Taieb Baccouche S.G de Nida Tounès: pourquoi ont-ils peur de nous ?
« Fouloul» contre-révolutionnaires, «corrompus» : jamais un parti n’aura polarisé autant de critiques alors qu’il est en voie de constitution. Secrétaire général de Nida Tounès, Taieb Baccouche fait justice de ces accusations auxquelles il a une explication : «Notre parti fait peur, alors qu’il incarne, plutôt, l’espoir».
Dans une interview à Leaders, il passe en revue les objectifs de son parti, écarte tout projet d’alliance avec Ennahdha, évoque la possibilité de création d’un groupe parlementaire et répond à ceux qui lui prêtent des ambitions nationales: «Pour l’instant, ma seule ambition c’est de concrétiser les objectifs de mon parti».
Une réponse qu’on a déjà entendue dans la bouche de nombre de futurs présidents dans le passé. Mais, il ajoute : « Parler de candidature avant la promulgation de la nouvelle constitution serait à mon sens insignifiant ». Interview.
Combien sont-ils : 20 000, 50 000 et 100 000 entre adhérents effectifs et virtuels à avoir choisi votre parti. Mais abondance de biens peut aussi nuire. Ces adhérents viennent d’horizons divers, ils sont libéraux, socialistes, anciens communistes, conservateurs, progressistes et autres Destouriens repentis. Au niveau des cadres, c’est surtout le trop-plein qu’il faut craindre. Comment faire cohabiter au sein d’un même parti des hommes et des femmes aussi différents et dont le seul dénominateur commun est la peur d’Ennahdha ? Comment éviter de devenir le parti de la peur et créer une force de proposition, un parti qui pourrait constituer une alternative à la Troïka ?
Vous posez là plusieurs questions liées en une. Le chiffre en soi est très relatif, car il y a les demandes d’adhésions directes ou par internet qui dépassent les cent mille; et les adhésions effectives avec cotisations et reçus qui augmentent de jour en jour après vérification des demandes. C’est un travail administratif que nous ne suivons qu’épisodiquement. On dit souvent qu’il vaut mieux gérer l’abondance que la pénurie. Il est vrai qu’ils viennent d’horizons différents.
Mais dire que ce qui les unit est la peur d’un quelconque parti n’est pas exact car ce serait une définition par la négative. La réalité est que nous nous définissons par la positive, à savoir l’attachement au régime républicain, civil et démocratique où toutes les libertés et tous les droits de l’Homme sont respectés et où tous les acquis sociaux sont consolidés et développés.
Si des partis ne respectent pas leurs engagements et cultivent la duplicité ou menacent ces acquis et ces choix sociétaux, il est normal et légitime de les dénoncer. Ce n’est donc pas la peur qui nous motive mais le devoir national envers la patrie.
Notre objectif stratégique et notre ambition est de cimenter ces forces vives de la Nation pour créer le néo-mouvement national dont la Tunisie a plus que jamais besoin en rétablissant et renforçant les ponts — que certains veulent détruire— avec le mouvement national qui a conduit le pays à l’indépendance et à l’édification d’un Etat moderne malgré les dérives qu’il a connues au fil des ans.
Il ne faut jamais perdre de vue que ce mouvement national avait deux piliers: le mouvement politique - symbolisé par le leader Habib Bourguiba- et le mouvement social— symbolisé par le leader syndical, le martyr Farhat Hached. Il n’y a donc pas de trop-plein à craindre car il y a de la place pour tous ceux qui veulent servir leur patrie et non leur parti.
Depuis sa création, Nida Tounes est devenu la cible privilégiée des partis de la Troïka et notamment Ennahdha. Comment expliquez-vous cet acharnement ?
Ça ne s’explique que par la peur car c’est là qu’on peut parler de peur. Ceux qui nous attaquent avant même que nous soyons constitués prouvent qu’ils ne sont pas démocrates et n’ont probablement pas la volonté de jouer le jeu démocratique. Je pense que nous les dérangeons parce que nous posons les vrais problèmes et nous leur rappelons leurs engagements pris mais non respectés, ainsi que les devoirs qui fondent la véritable légitimité.
