Hommage à Mongia Amira Mabrouk, Première femme tunisienne agrégée d'arabe
Non loin de la célébration de la fête de la Femme, le 13 août, et dans un contexte où les Libertés et Droits des femmes sont menacés plus que jamais par la résurgence d'un ultra conservatisme avec lequel la Tunisie a rompu depuis des décennies, on ne peut pas faire nos adieux à Madame Mongia Amira Mabrouk sans lui rendre un fervent hommage et les honneurs qu'on lui doit.
De ce que je sais d'elle c'est qu'elle est née au début du siècle passé, qu'elle a été la première femme agrégée de lettres arabes de la Sorbonne, à Paris et qu'elle a été proviseur du Lycée de Jeunes filles de Rades, lycée où j'ai suivi mes études secondaires après que ma mère y ait suivi les siennes et vécu pensionnaires.
Mongia Amira Mabrouk fait partie de ces pionnières qui ont brisé les chaînes et se sont élevées au rang de citoyennes à part entière. Elle a brisé d'autres chaînes et fait de l'éducation, enseignement -sport-culture, le moyen d'émancipation de milliers de jeunes filles. Elle a contribué à activer cet ascenseur social aujourd'hui en panne qui a permis à de jeunes femmes, de milieux différents et sans discrimination, de venir grossir les rangs des forces vives qui ont contribué à la construction d'une Tunisie aujourd'hui en perdition.
Mongia Amira Mabrouk a légué à la postérité des générations de femmes éprises de Savoir, de Liberté, d'Egalité, de Justice... Des femmes patriotes, volontaires, bâtisseuses... Des femmes imprégnées des valeurs du Travail, de la Rigueur, du Respect d'autrui... Valeurs humanistes et morales que rien ne peut ébranler. Elle a donné l'exemple en faisant du lycée, Son lycée, le foyer d'une grande famille, de l'ouvrier au cadre et de l'élève au parent d'élève, que l'enceinte du lycée réunit, mais que son domicile aussi accueille, dans des réunions festives, à l'occasion des fêtes de fin d'années, des mariages, des célébrations de naissances, circoncisions, succès et réussites scolaires et professionnelles, mais aussi dans les moments durs que la vie peut imposer, lors des maladies et des deuils.
Mongia Amira Mabrouk a été pour ceux qui l'ont connue une dame de fer et un cœur d'or, un exemple de droiture en même temps que de légèreté et de joie de vivre. Elle a allié le sérieux dans la besogne à l'amour de la vie, la simplicité à l'humilité d'une femme ancrée dans la tradition et ouverte sur la modernité, d'une vaste culture et d'une grande curiosité, assoiffée de découvertes, de spectacles, de voyages et d'une générosité difficilement égalée.
Madame Mabrouk nous a quitté il y'a quelques deux semaines, le 13 juillet 2012. Nous sommes orphelins de vous. Mais nous ne vous pleurons pas, Madame, nous ne pouvons que vous célébrer. Vous nous avez quitté mais la page de votre histoire, de notre histoire commune, est de celles qu'on ne tourne pas. Nous honorerons votre mémoire en faisant que l'œuvre à laquelle vous avez participé, avec abnégation et conviction, se perpétue et que d'autres générations de femmes jouissent de leurs Libertés, de leur Indépendance, de leurs Droits et participent encore et encore à l'édification d'une Tunisie moderne, juste et prospère, pour enfin accomplir leur Citoyenneté.
Emna Menif
Ancienne élève du Lycée de Jeunes Filles de Rades