la démission du ministre des finances, le limogeage de M.K Nabli, la crise économique et la troika vus par Abdelhay Chouikha
Son nom a été cité parmi les possibles successeurs de Mustapha Kamel Nabli à la tête de la BCT. De fait, il a été approché mais a refusé « compte tenu de la façon dont on s’y était pris et qui pouvait donner lieu à des interprétations quant aux intentions et aux mobiles de ce choix et puis les circonstances actuelles ne sont pas propices pour assumer une telle responsabilité ». Il n’est pas inutile de préciser également qu’il avait refusé au début de l’année d’entrer au gouvernement. Présentem!ent, membre d’Ettakattol et secrétaire général de l’UGET au début des années 60, Abdelhay Chouikha, au contraire de la plupart des hommes politiques actuels qui écument les plateaux de télévision et les studios de radio, cultive la discrétion. Enseignant universitaire, il exercera longtemps au Koweit en tant qu'expert en investissement dans une institution financière koweitienne, ce neveu de Mongi Slim, premier ministre des affaires étrangères de la Tunisie indépendante et sans doute le plus brillant de ses diplomates, a livré ce mardi au journal Essabah les réflexions que lui inspire la situation actuelle. D’emblée, il s’est voulu rassurant sur la situation économique : elle n’est pas « catastrophique », pour le moment. Ce ne sera peut-être pas le cas "à moyen et à long terme". Il faudrait, explique-t-il, choisir une autre voie différente de celle utilisée jusqu’ici. A cet égard, les avis des experts sont partagés.Faut-il mettre l’accent sur la politique monétaire ou la politique fiscale ? Réponse : en 2011, sous les gouvernements Ghannouchi et Caïd Essebsi, on était arrivé à la conclusion que, puisque la demande intérieure était faible, il fallait la relancer en s’inspirant de la politique de Roosevelt, c'est-à-dire en augmentant les salaires, ouvrir des chantiers et instaurer la prime Amal . Cette démarche a entraîné une augmentation de 13% des dépenses. Parallèlement, la BCT a augmenté de manière substantielle le montant des liquidités mises en circulation. Mais la production n’a pas suivi à cause des grèves et des sit in, entraînant toute l’économie dans un cercle vicieux : accroissement des importations, inflation, montée du chômage etc. Il fallait sans doute procéder à des mesures incitatives au niveau de la production, plutôt qu’à celui de la consommation et encourager les banques à privilégier les crédits à la production au détriment des crédits à la consommation.
Invité à donner son avis sur la démission du ministre des finances, il a souligné qu’elle était attendue «compte tenu des divergences de vues avec le gouvernement qui ont éclaté au grand jour lors des débats à l’ANC à propos du budget et de la loi de finances complémentaire. Mais ses incidences attendues seront davantage politiques qu’économiques, notamment au niveau du gouvernement avec ces démissions qui se succèdent au point de perturber son action», estime-t-il.
L’ancien gouverneur de la BCT porte t-il donc une part de responsabilité dans cet échec ? Non, répond M. Chouikha parce que l’aspect monétaire n’était qu’une partie du problème. Ceci ne justifie pas pour autant l’éviction de M. Nabli laquelle est davantage « d’ordre politique qu’économique ». Il appréhende, à ce propos les retombées éventuelles de ce départ, notamment au niveau international et surtout les réactions négatives des investisseurs étrangers pour qui l’instabilité constitue l’ennemi N°1, d’autant plus que les motivations de ce limogeage n’étaient pas »convaincantes ». Quant à son successeur, M. Chedly Ayari, tout en reconnaissant « ses qualités indiscutables», il ne cache pas sa crainte de voir le nouveau gouverneur « fragilisé » par toute cette polémique qui a accompagné sa nomination et qui ne va pas l’aider à mettre en œuvre sa politique.
Abordant la situation politique, Abdelhay Chouikha se montre bien indulgent envers les alliés d'Ennahdha au sein de la troika « dont on ne peut pas dire qu’ils n’ont pas joué leur rôle », mais concède que « leur problème, c’est la communication ». Il cite le cas de Mustapha ben Jaafar dont « la position sur l’article premier de la constitution a été déterminante. Mais il n’a pas su l’exploiter médiatiquement ». C'est à se demander si c'est l'analyste politique ou le militant d'Ettakatol qui parle.
Quant à l’initiative Caïd Essebsi, sans citer une seule fois le nom de l’ancien premier ministre, il met en garde contre les dangers d’une bipolarisation de la vie politique où « l’électeur aura à choisir entre les islamistes et les proches de l’ancien régime ». Par contre, il prône le pluralisme comme antidote à l’hégémonie d’un seul parti. Pourtant c'est la participation d'une trentaine de partis et des dizaines de listes indépendantes qui ont permis à Ennahdha de devenir le parti dominant dans le pays, le 23 octobre 2011.