Emploi, chômage, et pauvreté Et si le Ministère de l'emploi était supprimé ?
Un problème bien posé est à moitié résolu ! Cela est connu. Pour aller directement au cœur du sujet, et éviter les introductions longues et inutiles nous affirmerons d’emblée que le problème du chômage en Tunisie est mal posé. Il est présenté dans des dimensions qui le rendent réfractaire aux mesures économiques et sociales, auxquelles l’on a traditionnellement recours pour le maitriser et le réduire. Avec 700 000 à 8000 chômeurs, on a le sentiment d’être dans une impasse.
I – Etat des lieux
Un rapide état des lieux, à partir des chiffres publiés par l’INS en fév.2012, permet de relever que sur une population active, de 3,9 millions de personnes, dont 20,4 % seulement ont reçu une éducation du niveau supérieur, la population employée est de 3,170 millions de personnes dont 17,5% sont diplômés de l’université. La différence entre ces deux chiffres représente le nombre de chômeurs : « Estimé » à 13% en Mai 2010, ce pourcentage aurait « bondi » à 18,9% en Novembre2011 : soit 738.400 personnes, dont le 1/3 sont du sexe féminin.
1 - Le chômage des diplômés de l’université
Par niveau d’éducation, les chômeurs sont diplômés de l’enseignement supérieur pour 32% soit 242 800 personnes ; 41% sont du niveau secondaire soit 30 700 personnes
Les analphabètes et les chômeurs du niveau primaire représentent 26% de l’ensemble.
Par nature de diplômes la répartition des chômeurs à fin Février 2012 est la suivante:
• Techniciens supérieurs : 45,2% = 101.200
• Maitrise lettres et sciences humaines 14,2% = 31,800
• Maitrise droit, économie et gestion 14,5 % = 32,500
• Maitrise sciences physiques chimie.. 17,6% = 39,200
• Autres : Pharmacie, médecine… 8,5% = 19,000
L’on relèvera que le nombre de techniciens supérieurs est passé de 18 000 en 2005 à 100 000 en 2011 et que le total des diplômés chômeurs diplômés a évolué de 55 000 en 2005 à 223 000 en 2011
Ces chiffres constituent un verdict sévère à l’égard du système éducatif car si quantitativement les effectifs de l’enseignement supérieur ont été multipliés par 10 en 20 ans, passant de 40 000 à 400 000 étudiants , aucune justification n’est disponible quant aux choix des disciplines retenues, ni à leur répartition régionale .
Personne ne pourra non plus expliquer pourquoi le nombre des bacheliers en section lettres, atteint en 2010 ,près de 52 % des bacheliers à Sidi Bouzid ,soit le taux le plus élevé du pays et pour quelle raison on y a créé un ISET, et non pas un institut agronomique, une spécialité industries agro-alimentaires ou un institut des cultures en terres semi-arides –à titre d’exemple--!?
On ne sera jamais assez sévère à l’égard des Responsables du Système éducatif, à tous ses niveaux, pour le gaspillage de ressources humaines et financières auquel ils se sont livrés pendant deux décennies. Combien de temps nous faudra-t-il pour redresser les conséquences de leurs improvisations ou négligences, sur la jeunesse, sur l’économie et sur la société entière ?
Une étude publiée en 2012 par le Ministère de l’enseignement Supérieur affirme / reconnaît - d’ailleurs que le niveau des étudiants à l’entrée comme à la sortie de l’université, est au dessous des normes, au point qu’un grand nombre d’entre eux ne méritent pas les diplômes qui leurs sont attribués, et ne sont pas « employables » par les entreprises !
Cela était connu, mais les corrections qui s’imposaient n’ont toujours pas à ce jour été effectuées.
Ceci contraste avec l’engouement des familles pour l’éducation de leurs enfants, perçues comme un ascenseur social .Souvent les familles s’endettaient et s’endettent encore pour payer les études de leurs enfants .Le jour ou cet ascenseur s’est avéré en panne, les jeunes et les familles ont eu le sentiment d’avoir été trompés ! Ce sera la rébellion legitime conduite par ces diplômés et leurs familles.
