Pourquoi Lotfi Touati veut-il fermer Assabah News ?
Dernier baroud d’honneur ? Lotfi Touati, imposé à la direction générale de Dar Assabah, a notifié samedi à l’équipe du journal en ligne Assabah News sa décision de fermer le site. Datée du 26 septembre avec effet le 1er octobre, cette décision n’a été communiquée à l’équipe que ce jour, il est vrai que Touati n’avait pas mis les pieds dans son bureau ces quatre derniers jours. Sans s’attarder sur ces aspects procéduriers, la fermeture d’Assabah News, encore plus en cette forte zone de turbulences et à la veille de la grève de faim prévue ce lundi ne peut que surprendre.
Politiquement, s’agit-il d’une ultime manœuvre du dernier quart d’heure qui vise à torpiller les efforts menés pour mettre fin au calvaire du personnel de Dar Assabah et de parvenir à un accord acceptable ? Le jour-même, le ministre des Affaires sociales, Khalili Ezzaouia s'est rendu auprès du personnel pour les inviter à surseoir à la grève de la faim pour pouvoir entamer les négociations, promettant beaucoup de compréhension.
Stratégiquement, est-ce la bonne décision. Evidemment, on peut toujours invoquer des raisons économiques de coûts pour justifier une fermeture, bien que dans le cas précis, Assabah News n’obère pas particulièrement les comptes de l’entreprise. Elle constitue plutôt un véritable potentiel de rentabilité. Plus encore, au moment où la presse écrite connaît en Tunisie, comme dans le monde entier, de sérieux déséquilibres financiers, un redéploiement dans les nouvelles technologiques et l’innovation produits ouvrent des voies salutaires.
C’est, en effet, partant de cette vision que les équipes de Dar Assabah avaient décidé au lendemain de la révolution de lancer un journal en ligne, spécifique, avec un concept qui lui est propre. Les deux quotidiens, Assabah et Le Temps disposent certes chacun de son édition en ligne qui reprend celle imprimée, mais il s’agit à présent de concevoir un autre support
numérique, plus alerte, plus compact et surtout plus percutant. Fort de sa longue expérience journalistique de plus de 27 ans, d’un carnet d’adresses bien fourni, et du respect dont il jouit dans tous les milieux, Hafedh Gheribi, s’y est investi.
Sans beaucoup de moyens, juste un desk, quelques ordinateurs, un webmaster et une équipe très réduite de jeunes journalistes, il s’emploie à traquer l’information sous un angle incisif. Textes, photos, audio et vidéo, il couvre à chaud l’actualité et offre aux visiteurs un contenu varié, irrévérentieux et de première main. Les scoops se succèdent, comme ce fameux coup de colère de Marzouki à Doha (Bonté divine…) lancé contre Néji Zairi. En quelques mois seulement, Assabah News s’impose comme un journal en ligne de référence et se hisse aux premières places de divers classements.
Que suffisait-il de faire ? Monétiser ce succès en allant prospecter les annonceurs et les inciter à y mettre leurs bannières publicitaires. Tous les bons arguments sont là : un journal de qualité et crédible, une forte audience et un lectorat fidèle : un excellent support. Etait-ce aux rédacteurs de se convertir en démarcheurs publicitaires ? Tout l’interdit à commencer par la déontologie professionnelle. Mais, c’est à la direction générale de Dar Assabah de s’y mettre en dédiant une équipe marketing à la commercialisation des espaces publicitaires. En fait, sa mission est facile, tant le produit est bon. Il ne lui restait qu’à se mettre à l’œuvre et en tirer de bonnes recettes.
Mais voilà qu’au lieu de retrousser les manches, Lotfi Touati préfère pour des raisons qui ne peuvent trouver aucune justification, fermer le site et se priver d’un média très prometteur. Allez chercher pourquoi.
Contre-productive économiquement, cette décision va aussi à l’encontre du sens de l’histoire des médias. La presse écrite n’a d’avenir qu’en développant de nouveaux produits dérivés et investissant dans l’économie numérique. Touati l’a-t-il bien expliqué à son conseil d’administration ? A moins que…