Hamed Karoui:«si l'on doit punir tous ceux qui ont servi sous l'ancien régime, il faudra changer de peuple».
L’ancien Premier Ministre Hamed Karoui s’est défendu avec force d'avoir participé à des tractations politiques avec le Chef du gouvernement Hamadi Jebali lors du dîner récemment par l’association de son fils Dr Néjib Karoui au profit d’œuvres caritatives. La presse avait fait état de cette rencontre à laquelle prirent part l’ancien Premier Ministre destourien Hédi Baccouche et des hommes d’affaires du Sahel, insinuant que l’ancien Vice-président du RCD jouait aux intermédiaires entre Ennahdha et la mouvance destourienne.
S’exprimant mercredi au micro de Mosaïque FM a marqué son étonnement du bruit fait autour de cette affaire alors que, dit-il, il ne s’agissait que d’une manifestation destinée à collecter des dons au profit des pauvres et la présence simultanée des personnalités en question parmi les convives était totalement fortuite. « D’ailleurs, nous n’étions même pas assis à la même table », a-t-il argué, se plaignant des rumeurs entretenues autour de sa relation avec le Chef du gouvernement, du genre de celles qui soutiennent qu’il en serait le coach « si tel était le cas, le gouvernement aurait certainement agi autrement», ou qu’il aurait été « un nahdhaoui infiltré (mondass) au sein du parti destourien».
« Ma relation avec Hamadi Jebali ne date pas d’aujourd’hui, a déclaré M. Karoui. Elle remonte à 1983. Je n’étais pas encore membre du Bureau politique (du Néo Destour). Notre premier contact eut lieu le jour où il m’a contacté pour m’éclairer sur les intentions du mouvement islamiste alors en pleines tractations avec l’ancien Premier ministre Mohamed Mzali pour son éventuelle légalisation. Je suis en effet de ceux qui, comme Mzali, pensaient à l’époque qu’un parti islamiste avait sa place dans un pays musulman comme la Tunisie».
Interrogé sur le point de savoir si Bourguiba était au courant de ces contacts, il a répondu par la négative, en en imputant la raison au fait que Bourguiba ne gouvernait déjà plus le pays et que «son entourage proche s’était rendu maître des rouages de l’Etat». Il a révélé que ses entrevues avec l’actuel chef du gouvernement avaient lieu dans le plus grand secret, à l’abri des regards indiscrets (parfois dans des conditions rocambolesques)
A la question de savoir s’il continue de le voir, M. Karoui a affirmé n’avoir rencontré le Chef du gouvernement que deux fois depuis la Révolution, la première fois pour le mettre en rapport avec Mohamed Ghannouchi pour des affaires concernant Ennahdha et la deuxième fois pour le féliciter à la suite de la victoire de son parti aux élections du 23 octobre.
A-t-il des regrets concernant la répression qui s’était abattu sur les partisans d’Ennahdha du temps où il était Premier Ministre sous Ben Ali ? M. Karoui s’est borné à dire qu’il « ne faut pas non plus oublier les violences dont Ennahdha s’était rendu coupable ». Il a également déploré qu’Ennahdha s’emploie à exclure les Destouriens de la vie politique. « Nous autres Destouriens, a-t-il déclaré, avons la conscience tranquille et sommes les premiers à réclamer l’établissement d’une liste des Destouriens corrompus. Il faut bien se garder de toute généralisation car, en matière de corruption ou de toute autre forme de pratiques délictuelles, la responsabilité doit rester individuelle. A ce titre, nous pouvons dire que nous sommes parmi les premières victimes de la corruption».
« S’il faut punir ceux qui pourraient avoir servi l’ancien régime, il faudrait changer totalement de peuple », s’est-il exclamé.
Pourquoi ne s’était-il pas retiré après avoir constaté les dérives totalitaires de Ben Ali. A cette question, M. Hamed Karoui a déclaré que l’œuvre menée alors par son équipe gouvernementale le justifiait. « Nous nous attelions à de grands chantiers et avons pu réaliser de grandes performances, notamment en termes de croissance et d’infrastructures malgré les retombées négatives de la crise du Golfe et une conjoncture économique mondiale très difficile », a-t-il ajouté, faisant également valoir « le bilan globalement positif de son gouvernement, non seulement en termes de performances économiques mais aussi en termes de progrès social », avec notamment l’institution d’une politique salariale contractuelle négociée. Il a cependant déploré que, progressivement, les grands dossiers n’aient plus été du ressort du gouvernement mais traité directement par la présidence, au niveau des conseillers. Avec Ben Ali, il n’y avait plus selon lui de ministres dotés de vraies prérogatives mais de simples exécutants d’instructions.
Etait-il au courant de la pratique de la torture très courante lorsqu’ils était aux affaires ? L'ancien premier ministre a admis en avoir vaguement entendu parler !