Hassine Dimassi, ministre des Finances: pourquoi j'ai démissionné
Le ministre des Finances, Hassine Dimassi, a présenté aujourd’hui sa démission du gouvernement conduit par Hamadi Jebali. Dans une déclaration rendu publique, il a expliqué les raisons de sa démission, liées essentiellement à ce qu’il a qualifié de dérapages à des fins électoralistes pénalisant l’équilibre des finances publiques et aux conditions de limogeage du gouverneur de la Banque centrale et de la désignation de son successeur. Ci-après une traduction intégrale de sa déclaration.
« Dans une phase très délicate de l’histoire de la Tunisie indépendante, j’ai accepté de faire partie du gouvernement de la coalition actuelle, estimant qu’elle a suffisamment de légitimité pour conduire la deuxième étape de la transition et répondre aux aspirations économiques et sociales exprimées par la révolution, sans porter atteinte aux équilibres financiers du pays.
C’est pourquoi, j’ai cru et continue à croire que ma responsabilitépremière au sein de ce gouvernement consiste à éviter tout ce qui est de nature à susciter un déséquilibre des finances publiques et à exposer le pays aux risques du surendettement.
Mais, et au fil des jours, les dissensions entre la majorité des membres du gouvernement et moi-même se sont accentuées au sujet des politiques financières. Alors que j’étais attaché pleinement à la stabilité des finances publiques, la plupart des membres du gouvernement ont poussé dans le sens d’une orientation politique électoraliste qui a généré un grave et brusque accroissement des dépenses de l’Etat en comparaison avec ses ressources.
Alors qu’il était plus approprié de concrétiser les attentes de la révolution à travers une attention soutenue aux catégories modestes, en renforçant leur pouvoir d’achat, en créant le maximum possible d’emplois productifs, développant les régions intérieures délaissées et en revitalisant l’économie tout en préservant les équilibres des finances publiques, les dérapages se sont multipliés visant essentiellement à séduire les classes sociales en prévision des prochaines élections, à telle enseigne que les dépenses de compensation ont atteint des niveaux hallucinants.
Le projet de loi, récemment soumis au conseil des ministres, relatif à la réintégration au travail et l’indemnisation des personnes ayant bénéficié de l’amnistie générale et leurs ayants droits constitue le dérapage qui a fait déborder le vase. Il aura pour conséquence d'engager des dépenses additionnelles asphyxiantes pour les finances publiques en raison du grand nombre de bénéficiaires et du volume très important quant aux montants des indemnisations escomptées, faisant ainsi peu de cas d'une conjoncture économique et financière bien difficile à laquelle le pays devra vraisemblablement faire face durant les prochaines années.
D’un autre côté, je suis profondément consterné par la manière désinvolte et inique suivie pour démettre le gouverneur de la Banque Centrale, Mustapaha Kamel Nabli, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences négatives sur l’autorité de l’Etat et l’image de notre pays, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, en ces moments difficiles et délicats. Il est regrettable que pareilles pratiques qui ne respectent pas les moindres règles de concertation et de coordination continuent à présider aux décisions. Ainsi, la proposition du nouveau gouverneur de la Banque centrale a été faite sans l’avis des concernés et notamment le ministre des Finances.
Pour toutes ces raisons, j’ai décidé de me retirer du gouvernement et de présenter ma démission ».
Hassine Dimassi
Trauction par Leaders