2 - Où se trouvent les chômeurs ?
La répartition régionale du chômage confirme une grande disparité, due notamment aux inégalités dans la répartition des investissements et des entreprises:
Le taux de chômage dans le Sud-ouest est le triple du taux constaté dans le Centre –est : soit
- 29,5% dans le sud-ouest - 17,2% dans le district de Tunis,
- 27,2% dans le sud-est; - 14,5% dans le nord-est
- 26,9% dans le centre-ouest, - 11,9% dans le centre-est
- 22,3% dans le nord-ouest
Mais c’est au niveau des « délégations » que les inégalités sont les plus flagrantes puisque le chômage peut y atteindre jusqu'à 48 % comme à Menzel Bouziane!
Les chiffres publies par l’INS en Septembre 2012, indiquent que le chômage atteint 51 % dans le gouvernorat de Tataouine alors qu’il n’est que de 5% à Monastir.
Ce sont ces jeunes qui, frustrés et ne voyant pas d’issus, finissent par opter pour l’émigration clandestine suicidaire.
Cette cassure régionale constitue aujourd’hui à la fois la facette négative de la politique économique mise en œuvre au cours des cinq décennies écoulées, et la cause profonde du malaise social et des troubles incessants que le saupoudrage des projets réclamés ou proposés ici et la, ne parvient pas à calmer. Ces projets répondent certes à des besoins urgents, mais ne s’intègrent pas pour autant dans un processus cohérant et « lisible » de développement.
Aussi et à moins d’une Vision claire et de la programmation à court et a long terme, d’un développement crédible et communiqué dans un langage compréhensible, le replâtrage risquerait fort de ne pas prendre.
3 - Qui sont les chômeurs ?
En fait, les chiffres du chômage couvrent des réalités différentes, et doivent être manipulés avec prudence pour éviter les confusions .On y rencontre en effet:
• les demandeurs de premier emploi, diplômés ou non.
• les demandeurs de meilleurs emplois avec ou sans diplômes.
Dans cette dernière catégorie l’on rencontre des personnes employées, mais non satisfaites de leur emploi. Elles se considèrent et se déclarent en chomage :
- En font partie en premier lieu, ceux qui sont périodiquement soumis au chômage dans des activités par définition saisonnières, telles que le bâtiment, l’agriculture, le tourisme, la pèche , les industries agroalimentaires et autres.
Ils sont constamment à la recherche d’un autre travail, ou d’un emploi de « soudure », qu’ils craignent de ne pas trouver à temps, ou de ne pas apprécier ; ils vivent dans la précarité.
D’autres catégories de travailleurs, dans des activités non saisonnières, mettraient en cause :
le secteur d’activité auquel ils appartiennent, le niveau du salaire, le grade, la nature de l’activité ou sa pénibilité, le travail de nuit, etc.
Il y a par ailleurs ceux qui se sentent « sur –qualifiés » pour l’emploi qu’ils occupent comme ce maitrisard en droit qui est oblige d’accepter un travail de nuit comme manutentionnaire dans une usine.
Le facteur géographique intervient aussi : Les filles, mais aussi les garçons, dans les régions de l’intérieur, contraints à l’exode vers les régions côtières à la recherche d’un emploi, préfèreront pour des raisons compréhensibles, travailler dans leur propres localités, vivre avec ou pas loin des parents, et faire, sur un salaire déjà maigre, des économies au niveau du loyer, et du transport,
Alors, toutes ces catégories de salariés, tout en travaillant, s’inscrivent dans les bureaux de l’emploi à la recherche d’un emploi stable et suffisamment rémunérateur et se déclarent et sont comptabilisés comme chômeurs.
