CNRPS : Les vraies menaces, les grandes réformes impératives
Accumulant depuis 2005 des résultats négatifs qui ont atteint 84 MD en 2011 et 116 MD en 2011, la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS) pourrait se retrouver un jour en situation d’incapacité d’honorer ses engagements envers ses affiliés. Bien que l’Etat reste le garant de la pérennité du système. Déjà, cette série de déficits a eu des effets négatifs sur la trésorerie, le financement des gaps se faisant par le biais des réserves liquides (placements sur le marché monétaire). Actuellement, la baisse des liquidités est telle que, pour honorer ses engagements envers ses assurés sociaux en continuant le versement des pensions de retraite à leurs échéances normales, la Caisse a eu recours au budget de l’Etat pour avoir des avances au titre des cotisations.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Comment pouvoir s’en sortir ? Le PDG de la CNRPS, Sayed Blel, en spécialiste aussi de la sécurité sociale depuis plus de 30 ans, a bien voulu nous fournir des éléments utiles, tout en nous laissant tirer librement les conclusions qui s’imposent. Le gouvernement de transition aura-t-il le courage, en cette période si délicate et préélectorale de surcroît, de lancer les grandes réformes (qui risquent de faire mal et de faire perdre des électeurs), quitte à prolonger l’âge de la retraite à 65 ans ou, du moins à 62 ans et demi ? Urgence oblige.
La CNRPS a connu son premier déficit depuis l’année 1993 d’environ 10 millions de dinars. Les principales causes de ce déficit étaient les suivantes :
• Générosité du régime : la loi 85-12 du 05 mars 1985 instituant le régime public de retraite dans le secteur public a prévu plusieurs dispositions avantageuses dont notamment :
- Le salaire de référence ou le salaire pris en compte dans le calcul de la pension: dans le secteur public, ce salaire est le dernier salaire ou le meilleur salaire perçu durant au moins deux ans (dans le secteur privé, le salaire de référence est la moyenne des salaires déclarés durant les dix dernières années.
Dans d’autres pays, ce salaire est une moyenne de l’ensemble des salaires déclarés durant toute la période d’activité)
- Le rendement des annuités : le rendement des annuités peut atteindre jusqu’à 90% alors qu’il est de 80 % dans le secteur privé (en France ce taux est de 50 % pour une ancienneté de 40 ans, au Maroc il est de 70 %)
- La bonification : ce système consiste à ajouter un certain nombre d’années de service à l’ancienneté effective de l’agent qui a accompli des fonctions astreignantes ou des travaux pénibles…)
- Le système de péréquation des pensions : c’est un système unique au monde. Il s’agit de réviser les pensions à chaque fois qu’il y a une augmentation des salaires pour les agents en activité ou en cas d’institution d’une nouvelle indemnité en leur faveur.
• L’entrée en application en 1986 d’un plan d’ajustement structurel de l’économie tunisienne qui s’est traduit par un gel de recrutements au niveau du secteur public, le désengagement de l’Etat d’un certain nombre de secteurs productifs et la privatisation des entreprises publiques (baisse des recrutements) ;
- l’adoption en 1988 d’un programme de retraite anticipée volontaire (RAV) qui a entraîné la mise à la retraite de milliers d’affiliés avec jouissance de pension immédiate.
De nouveaux déclins
Après l’enregistrement de ce premier déficit et afin de garantir la pérennité financière des régimes de la Sécurité sociale et la consolidation des acquis sociaux, une stratégie de réforme a été décidée en 1994 comportant 3 étapes.
Une première étape qui consiste à prendre des mesures immédiates pour rétablir l’équilibre financier de la CNRPS telles que l’augmentation, pour la première fois depuis 1985, du taux de cotisation au régime de retraite de 2,2 points (de 12 à 14,2 %) et l’institution d’une commission au niveau du Premier ministère chargée de l’étude des demandes de mise à la retraite anticipée sur demande. Une deuxième étape qui consiste à rationaliser certains paramètres qui étaient à l’origine du déficit. C’est dans ce cadre qu’un régime unique de validation de service a été institué. Une troisième étape qui consiste à réformer en profondeur les régimes de l’assurance maladie et de retraite.
Ces mesures ont permis de rétablir l’équilibre financier des régimes de retraite en enregistrant une série de résultats positifs.
Mais la situation financière de la Caisse a connu de nouveau un déclin à partir de 1998 à cause de plusieurs facteurs dont notamment:
• l’augmentation remarquable de nombre de départs à la retraite suite au changement de la structure d’âge de la population affiliée
• l’arrivée des régimes de retraite dans le secteur public à la phase de maturité, ce qui se traduit nécessairement par l’augmentation des droits des retraités sur le plan de l’ancienneté et du salaire pris en compte dans la liquidation de la pension.
• la multiplicité des motifs de départ à la retraite avant l’âge normal (60 ans) (cadre actif, fonctions astreignantes, fonctions pénibles et insalubres, l’ancienneté militaire…)
• l’amélioration de l’espérance de vie à la naissance (74,5 ans)
• l’intégration de l’ex-Caisse des services publics de l’électricité, du gaz et du transport (CREGT) à la CNRPS et la prise en charge du déficit structurel du régime des pensions de cette caisse.
Jusque-là des mesures de court terme seulement, en attendant une grande réforme
Devant cette situation de plus en plus critique et malgré les causes structurelles de ce déficit, les mesures qui ont été prises portaient uniquement sur le court terme.
Le taux de cotisation était le principal sinon l’unique outil pour faire face à l’augmentation remarquable du niveau des dépenses. Il a été revu à la hausse
3 fois après celle de 1994, et ce, en passant de 14,2% à 17,2 % en 2001, à 19,7 % en 2007 et à 20,7 % en 2011. Malgré ces augmentations successives, la CNRPS a enregistré une série de résultats négatifs depuis 2005 :
Année | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 |
Résultat (MD) | - 13 | - 45 | - 44 | - 42 | - 23 | - 84 | - 116 |
La Sécurité sociale dans le secteur public nécessite une refonte en profondeur des régimes de retraite pour préserver leur équilibre financier et leur pérennité à moyen et long terme.
Une étude exhaustive sur la réforme de la Sécurité sociale préparée par le Centre des études et de la recherche dans la Sécurité sociale (CRESS).
En attendant la mise en œuvre de la réforme, des mesures urgentes doivent être préconisées pour permettre à la CNRPS d’honorer ses engagements. Ces mesures doivent toucher la législation actuelle afin de rationaliser certains paramètres tels que le salaire de référence, le système des péréquations, l’élargissement de l’assiette soumise à cotisation.
Parallèlement, il faut réfléchir sur le mode de financement des régimes de retraite par la diversification des sources de financement et ne plus se contenter des cotisations.
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