Appel au Jihad à la télé en direct de Douar Hicher, linceul au poing: vive consternation
Les téléspectateurs tunisiens ont été les témoins ahuris, jeudi soir en prime time, d'une scène surréaliste et d’une extrême violence symbolique: Rien de moins qu’une déclaration de guerre sainte, en direct, à l’adresse de Samir Dilou et, surtout du ministre de l’Intérieur Ali Larayedh, présents sur le plateau d’Attounissia TV et, à travers eux, au pouvoir en place.
Le débat sur le plateau tournait au dialogue de sourds autour de la montée du péril jihadiste. Il basculait par moments dans la polémique et l’échange d’invectives après ce qui s’était passé à Douar Hicher, où l’imam et son assistant de la désormais « célèbre » mosquée Ennour avaient été tués par balles lors de l’assaut salafiste contre un poste de la Garde nationale du quartier. A un moment, l’animateur de l’émission Moez Ben Gharbia annonce un invité-surprise. En duplex, on voit alors apparaître un jeune barbu, la trentaine, un certain Nasreddine Aloui, qui se dit « successeur (autoproclamé) de l’imam martyr de la mosquée Ennour», enterré quelques heures auparavant. Qui vous a nommé à cette fonction, lui lance l’animateur ? Les prieurs, répliqua-t-il sèchement. Donc sans l’agrément de l’autorité compétente, en l’occurrence le ministère des Affaires religieuses.
Emoi bien perceptible sur le plateau et sans doute chez les téléspectateurs. Puis ce fut la consternation quand, après une violente diatribe contre, nommément, le mouvement Ennahdha, le jeune barbu, le ton étranglé de colère, menaça de guerre sainte le ministre de l’Intérieur, linceul au poing. C’est de cette manière qu’on déclare la guerre sainte dans les convenances de cette mouvance transnationale.
Samir Dilou tente une parade prudente pour faire valoir l’incompatibilité entre liberté d’expression et violence mais encaisse. Ali Larayedh, lui, stoïque mais visiblement surprispar la violence de la charge, tempère. L'air consterné, on le sent sur le fil du rasoir… A chaque mot, à chaque changement de gestuelle, il s’efforce d’éviter le point de rupture, de faire en sorte de ménager les voies du dialogue.
Face au discours fanatisé du jeune dirigeant jihadiste, il devait se dire que mieux valait calmer les outrances, et donc éviter la réponse frontale. Aussi se borna-t-il à opposer à la diatribe, des propos plutôt conciliants du genre « maintenant tous les Tunisiens jouissent d’un climat de liberté qui ne justifie aucunement le recours à la violence pour l’expression des idées et des différences ». Mais sans grandes illusions. Bien au contraire, le jeune imam se réclamant du mouvement d’Ansar Al-Chariaa d’Abou Iyadh a mis encore plus de violence dans ses propos au point que Moez Ben Gharbia dut le priver d’antenne.
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