Nous leur rappelons le gouvernement Caïd Essebsi qui semble constituer psychiquement leur mauvaise conscience car il leur a légué le pouvoir d’une manière civilisée en bons démocrates pour la première fois dans l’histoire du pays. S’ils avaient l’intention de se comporter comme nous, ils ne nous auraient pas attaqués avec un tel acharnement.
Que vous inspirent les déclarations contradictoires des dirigeants de la coalition gouvernementale à propos de la finalisation de la Constitution ?
Ne craignez-vous pas un report des prochaines élections à l’automne 2013 ?
Les déclarations contradictoires des dirigeants de la coalition gouvernementale sont devenues le pain quotidien des Tunisiens.
Elles ne s’expliquent pas seulement par l’incompétence tangible de certains ou par l’alliance opportuniste contre nature, mais surtout par l’absence de feuille de route et de politique cohérente, claire et convaincante.
Le report de toutes les échéances ne nous surprendra pas. La société politique et civile doit s’y préparer d’ici la fin de cette année car elle aura son mot à dire
Accepteriez-vous de gouverner un jour avec Ennahdha ?
Il faut distinguer alliance électorale et gouvernement. Une alliance électorale contre nature n’est pas envisageable. Ce parti n’a pas respecté ses engagements électoraux de se transformer en parti républicain civil. Il se comporte de plus en plus comme un parti religieux. L’Islam est notre religion et n’est l’apanage d’aucun parti qui voudrait le confisquer et le dénaturer ou imposer à la société sa propre conception de la religion.Mais les partis appelés à gouverner ne se définissent pas dans l’absolu mais suite aux résultats d’élections réellement démocratiques.
Au rythme des ralliements de constituants à Nida Tounes, envisagez-vous de créer un groupe parlementaire ?
Si leur nombre est respectable, pourquoi pas? Le ralliement est libre et légal. Mais nous évitons par principe toute pratique déloyale
Où en êtes-vous dans la formulation de la plateforme politique, économique et sociale du parti ?
Plusieurs dizaines d’experts, membres ou sympathisants de Nida Tounes travaillent d’arrache-pied depuis quelques semaines sur ce chapitre en commissions. Nous verrons début septembre l’essentiel des résultats du travail de ce think tank.
Que peut apporter Béji Caïd Essebsi, leader de Nida Tounes, au parti ?
Beaucoup. Sa longue expérience politique et diplomatique. Il a dirigé avec succès le gouvernement de la première transition et assuré la première passation pacifique et civilisée du pouvoir à l’actuel gouvernement de la seconde transition. Ceux qui ne suivront pas cet exemple auront perdu leur premier rendez-vous avec l’Histoire, sans parler de leur légitimité.Il peut donc toujours contribuer par le truchement de Nida Tounes, même indirectement, au succès de la transition démocratique.
Vous êtes le secrétaire général de Nida Tounes. Quel est précisément votre rôle ?
Le règlement intérieur est en cours de finalisation. Mais je peux dire que les rôles respectifs du président et du secrétaire général sont complémentaires, pas seulement dans l’absolu mais particulièrement dans notre cas, vu la nature de nos parcours respectifs.
Dans le précédent gouvernement, j’ai eu l’occasion d’apprécier en Si Béji les qualités d’homme d’Etat et de le respecter comme un grand frère.
On vous prête des ambitions nationales? Seriez-vous candidat à la présidentielle ?
Les gens sont libres de me prêter ce qu’ils veulent. Mon ambition actuelle est de contribuer avec les militants de Nida Tounes à réaliser les objectifs que j’ai définis dans mes réponses précédentes.Parler de candidature avant la promulgation de la nouvelle constitution serait à mon sens insignifiant.