Hédi Saied , Premier président honoraire de la Cour de cassation
Sa finesse d’esprit et sa vaste érudition juridique nous manqueront beaucoup. Hédi Saied, premier président honoraire de la Cour de cassation et premier Arabe et Africain à présider l’Union internationale des magistrats, s’est éteint le 15 août 2012, à l’âge de 90 ans. En près de 50 ans de carrière, ponctuée notamment par ses fonctions d’inspecteur général au ministère de la Justice et procureur d’Etat général, directeur des services judiciaires, comme en sa qualité de président de l’Association des magistrats tunisiens, il a toujours laissé le souvenir d’une grande probité, se mettant à l’abri de toute tentation, cultivant amitié et forçant respect. Même sous les fortes pressions qui s’exerçaient immanquablement sur lui par l’autorité politique au plus haut niveau, il avait su faire prévaloir sa conscience, rendant justice en sa profonde conviction.
Né le 12 mars 1921 à Béni Khiar (tout près de Nabeul), Hédi Saied y fera ses études primaires avant de rejoindre le Collège Sadiki puis l’Ecole supérieure de droit. Il décrochera, à 21 ans seulement, à la fois une licence en droit et un diplôme supérieur en langue et littérature arabes. Dès 1942, il entamera sa carrière professionnelle en tant que traducteur-rédacteur au Tribunal immobilier puis, à partir de 1947, en tant que magistrat. Il ira alors en poste à Tunis, Mahdia, Sfax, Kairouan et Bizerte, avant d’être nommé en 1958 vice-président du Tribunal immobilier dont il deviendra président en 1972. En parallèle, il siègera au Tribunal militaire permanent pendant 13 ans et en sera le président en 1970.
Sa carrière prendra un tournant significatif en 1975 lorsqu’il sera nommé inspecteur général du ministère de la Justice et le 18 janvier 1978, procureur d’Etat général, directeur des services judiciaires et en cette qualité rapporteur général du Conseil supérieur de la magistrature. Il passera ainsi près de 10 ans dans l’un des postes les plus élevés et les plus délicats du système judiciaire tunisien. Sa droiture lui sera utile pour ne pas susciter la moindre contestation, ni commettre le moindre faux pas, en cette période bien sensible et mouvementée de fin de règne de Bourguiba, avec toutes les interférences qui se multipliaient sur la justice. A deux ans de la retraite, il est nommé en juillet 1987 premier président de la Cour de cassation et y restera jusqu’à son départ, officiellement, en 1989. Il sera maintenu en fait en tant que conseiller auprès des ministres de la Justice qui se sont succédé et sera chargé en 1992 de la direction générale du Centre d’études et de recherches juridiques, tout en continuant sa précieuse participation engagée dès l’aube de l’indépendance à la refonte des différents codes. Gardant par ailleurs ses attaches universitaires, il maintiendra ses cours à la faculté de Droit et des Sciences politiques et participera ainsi à l’encadrement de nombre de travaux de recherche.
Parallèlement à cette riche carrière professionnelle, Hédi Saied se distinguera dans les instances de la corporation, tant en Tunisie qu’à l’étranger, mais aussi en tant qu’enseignant universitaire et chercheur. Le respect que lui vouent ses confrères le portera dès 1967 au poste de secrétaire général de l’amicale des magistrats dont il deviendra président (1975-1978) après sa conversion en association. A ce titre, il se déploiera au sein de différentes associations régionales et internationales, notamment l’Union internationale des magistrats, dont il deviendra le vice-président en 1970 et y sera reconduit, sans interruption, participant à ses différents congrès et commissions. Fort du soutien de se pairs de par le monde, Hédi Saied sera élu à la tête de cette puissante union (1980 – 1982). Son mandat sera particulièrement intense en activités sur les cinq continents et surtout riche en manifestations juridiques abordant divers thèmes.
En tant que représentant de la Tunisie, il conduira nombre de délégations officielles lors de commissions mixtes bilatérales et négociations d’accords, mais aussi à l’occasion de divers congrès et séminaires. Son empreinte restera sans doute indélébile. Qu’il s’agisse de ses propres publications, notamment son ouvrage «Fi Ryadh Al Bahth wal Qanoun», les arrêts rendus et les diverses communications présentées, mais aussi le souvenir qu’il laisse auprès de ceux qui l’ont connu, Hédi Saied demeurera comme l’une des figures brillantes de la magistrature tunisienne qui, en plus, a su rayonner à l’international. Un seul regret, cependant, qu’il n’ait pas eu l’occasion de publier ses mémoires qui auraient été bien instructives sur un parcours, un dispositif et une époque.