Le meeting de Nida Tounès : on comprend mieux les inquiétudes d'Ennahdha
Initialement, la réunion devait se limiter aux militants du gouvernorat de l’Ariana. Les menaces proférées par les comités de protection de la révolution ont amené les dirigeants de Nida Tounès, dans une sorte de défi, à l'élargir à tous les militants de ce mouvement. Le défi a été relevé. Seuls, une dizaine de contestataires s’étaient déplacés à Ennasr, ce dimanche pour pourfendre - sans trop de conviction- «les résidus du RCD ». Il est vrai que le dispositif policier mis en place était assez impressionnant pour décourager toute velléité de violence ou de sabotage. Près de deux mille personnes, des militants, mais aussi des sans parti, venus en curieux pour voir si ce mouvement ressemblait bien à l’image que ses adversaires cherchaient à en donner, se sont entassés dans la grande salle de l’hôtel, dans une joyeuse anarchie.
On est loin du bel ordonnancement des meetings d’Ennahdha ou de l’ex…RCD. Pas de chauffeurs de salle, ni de service d’ordre musclé. Un détail assez significatif : l’élément féminin représente la moitié de l’auditoire et même un peu plus. Commentaire de l’une des présentes : « Nous avons obtenu nos droits sur un plateau d’argent. Maintenant que ces acquis sont menacés, nous sommes déterminées à ne pas nous laisser faire ». Prévue à 10 heures, la réunion démarre 45 minutes plus tard. Le chef de la coordination du mouvement à l’Ariana fait applaudir les noms de certains invités de marque : Yadh ben Achour, Mohamed Talbi, Habib Kazdaghli, le courageux doyen de la faculté des lettres de la Manouba, mais aussi le fondateur de Nida Tounès, Béji Caïd Essebsi qui n’était pas présent. Poliment, mais sans plus. On ne veut pas tomber dans le culte de la personnalité. Il demande à l’assistance de réciter la fatiha à la mémoire de Lotfi Ngadh, « premier martyr de Nida Tounès». L’évocation de l’héritage bourguibien suscite l’enthousiasme de l’assistance. Inévitablement, l’orateur s’en prendra à Ennahdha, mais sans acrimonie, tout juste pour noter que le harcèlement dont son mouvement fait l’objet est révélateur des inquiétudes que le parti islamiste nourrit face à la montée de Nida Tounès. Les orateurs défilent. Leurs interventions s’étirent au point de déconcentrer l’assistance qui commence à montrer des signes d’impatience. Heureusement, c’est au tour de Taieb Baccouche, secrétaire général du mouvement de monter à la tribune. Son intervention durera vingt minutes et s’ordonnera autour de deux points: l’analyse de la conjoncture politique et un état des lieux à Nida Tounès :
1- S’agissant de la situation politique, il persiste et signe : depuis le 23 octobre, la légitimité électorale a vécu. Celle que vivons est une légitimité consensuelle. Ce que nous déplorons, c’est l’absence d’une feuille de route pour cette étape. Au lieu de s’y consacrer, on cherche à faire dans la diversion en soulevant de faux problèmes, histoire de détourner la société de ses vrais problèmes, on jette l’anathème sur Nida Tounès, on encourage la violence politique, on transforme les mosquées en espaces de propagande où on prêche l’extrémisme le plus rétrograde. De toute évidence, il a une volonté de la part d’Ennahdha de gagner du temps pour asseoir son pouvoir en contrôlant tous les rouages de l’Etat. Les partis et les composantes de la classe politique de la société civile doivent se mobiliser pour contraindre Ennahdha à fixer une feuille de route contenant des engagements fermes s’agissant notamment de la date des élections et de la mise en place des hautes instances.
2- Concernant le parti : accélérer la mise en place des structures régionales au niveau des chefs-lieux de gouvernorat et des délégations de sorte que cette opération prenne fin d’ici à la fin de l’année. On passera ensuite aux imadat. Le parti étant en construction, il n'est pas facile d’organiser des élections, d’où la nécessité de recourir aux désignations sur la base du consensus. Les militants doivent éviter les tiraillements et faire preuve de compréhension (le secrétaire général du mouvement fait sans doute allusion aux différends survenus lors de l’installation des bureaux de Nida France et Monastir et de la volonté qu’auraient manifesté les transfuges d’El Massar, ralliés au mouvement de créer un courant selon des sources concordantes). Les maîtres-mots de cette étape doivent être "unité" et "consensus". Il faut éviter tout ce qui est de nature à semer la zizanie dans nos rangs.
La réunion a duré deux heures. A la sortie, le petit bureau où l'on recueille les adhésions est pris d'assaut. En quelques minutes, le stock de cartes est épuisé. Apparemment, le charme a pris.
On comprend mieux les inquiétudes d'Ennahdha et ses tentatives sans cesse renouvelées d'ostraciser Nida Tounès.
Hédi
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