II - Emploi et précarité : Le concept de « Mosmar fi Heit »
Aussi et pour des raisons de « sécurité », certains ne voient leur bonheur que dans le secteur public ou caressent le rêve d’appartenir, pour le prestige, à une banque même dans des postes sans qualification …
Le concept de « Mosmar fi Heit » résume bien le souci des Tunisiens d’ « échapper à la précarité ». Même les personnes installées pour leur compte dans le secteur informel, et assurant un revenu relativement « correct » se considèrent parfois dans « en situation provisoire » en aspirent à un emploi permanent ; Certains d’entre eux s’inscrivent aussi dans les bureaux de l’emploi, juste pour le cas où...
L’on ne peut donc pas dire qu’il faut aujourd’hui créer 700 000 ou 800 000 emplois nouveaux comme on ne cesse de le répéter, sans préciser pour autant de quels emplois il s’agit.
Cette approche aboutit d’ailleurs à une perspective déprimante dans laquelle, et compte tenu de la croissance démographique, il faudrait créer 150.000 emplois par an pendant 10 ans pour approcher du plein emploi, ce qui est irréaliste de prévoir aujourd’hui.
La gêne et le sentiment d’ impuissance chez les Responsables politiques devant cette situation , provient aussi de cette explosion de la demande de mieux être , au lendemain de « la Révolution » , à la faveur d’un sentiment devenu certitude chez les insatisfaits, que 14 janvier est un miracle qui , comme par magie, a mis fin à tous les obstacles .En cela ils ont été confortés par les promesses des Partis politiques qui, imprudemment ,ont promis de satisfaire ,de suite, tout ce que l’ancien régime n’a pas réalisé .
Le problème parait donc mal posé ! La réalité est que dans la plupart des secteurs traditionnels de l’économie tunisienne, l’emploi est saisonnier et les travailleurs souffrent d’une précarité structurelle des revenus. Fait étonnant, les couvertures sociales ne leur sont pas toujours étendues, et demeurent réservées aux employés du secteur organisé où les emplois sont préférés.
Priorité au traitement de la précarité.
La demande de meilleur emploi signifie ainsi que le traitement du chômage, ne pourra pas être dissocié de la lutte contre la précarité, ni réduit à une comptabilisation des créations d’emploi.
Aussi, c’est essentiellement par un traitement sectoriel des conditions de travail, de rémunération, et des relations entre employeurs et employés dans les différentes branches d’activité, que l’on pourrait mieux protéger les travailleurs et répondre à leurs attentes !
• Les couvertures sociales :
- Il s’agirait de veiller à ce que tous les travailleurs bénéficient des couvertures sociales. Un meilleur emploi signifie ici un meilleur employeur qui fasse bénéficier ses employés des avantages sociaux. L’emploi au noir n’est pas exceptionnel .Dans plusieurs activités, les textes ne prévoient d’ailleurs aucune couverture consistante!
• L’emploi structurellement saisonnier :
- Il s’agit ensuite de trouver des réponses appropriées aux problèmes posés par le caractère structurellement saisonnier du travail dans un très grand nombre activités économiques.
C’est une donnée fondamentale à la quelle il importe d’apporter un réponse « politique ».
Les négociations des conventions collectives devraient s’attacher à atténuer les retombées de la structure de notre économie sur le travailleur. Il s’agira surtout de limiter cette « flexibilité » excessive du travail au seul profit de l’entreprise pour motif de compétitivités.
La Suède a mis en œuvre une politique de l’emploi, basée sur la protection des revenus des travailleurs entre autres par la couverture sociale .Cette politique s’appuie sur les principes de la Solidarité Nationale et de l’Equité : un salarié au chômage pour fin de saison agricole, touristique, ou autre, ne doit pas être abandonné à son sort. L’Etat, le secteur d’activité, et l’entreprise, doivent par devoir de solidarité, l’aider à bénéficier d’un minimum de revenu pendant un temps déterminé.
Cela développerait le sentiment d’appartenance des travailleurs à leurs entreprises et réduirait sensiblement les demandes de meilleur emploi.
