L'ouverture des frontières : une initiative mort-née
En l’espace de 24 heures, deux journaux algériens à fort tirage et proches du pouvoir, "El Khabar" et "l’Expression", critiquent sévèrement l’initiative tunisienne d’ouverture des frontières. Le premier se réfère à « «une source informée du ministère algérien des affaires étrangères» alors que le second se contente d’un commentaire, mais de toute évidence inspiré. C’est le même argumentaire qui est utilisé par l’un et l’autre pour justifier le refus du gouvernement algérien d’appliquer la règle de la réciprocité « conformément aux usages diplomatiques », notamment, la situation sécuritaire dans la région qui incite à une vigilance accrue sur les frontières. Comme on s’en doutait, l’Algérie n’a pas été avisée, ni d’ailleurs les autres pays concernés qui observent un silence embarrassé. Faut-il remercier le pays voisin pour son refus ? Des milliers d’Algériens munis seulement de leur carte d'idendité ont été empêchés par les gardes-frontières algériens de franchir la frontière. Combien y avait-il parmi eux de repris de justice ou de terroristes qui sont interdits de passeport.
Assurément, le Maghreb ne se fera pas à coup d’effets d’annonce ni de faits accomplis, mais par un effort qui doit être mené avec de beaucoup de persévérance et de courage et sans chercher à minorer les difficultés, dussions-nous remettre notre ouvrage « cent fois sur le métier ». Et contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas l’affaire du sahara occidental qui constitue le principal obstacle à l’intégration maghrébine. En visite en Tunisie, il y a quelques années, l’ancien premier ministre marocain, Abderrahmane El Youssfi a raconté comment avec un groupe d’étudiants maghrébins venus lui demander au lendemain de l’indépendance d'oeuvrer pour l’accélération du processus d’unification du Maghreb, ils ont été éconduits par le premier président de la république algérienne, Ferhat Abbas : « écoutez, je vais être franc avec vous. Laissez-nous le temps de savourer notre indépendance, notre hymne national, notre drapeau ». Cinquante ans après les indépendances, le sentiment national, non seulement en Algérie, mais aussi dans les autres pays maghrébins n’a rien perdu de sa vigueur. C’est une réalité dont il faut tenir compte. Faute de quoi, c’est tout le processus d’intégration qu’on risque de torpiller. «Si l’initiative tunisienne vise à préparer un climat favorable à la tenue du prochain sommet de l’UMA, les choses ont peu de chances de suivre le cours tracé », avertit le commentateur de l’Expression.
Il faut se rendre à l’évidence : l’activisme de la diplomatie tunisienne en la matière est, contreproductif. C’est tout le pays et sa révolution et pas seulement Moncef Marzouki qui risquent de s’en trouver décrédibilisés.
Combien faudra-t-il de camouflets pour rectifier le tir ?
Hedi Behi