséquent pour l’économie tunisienne en général et le budget de l’état en particulier. Aux couts directs de la fraude s’ajoutent également, les couts indirects des contrôles que les différents organismes doivent mettre en place et le cout pour l’économie tunisienne des lenteurs et la bureaucratie engendrés.

Bien que ne disposant pas de chiffres pour la Tunisie, il est possible d’extrapoler à partir des études suivantes:
• Impôt : Selon les estimations du Conseil des prélèvements obligatoires, le montant de la fraude fiscale et sociale s’élève, en France, entre 30 et 40 milliards d’euros, soit 1.7% ou 2.3% du PIB. Le Syndicat national unifié des impôts (SNUI) l’évalue pour sa part à 50 milliards d’euros. La contribution des ressources fiscales au budget de l’état est anormalement basse en Tunisie, surtout pour un pays avec des ressources naturelles limitées.
• Santé: Selon une étude menée par le Réseau européen de lutte contre la fraude et la corruption dans les soins de santé (EHFCN): 5,59 % des dépenses mondiales de santé sont perdues chaque année pour des erreurs ou des faits de corruption. Ce qui représente, selon l'étude, un total de 180 milliards d'euros au niveau mondial.
• Assurance : En France, l’ALFA (Agence pour la Lutte contre la Fraude à l’Assurance) estime qu’elle représente près de 15 % des sinistres payés.
• Banques : La fraude à la carte bancaire et le blanchiment d’argent coutent également des centaines de millions d’euros à l’économie mondiale. Tout récemment un réseau international de fraude à la carte bancaire avec des ramifications en Tunisie a été démantelé au Canada

Ces chiffres, qu’il est permis de penser qu'ils sont supérieurs en terme de pourcentage dans notre pays, nous permettent d’avoir une idée de l’ampleur du phénomène et de réaliser que chaque pourcentage gagné représente des millions de dinars qui pourront certainement être mieux utilisés s'ils sont injectés dans le développement  pour lutter contre le chômage et la précarité.

Les technologies de l’information apportent des solutions innovantes mais surtout efficaces dans ce domaine. A base de techniques statistiques telles que le Data Mining (processus qui permet d’extraire des informations pertinentes à partir d’une grande masse d’informations) et l’analyse de réseaux, elles facilitent la détection et la résolution des fraudes, la gestion des alertes, l'investigation, l'analyse des fraudes en réseau et la modélisation des comportements frauduleux:

Détection des cas: en agrégeant des données de différentes sources et utilisant des techniques statistiques avancés associés à un moteur de règles pour analyser les comportements frauduleux (fraudes avérées, portrait- type de fraudeurs, etc.) on arrive à mettre en place une détection automatique des activités suspectes en utilisant la puissance analytique pour déterminer la probabilité d’une fraude. Exemple: En recoupant les données de diverses administrations on arrive à détecter des cas de fraudes à l’impôt.

Scoring des cas : en calculant automatiquement une probabilité de fraude pour les dossiers /transactions traités permet aux enquêteurs de se concentrer sur les dossiers les plus suspects plutôt que de faire un contrôle aléatoire ou systématique. Ceci permet d’augmenter le taux de détection par rapport aux contrôles aléatoires et d’optimiser les couts de contrôle et fluidifier le traitement des dossiers par rapport aux contrôles systématiques. les scores sont déterminés en utilisant des modèles statistiques basés sur des études démographiques et comportementales.

Exemple : Le scoring systématique et en temps réel des transactions de cartes de crédit a été prouvé efficace pour détecter les opérations frauduleuses. Les systèmes actuels permettent de calculer en temps réel une probabilité de fraude et de déclencher une alerte si cette probabilité est élevée. De Même à partir d’une base historique de cas frauduleux, une probabilité de fraude peut être calculée en fonction des donnés sociaux démographique des demandeurs et de la nature de prestation.

Les outils d’analyse de réseaux: permettent de détecter les fraudes en réseau en analysant la fréquence (plusieurs dossiers frauduleux engendrés par un même fraudeur au cours du temps) et la collusion (plusieurs dossiers frauduleux générés par différentes personnes liées entre elles) et en mettant en évidence des relations entre fraudeurs. Exemple: Dans le secteur de l’assurance ce type d’outils peut mettre en évidence des liens suspects entre les mêmes patients, médecins et des pharmaciens ou des ambulanciers ou différents conducteurs , experts et garagistes mettant en évidence des cas de fraudes organisées difficilement détectables manuellement. L’analyse des réseaux et des liens peut être également pour détecter les opérations de blanchiment d’argent, les transactions bancaires douteuses ou les évasions fiscales.

• Les outils de gestions de cas : Une fois l’alerte émise et transmise, les fonctionnalités de gestion des cas faciliteront l’ensemble du processus d’investigation :
- en archivant l’ensemble des informations relatives aux cas frauduleux,
- en permettant un suivi de l’évolution et de la clôture des dossiers.
- d’accéder à l’ensemble des données du système,
- de suivre l’efficacité du dispositif en place (goulots d’étranglement, nombre de dossiers par phase d’investigation, durée des phases, etc.),
- d’analyser et de suivre la performance de scenarios statistiques
Les éléments présentés feront, espérons-le, apparaitre l’intérêt pour les organismes tunisiens publiques (Administration Fiscale, CNAM, CNSS…) et privés (Banques, Assurances…) examinent l’intérêt que peut présenter l’industrialisation et la modernisation de la lutte contre la fraude en utilisant des solutions informatiques basés sur l’utilisation de  techniques statistiques avancées.
L’automatisation apportée par de tels outils permet des taux de détection supérieurs tout en accélérant le traitement des dossiers garantissant des gains en cout et efficacité.

 

Nabil Majoul
(*) Directeur associé en charge du conseil auprès du Cabinet Targa son profil est accessible sur http://www.linkedin.com/in/nmajoul).
Targa (http://www.targa-consult.com), cabinet de conseil créé en 1994, offre des services de conseil en stratégie d'entreprise, conseil métier, intégration de systèmes et conseil en systèmes d'information à partir de ses implantations à Genève, Paris et Tunis et en déplaçant sur ses consultants sur les projets dans la zone Europe et Moyen Orient. Depuis 2012 Targa accélère son développement en proposant une offre cross market-unit, permettant d'adresser ses services aussi bien aux marchés financiers comme à l'industrie et les télécoms. Nous voyons notre rôle comme celui d'un partenaire de confiance, qui conçoit et met en œuvre les stratégies et les solutions les plus pertinentes pour accompagner nos clients dans leur développement et les aider à renforcer leurs performances.