III - Emploi et pauvreté : le Smig au seuil de la pauvreté
Selon le Ministère des affaires sociales, 24,5% de la population, soit un Tunisien sur 4, sont pauvres. Parmi les personnes pauvres se trouvent des travailleurs salariés, demandeurs de meilleurs revenus. Ceux qui ont pu accéder au système éducatif, ne sont pas candidats à n’importe quel emploi : Ils aspirent à un revenu qui leur permette l’accès au niveau, ainsi qu’a la qualité de vie dont jouissent les habitants des régions du Centre- Est et du grand Tunis.
Le niveau du chômage féminin qui pour sa part, atteint 301 000 femmes à la fin 2011, est à cet égard un indicateur éloquent de cette relation entre la demande d’emploi et la pauvreté. L’emploi féminin consolide certes l’émancipation de la femme, qui se trouve souvent, et pour différentes raisons, soutient de famille. Mais c’est la faiblesse du niveau des salaires moyens qui fait que le besoin d’un deuxième salaire par famille est nécessaire, de sorte que les couples de jeunes ont besoin de deux emplois pour pouvoir fonder un foyer.
Les violences qui caractérisent les tentatives d’accès à l’emploi à la Compagnie des phosphates de Gafsa, ou à la fonction publique, sont révélatrices de cette volonté d’accéder à un salaire, permanent et suffisamment élevé, pour échapper à la fois au chômage, et à la pauvreté .
Le problème prend ici aussi une dimension politique, d’autant plus qu’a la pauvreté individuelle ou familiale, s’ajoute une pauvreté collective, environnementale, au niveau du cadre de vie, en raison de l’absence des équipements sociaux de base les plus élémentaires.
Il en résulte que, si l’accès à l’emploi permet effectivement d’échapper au chômage, il ne permet pas toujours d’échapper à la précarité ni à la pauvreté; Un grand nombre de « salariés » dans des emplois permanents demeurent de ce fait en quête de meilleurs emplois, d’exode ou d’émigration.
IV - Le modèle de développement en question
C’est que dans notre modèle de développement, « de facto ultra- libéral » , la nécessité de lutter contre la concurrence des produits importés par suite du démantèlement trop rapide de nos barrières douanières, l’absence de protection douanière effectives lors des importations régulières , l’envahissement de l’économie par les importations et le commerce parallèles ,la nécessite d’exporter, le besoin d’accueillir les d’industries étrangères en délocalisation, induisent tous , de bas niveaux de salaires , et au final le niveau de vie peu élevé pour l’ensemble des travailleurs tunisiens. : Un salaire de trois cents dinars / net mois pour un couple avec deux enfants correspond à une dépense de 2,5 dt par personne et par jour, soit moins que le seuil des 2 us dollars jour/ fixés par la Banque Mondiale pour définir le seuil de pauvreté. Comme le Smig et le Smag sont à ce niveau et, que la taille moyenne de la famille tunisienne est de 4 personnes au niveau national et peut atteindre 6 personnes dans les régions pauvres, faut-il parler de « pauvreté structurelle » ?
Le drame est qu’une augmentation consistante des salaires pourtant nécessaire, parait problématique pour les entreprises, dont certaines, dans l’état actuel de leurs coûts, de leurs contraintes et de la productivité du travail ,pourraient difficilement y faire face : Cela ressemble fort à une impasse !
De la sorte, aux chômeurs, aux travailleurs saisonniers, et à ceux qui ne sont pas satisfaits de leur travail, l’on doit ajouter les smigards, atteints eux aussi de pauvreté !!!
Une augmentation du niveau des salaires ne pourra être recherchée que dans le cadre d’un virage, d’ une évolution du modèle de développement, en partie responsable de l’étendue de la pauvreté dans le pays .Ce virage devra être négocié, et géré, parallèlement à une remontée de filière, la seule issue!
Nous devons être conscients que cela demandera temps et persévérance.
V - L’ épuisante lutte contre la pauvreté
En attendant, l’Etat s’épuise à vouloir, par des moyens souvent improvisés et inappropriés, subvenir aux besoins des populations pauvres ou sans emploi, de plus en plus nombreuses et de plus en plus exigeantes.
