La soif de liberté des journalistes tunisiens
La mobilisation à laquelle la grève générale des journalistes a donné lieu ce mercredi, constituera certainement une ligne de rupture avec tout ce que la corporation a enduré pendant plus d’un demi-siècle. Son ampleur, notamment, donnera sans nul doute à réfléchir à un gouvernement qui par ses tergiversations et ses maladresses s’est mis à dos toute une profession plus que jamais décidée à faire prévaloir ses droits. Tôt ou tard, il devra se faire une raison. Les temps sont révolus d'une presse aux ordres et du journaliste-porte-voix-du-pouvoir.
Il y aura désormais un avant et un après 17 octobre 2012. Certes, la révolution a permis d’enregistrer des avancées en matière de liberté d’expression. Mais, échaudée par les pratiques des années de plomb, la presse tunisienne entend donner un caractère irréversible à ses acquis, en obtenant les garanties juridiques nécessaires et, au besoin , leur "constitutionnalisation". Il n’est plus question de se contenter des libertés octroyées au gré des caprices du prince, d'ailleurs suivies généralement d'un retour du bâton. Pendant les 50 dernières années, ce secteur avait vécu, au mieux, sous le régime de la liberté surveillée, mais fut le plus souvent, bâillonné, persécuté, martyrisé même notamment pendant les années Ben Ali.
La conscience retrouvée et rompant définitivement avec l’indolence qui l’a marquée pendant longtemps, la presse est, aujourd’hui, décidée à jouer le rôle qui lui revient dans une Tunisie débarrassée enfin de la dictature. Elle réclame l’activation qui n'a que trop tardé des décrets 115 et 116 (on vient de l'apprendre, c'est chose faite, selon un communiqué du gouvernement rendu public mercredi) qui doit mettre la presse à l'abri des interférences du pouvoir exécutif, la réactivation de l’INRIC qui avait fini par se saborder pour ne pas être confinée dans un rôle purement décoratif, la fin des parachutages de responsables comme à Dar Assabah et les autres institutions publiques. Des revendications qui comme l’a prouvé cette journée sont partagées par la grande majorité des journalistes et certainement par tous les Tunisiens. Car la liberté de la presse est la mère des libertés et à ce titre, elle est l'affaire de tous.