Sortir le pays de l'impasse
Les dernières vidéos dans lesquelles Cheikh Rached Ghannouchi dévoile sa véritable stratégie à son aile salafiste donnent raison, au moins,à deux personnalités qui, bien avant nous, ont vu le danger que fait courir ce Cheikh au pays. Il s’agit du philosophe, Mohamed Talbi et de l’homme politique chevronné, Béji Caid Essebsi. Le philosophe nous a prévenus que Cheikh Rached Ghannouchi est un salafiste et que le salafisme et la démocratie ne se conjuguent pas ensemble. Le politicien, qui après une cérémonie remarquable, historique et émouvante a transmis le Pouvoir élégamment à Ennahdha et lui a souhaité plein succès espérant, de bonne foi, qu’elle fera mieux que lui, est revenu sur le devant de scène politique, à son corps défendant, à la tête d’un parti estimant qu’il avait commis une erreur de jugement sur ce parti en croyant à ses déclarations. Il s’en est d’ailleurs excusé.
Nous comprenons mieux aujourd’hui que les questions économiques ne figuraient pas parmi les priorités d’Ennahdha qui satisfaite de détenir enfin et par miracle le Pouvoir, œuvre en priorité à étendre ses tentacules partout pour être en mesure d’imposer aux tunisiens un modèle de société qui leur est étranger.
Nous sentions la chose, mais nous n’avions pas de preuves. Les preuves sont maintenant là et nous sommes déçus. Nous avons peur de ce qui nous attend. Il n’est pas impossible qu’on égorgera un jour, un à un, les plus actifs d’entre nous, comme ce fut le cas en Algérie, si rien ne change.
Le discours musclé tenu par les cinq dirigeants salafistes, tel que rapporté par le quotidien « le maghreb », dans son édition arabe du 12 octobre, vous donne froid au dos.
Aujourd’hui Ennahdha est à découvert. Elle est dans une position faible et donc prête à négocier.
C’est l’occasion pour l’opposition et la société civile de s’unir et d’affûter ses arguments et ses propositions pour redresser la situation.
L’initiative de l’UGTT que les partisans d’Ennahdha veulent faire avorter, en s’attaquant à ses locaux, doit être menée à son terme. C’est pourquoi, il faut la soutenir et éviter tout mouvement de masse avant le 23 octobre susceptible d’aggraver la situation politique que le pays traverse.
Si Ennahdha veut se ressaisir, et administrer sa « bonne foi » elle devra accepter particulièrement les points suivants :
• la nécessité de séparer le parti de l’Etat. Le Chef du Gouvernement doit démissionner du parti.
• Certains ministères devront revenir, immédiatement, à des personnalités indépendantes des partis. Parmi ces ministères, les affaires religieuses, l’enseignement, la justice et l’intérieur. Ce ministre devra remplacer les Gouverneurs, délégués et Omda par des personnalités indépendantes.
• Les imams ne devront appartenir ni au courant nahdhaoui, ni salafi et un grand nettoyage devra être effectué.
• Dar Essabah doit retrouver un dirigeant qui soit coopté par le personnel. La radio et la télévision doivent également avoir à leur tête des personnalités neutres qui remettront de l’ordre dans la baraque.
• L’institut National de l’Informatique, l’institut national des statistiques devront avoir à leur tête des personnalités indépendantes des partis .
• Les commissions indépendantes de supervision des élections, de la justice et de l’information doivent voir, enfin, le jour.
• La constitution devra être expurgée de toute référence à la religion et garantir la laïcité de l’Etat.
• L’engagement d’Ennahdha de bannir toute activité religieuse de ses objectifs sous peine de voir retirer judiciairement son visa.
Sur le plan économique, l’accord devra porter :
• L'élaboration d’un programme économique sur trois ans pour faire redémarrer l’économie et rétablir la confiance des investisseurs tant locaux qu’étrangers.
• L’UGTT doit arrêter de faire pression sur le Gouvernement pour réaliser des augmentations salariales inopportunes que le budget ne peut supporter.
Si la feuille de route ne comporte pas ces points, la parole sera donnée au peuple qui descendra alors, pacifiquement, dans la rue, encadré par les partis politiques, pour demander à l’ANC de démettre l’équipe au Pouvoir et si cette dernière refuse de le faire, il ira jusqu’à demander sa démission.
Enfin, j’ajouterai que dans cette phase cruciale le rôle du parti Ettakatol et du CPR est capital. Ces deux partis démocratiques et ardents défenseurs des libertés, n’ont servi, en fait que de couverture, à leur insu, à Ennahdha qui vient de démontrer qu’elle poursuit un objectif anti démocratique à l’opposé du leur. Aussi devront-ils exercer leur pression sur leur allié pour qu’il fasse les concessions qui s’imposent sinon ils perdront la face vis-à-vis de leurs adhérents et du peuple tout entier.
Un dernier mot, aux «laïques » partisans d’un extrémisme qui peut froisser l'opinion ou tourner le dos à notre passé essentiellement arabo-musulman, je leur dit d’en tenir compte. Oui, la Tunisie a un peuple en majorité musulman dont une grande partie est pratiquante. Cette majorité dit non aux extrémistes religieux et aux partisans d’une laïcité à outrance.
Mokhtar El Khlifi