Youssef Seddik: Encore une lettre à un(e) inconnu(e) intelligent(e) parmi nos gouvernants provisoires
Je crois avoir parlé déjà, ici même, de ce philosophe antique du nom de Diogène dit le Cynique dont les exploits, gestes ou pensées, brisent tant de lieux communs et de bêtises, dénoncent tant de laideurs dans la Cité, sans rien demander à personne, surtout pas au tout-puissant Alexandre surnommé "Le Grand", son roi à l'époque, sinon qu'il s'écarte de son soleil et disparaît de sa vue !
Notre pays en ce moment ne laisse plus le choix aux acteurs et actrices las et simplement "honnêtes" égarés dans les méandres et les tourments de cette Révolution qui n'en finit pas de mordre la poussière. Que faire d'autre, en effet, que de se retirer dans sa nudité protégée seulement par une amphore en guise de cache-sexe, d'allumer une bougie en plein jour pour chercher un homme, un vrai, de tendre la main aux muettes et sourdes statues du musée, rien que pour se rendre supportables l'indifférence et les silences de ces soi-disant vivants qui nous gouvernent ?
Parlons, sans grand espoir d'être entendus, de la toute dernière "sortie" de ce "régime" qui s’est mis en place dès le lendemain du 23 octobre 2011 pour ne rien faire d'autre que fermer le jeu et dessiner son horizon à lui et celui des siens. Parlons de cette dernière qui m'implique et me concerne, membre de cette famille de Dar As-Sabah, et pour avoir été accueilli libre et responsable par sa prestigieuse équipe héritière et ses innombrables disciples… Comment accepter qu'un monument national tel que Dar As-Sabah soit aussi misérablement traité? Sans la moindre habilitée, sans la moindre annonce (…)
Le texte de protestation adressé par mes consœurs et confrères aux trois présidents (censés être le vrai pouvoir en cette phase de transition) et à l'opinion publique (censée arbitrer dans les vraies démocraties), m'épargne l'effort d'en rajouter. Mais s'il m'est permis d'apporter ma modeste pierre à la construction d'un débat que je souhaite encore s'ouvrir, je m'adresserais en petit Diogène, (nommément) à MM. Moncef Marzouki, Hamadi Jebali et Mustafa Ben Jaafar, mais aussi à celui par qui tous les scandales arrivent ou n'arrivent pas, s'il le veut bien, au Cheikh Rached Ghannouchi, pour leur faire, ma bougie à la main en ces jours de ciel éclatant et d'aveuglantes lumières, une suggestion : Pourquoi ne pas suspendre cette vilaine décision, le temps de lancer un appel à candidature sur projet et nommer une commission de gens du métier pour en choisir le meilleur, le plus imaginatif, le plus méritant en vue d'améliorer tirage, distribution et vente ; le plus tendu vers l'avenir dans une Tunisie fatiguée de la pensée unique et des mensonges sur ondes et colonnes ? Et pourquoi empêcherait-on M. Lotfi Touati, jadis promu de l'IPSI (...) d'y participer et de concourir tout comme les autres bons citoyens ?
Si, Messieurs les trois présidents, vous ne vous rendez pas à cette juste évidence, si vous ne parvenez pas à en convaincre Sa Transcendance politique, le Cheikh Rached, où voulez-vous que le citoyen et la citoyenne qui vous ont un jour élus, reconnaissent votre sens de l'honneur et de courage ? Vous tenez là une chance, la vôtre de vous reprendre enfin, mais aussi la chance de ce fol et impayable Diogène, puisqu'il aura trouvé enfin un homme qui, en chacun de vous, en vaut trois.
Youssef Seddik