Yadh Ben Achour : La Révolution tunisienne expliquée aux Américains
Dans une conférence prononcée récemment à l’université américaine de Harvard, le professeur Yadh Ben Achour a traité de « la religion, de la révolution et de la constitution, spécialement à travers l’exemple tunisien ». Il a relevé notamment « le décalage assez accentué entre le message de la révolution et les projets agités depuis les élections du 23 octobre. « Le débat constitutionnel, note-t-il ne fait que commencer. La rédaction de la constitution va prendre certainement beaucoup de retard, à cause de cette agitation perpétuelle des idées et des normes depuis que l'Assemblée constituante a tenu ses premières réunions ». Il impute cette situation aux clivages tant au sein du parti majoritaire que dans la troika au pouvoir, mais aussi à la présence d'organisations civiles non-gouvernementales, d'associations, de centres de recherche, de syndicats, de partis d'opposition qui ont toujours été là pour empêcher les dérives susceptibles de remettre en cause les acquis de la sécularisation de la société tunisienne. Il faudra également compter avec un élément d'ordre électoral et politique. Plus le parti majoritaire restera au pouvoir, plus sa crédibilité sera atteinte et plus sa base électorale se rétrécira. Les fautes de gestion de l'État s'accumulent et la troïka est de plus en plus contestée.
C'est peut-être cette perspective qui explique qu'on ait tant de difficultés à adopter la loi sur l'instance électorale indépendante et qu'on n'a même pas commencé à discuter la loi électorale, pour les prochaines élections. La troïka étonne par sa passivité, par son absence de sens de l'État, par son incohérence interne, par ses décisions contradictoires. Tout cela comporte de grands risques. Pour les éviter, il faut selon le conférencier aller au plus vite à l’adoption de la constitution, l'élection d'un régime stable avec des institutions permanentes et démocratiques. Car la démocratie constitue la meilleure voie pour résoudre non seulement le problème de la liberté, mais également celui des contradictions d'une société post révolutionnaire et qui se trouve dans un véritable état d'ébullition politique.