Les Politiques Actives d’Emploi (PAE) oscillent entre indemnité de chômage et calmants divers, aux effets pervers :
• La plus célèbre des mesures est l’aide à l’insertion SIVP, avec ses multiples variantes qui ont fini par être fréquemment détournées par les entreprises, qui y verront souvent un moyen légal de maitriser leurs masses salariales .il importe que le nombre de « formules » soit réduit et que le demandeur d’emploi bénéficiaire, répondant à des conditions précises, en soit le bénéficiaire final.
• Parmi les actions de redistributions directes des revenus dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, l’on relèvera que le budget de l’exercice 2012 consacre une enveloppe de 3500 millions de dinars pour différents programmes sociaux allant des chantiers, au programme Amal , aux stages d’insertion etc. Ce chiffre ne cesse d’augmenter.
• Les recrutements socio-politiques tant dans l’Administration que dans les entreprises publiques font peser une grande menace sur leur efficacité et rentabilité sans compter le déséquilibre croissant que cela induit au niveau du budget de l’Etat.
• Le cancer de la caisse de compensation !
Mais ce sont les montants alloués à la Caisse de Compensation pour adoucir les prix des hydrocarbures, des produits alimentaires de base et du transport qui constituent le véritable danger. Ces compensations, qu’il est sans intérêt d’en relever les montants sans cesse croissants, (6000 Mds dt ? ) se présentent comme « un complément de revenu» pour les travailleurs et un soutien au cout de la vie au profit des pauvres d’une manière générale.
Mais si la Caisse de compensation peut être politiquement opportune pour un temps, elle est socialement inéquitable et économiquement épuisante.
Tout a été dit sur ce gaspillage de moyens financiers qu’il serait opportun d’orienter vers des investissements productifs et créateurs d’emplois.
Des moyens techniques sont envisageables et aises à mettre en œuvre pour limiter et éviter ces gaspillages :
- La subvention des consommations d’électricité au niveau des ménages qui n’en ont pas besoin : L’établissement d’un tarif fortement progressif, en fonction du volume des consommations d’électricité, ferait que les gros consommateurs auront le choix entre payer le juste prix ou de s’équiper en installation photovoltaïque, sans pour autant être subventionné à cet effet. C’est une mesure équitable facile à mettre en œuvre.
- L’accès non justifié et inéquitable du touriste à la compensation
L’exclusion des hôtels de toutes compensation, tant sur les prix de l’énergie que sur ceux des produits alimentaires, inciterait à la vérité des prix ; l’on pourrait par la suite imaginer que les internats, les hôpitaux et tous les établissements publics, soient traites d’une manière analogue.
Au début des années 80 la banque mondiale, avait décidé que, le calcul des montants investis par l’Etat, devait se faire « compte non tenu des droit de douanes » car autrement, plus les droits de douane étaient élevés plus l’Etat était réputé avoir investi.
Pour la Caisse de compensation, la situation est identique .l’Etat ne peut pas se compenser lui-même pour ses propres dépenses de consommation de produits alimentaires ou d’énergie. Autant transférer ces montants dans les budgets des ministères concernés. Ce serait plus transparent.
Les aménagements a apporter dans les politiques de luttes contre la pauvreté impliquent une audace politique ,sans laquelle l’on continuera à s’enfoncer dans un cercle vicieux ,car
toutes ces dépenses sont au final « détournées » des investissements destines aux créations d’emploi et à l’amélioration des conditions de vie !
Pour sortir définitivement du labyrinthe des compensations ,les subventions devraient cibler les populations qui en ont besoin et non les produits .
La création d’emplois nouveaux permanents demeure cependant la solution rationnelle et radicale. Elle relève du modèle de développement et de la politique économique et sociale.
Conclusions : Faire redémarrer l’ascenseur social
1 - Le chômage est multidimensionnel
Les développements qui précédent montrent que la demande d’emploi non satisfaite, qui est à l’origine du soulèvement de 2008-2011, est multidimensionnelle et qu’elle couvre aussi bien la demande de premier travail, que les demandes de meilleurs emplois, de meilleurs revenus et de mieux être, sur fond de refus de la précarité et de la pauvreté. Les inégalités régionales et le sentiment d’iniquité rendent la situation encore moins acceptable.
