Quand Lotfi Zitoun "réfléchit à haute voix"
Le débat de jeudi soir sur Hannibal tv promettait d’être intéressant grâce à la qualité des débatteurs : Aziz Krichen, Conseiller politique du président de la République, Lotfi Zitoun, conseiller politique du chef du Gouvernement, Ahmed Néjib Chabbi, président du haut-comité politique d’El Joumhouri et Samir Taïeb, d’El Massar. Il le fut même s’il avait manqué parfois de tonus, en partie grâce à l’animateur, Faouzi Jrad, qui a bien joué son rôle de modérateur. A défaut d’avoir glané des scoops à propos du prochain remaniement, comme il l’espérait, il a su tirer les débats vers le haut, en mettant l’accent sur l’importance du dialogue et du consensus. Ces termes ont été repris à tout bout de champ d’ailleurs, comme une incantation, par tous les invités.
Heureusement, Lotfi Zitoun s’est mis à « réfléchir à haute voix » et du coup, les échanges se sont animés. Peu familier des plateaux de télévision, évitant une forte exposition médiatique, médiatisation, Aziz Krichen a eu du mal à faire passer son message, mais finit par y parvenir : il trouve légitime d’ostraciser ceux qui se sont compromis avec l’ancien régime, mais prône le dialogue entre tous les partis sans exclusive. Même sous cette forme alambiquée, la position de Krichen se démarque de celle de son parti, le CPR. Ses interlocuteurs de l’opposition, ne retenant que la deuxième partie de la phrase, acquiescent.
Le débat sur le gouvernement projeté révèle des divergences de fond : les différents intervenants campent sur leurs positions. Les deux représentants de la troika parlent d’un gouvernement resserré, tout en faisant un appel du pied à l’opposition à en faire partie. Il n’en est pas question, répondent à l’unisson Néjib Chabbi et Samir Taïeb, tout en réclamant le départ d’Ali Larayedh du ministère de l’Intérieur, ce que rejette fermement, Lotfi Zitoun. La discussion roule sur les salafistes. Néjib Chabbi leur reconnaît le droit d’exercer leurs activités en toute liberté, mais sans enfreindre la loi. Il est aussitôt interpellé par le conseiller du chef du gouvernement : « je ne suis pas d’accord. Les gens qui transgressent la loi doivent être sanctionnés». M. Chabbi n’a pas dit le contraire. Il est comme tétanisé par la réaction de Zitoun.
Du dialogue tout court, on est passé au dialogue de sourds. A propos de l'ANC, de la rédaction de la constitution, de la date des élections, des salafistes. Il a suffi qu’on entre dans les détails. Qui a dit que le diable est dans les détails ? Il ne faut quand même pas faire la fine bouche. Ce fut un débat d'idées intéressant et souvent de haute volée entre gens de bonne compagnie qui se connaissent et s'apprécient depuis longtemps. Aziz Krichen et Néjib Chabbi n'ont-ils pas été des compagnons de cellule à El Gorjani puis à la caserne de l'Aouina...en 1966 à la suite des premiers soubresauts de l'université tunisienne.