Il ne s’agit donc pas de créer 750 000 emplois nouveaux, mais de fournir des emplois mieux rémunérés, plus stables qui permettent l’accès à une qualité de vie aussi agréable que celles dont jouissent les habitants des régions côtières.
Les réponses à ces aspirations passent par un faisceau de politiques économiques, fiscales, éducatives, et sociales cohérentes, pour créer un autre type d’emplois, dans un autre modèle social, et un autre schéma de développement. Il faut ainsi cesser de « promettre » des emplois a tous ceux qui en demandent et élaborer des réponses et des solutions concrètes en fonction des politiques sectorielles et régionales possibles !!
2 - Le Chômage : un problème politique
Suivant l’exemple de la Suède nous gagnerions à considérer le chômage, beaucoup plus comme un problème politique, que la résultante inéluctable des lois du marché. Il ne s’agit pas « que » d’un taux de croissance à assurer .C’est un problème de justice et d’équilibre social qui appelle un consensus politique.
La politique de l’emploi serait alors elle-même la pièce maitresse d’un modèle social se préoccupant de la protection des revenus sur la base de la Solidarité Nationale. Elle suppose une politique salariale, qui réduirait les iniquités sociales .
C’est la Solidarité en effet, qui permettrait de corriger progressivement, aussi bien dans le cadre les conventions collectives que dans le code du travail, les conditions de rémunération dans les activités notamment saisonnières, et d’atténuer les retombées de la flexibilité du travail. Nous aurons alors moins de demandeurs de meilleurs emplois, et retomberons vers des niveaux de gérables!
3 - La reforme fiscale et le développement régional contribueront pour leur part à réduire ce sentiment de colère post- révolutionnaire nourri par l’impatience de voir s’établir de meilleures conditions de vie dans ces régions dites déshéritées. Les sit-in et les grèves semblent viser justement une redistribution forcée des revenus impatiemment attendue, mais qui tarde à être lisible ou prévisible.
4 - Supprimer le Ministère de l’Emploi
La conséquence de ce qui précède est que, par souci de cohérence et d’efficacité, la gestion du marché du travail devrait être assurée par le Ministère des Affaires sociales, qui pourrait tenir compte de toutes les paramètres relatifs aux revenus, lors des négociations des conventions collectives, ou de la mise à jour du code du travail et coordonner toutes les actions sociales.
La création d’un Ministère de l’Emploi n’a contribué ni à clarifier les données du problème du chômage et de la pauvreté, ni à présenter des solutions en rapport avec ces données. Elle semble avoir répondu à d’autres soucis.
5 - Un nouveau modèle de développement économique et social
En cause serait en définitive « le modèle de développement économique et social » lui-même, qui s’avère incapable de répondre aux attentes de la population qui se bouscule devant un ascenseur social en panne.
En définitive il faudra développer autrement, créer des emplois autrement, et ne pas oublier que le soulèvement de 2011 dénonçait la pauvreté de régions et de pans entiers de la société, qui réclamaient un vivre mieux équitablement partagé, et la liberté.
Prochain article: Un nouveau modèle de développement ?
La politique industrielle et les 40 ans de la loi d’avril 72.
Noureddine Ketari
Ancien Secrétaire d’Etat
à l’emploi et à la formation
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pour éviter toute confusion, il y a bien 2 problématiques distinctes à traiter celle de l'emploi et celle relative au marché du travail; l'idée plus pertinente serait de fusionner les 2 ministères ce qui amènera plus de cohérence et de coordination entre 2 types de politiques distinctes mais complémentaires. Il y a des exemples à méditer dans certains pays d'Europe, le dernier qui s'est rangé à ce type de gouvernance est le dernier Gouvernement Sarkozy avec Xavier Bertrand à la tête de 2 Ministeres fusionnés: travail et emploi.