Mohamed El Hamdi : La sagesse militante
Philosophe de formation et de profession (enseignant), syndicaliste de vocation, et militant irréductible de la démocratie d’engagement, Mohamed El Hamdi est sans doute l’une des voix les plus significatives, ces derniers temps. Front dégarni, barbe hirsute, silhouette amaigrie et souvent en jean sous une parka, même lorsqu’il est reçu par le président de la République, cet élu de Médenine à l’Assemblée nationale constituante, alors sur la liste du PDP, et coordinateur de l’Alliance démocratique, 41 ans, interpelle la classe politique par son franc parler et ses profondes analyses.
De sa bouche les phrases s’énoncent, sur un ton souvent raisonné, comme des salves, dans un verbe percutant où chaque mot est pesé, le tout sur le registre de l’inadmissible compromission et le refus de la résignation. Est-ce par hasard qu’El Hamdi soit né un 26 janvier 1971 (à Hassi Amor, dans le rif de Médenine) ? Son premier grand souvenir politique sera celui de la grève générale décrétée par l’UGTT le 26 janvier 1978 et l’acharnement du pouvoir contre elle et tous les démocrates. Il n’avait alors que 8 ans, mais tout est resté gravé dans sa mémoire.
Elève au lycée du 2-Mars à Médenine, il découvrait déjà l’action militante, à coups de grèves et de manifestations. Mais, c’est en montant à Tunis pour poursuivre ses études de philosophie à la faculté des Lettres qu’il y plongera à fond. Esprit critique et caractère rebelle, il ne pouvait être que de gauche. Maîtrise en poche, il retournera à son lycée du 2-Mars, cette fois-ci en tant que professeur de philo, un vrai statut auprès des jeunes avides de découvrir Marx, Lénine et autres Al Ghazali, et une vraie mission pour éclairer les esprits et les former à la critique.
Sur tous les fronts
La véritable vocation de Mohamed El Hamdi n’est pas en fait d’enseigner, mais de lutter, pour défendre des idéaux, se battre contre l’injustice. Le syndicalisme lui offre alors le cadre idoine. Il commencera au syndicat de base du lycée et des autres établissements avoisinants où il sera affecté, puis celui de l’enseignement secondaire de la région de Médenine avant que ses collègues le portent au tout puissant syndicat national qui donne de la frayeur aux ministres successifs de l’Education nationale.
Très engagé, El Hamdi ne pouvait se contenter du militantisme syndical. C’est ainsi qu’il s’engagera en politique, ralliera alors le PDP en 2001, et contribuera à son implantation dans le Sud. Dès 2006, il sera hissé au bureau politique et accèdera, au lendemain de la révolution, en 2011, au bureau exécutif. Raflant dans sa circonscription de Médenine, au prix d’une âpre campagne électorale, son siège au Bardo, il commencera petit à petit à se tailler une place parmi les leaders politiques. Au début, on le prenait pour un proche parent, sinon le frère, du fondateur d’Al Aridha Echaabia, le cathodique Hachemi Hamedi (originaire des Houamed dans la région de Sidi Bouzid) et beaucoup de journalistes et d’élus faisaient cet amalgame. Mais, à l’écouter intervenir en séance plénière comme en commissions et à discuter avec lui dans le hall, tous ont saisi la nette différence entre les deux. Point de populisme, et total engagement sur le terrain, en plus d’un raisonnement structuré, Mohamed El Hamdi voit son aura monter auprès de l’opinion publique à travers les médias.
Le choix de l’Alliance
Sa première grande sortie sera un lundi 9 avril 2012 à El Kantaoui où le PDP devait annoncer son alliance avec Afek Tounes et trois autres formations, pour constituer le nouveau parti Al Joumhouri. Alors qu’Ahmed Néjib Chebbi, Maya Jeribi et leurs nouveaux alliés, Mohamed Louzir et Yassine Brahim, en tête, célébraient cette fusion dans la grande salle de ce club touristique, Mohamed El Hamdi se retirait publiquement au rez-de-jardin, avec une bonne douzaine de cadres et élus : Moncef Cheikhrouhou, Mahmoud Baroudi, Mehdi Ben Gharbia et d’autres et improvisent une conférence de presse pour annoncer leur scission. Ils quittent Al Joumhoury mais ne dévoilent pas leur point de chute.
El Hamdi et ses coéquipiers ne se précipiteront pas, prenant le temps de réfléchir et de se concerter avec d’autres forces politiques et personnalités. Ils sont courtisés de partout, mais ils préfèrent tempérer. En attendant, leurs rangs se consolident: Mokhtar Jellali, ancien ministre de l’Agriculture après la révolution, Mohamed Goumani, «islamiste moderniste » et réfractaire lui aussi du PDP, Najla Bourial, Mohamed Gahbiche et d’autres s’y joignent. Même Farhat Rajhi, l’éphémère ministre de l’Intérieur, leur apporte son soutien. Ils seront d’ailleurs tous là, le 8 novembre, lorsque finalement l’équipe se résout à se constituer en « Alliance démocratique », front de personnalités et de partis, en attendant de jeter les bases d’un grand parti. D’emblée, l’Alliance compte 10 élus à l’ANC, ce qui l’autorise, si elle le souhaite, à former son propre groupe, mais elle préfèrera se rallier au groupe des démocrates.
Au sein de l’Alliance, Mohamed El Hamdi sera le coordinateur et Mohamed Goumani le porte-parole. Celui-ci, acceptant rapidement et sans l’aval de l’Alliance la proposition de Hamadi Jebali, fin janvier, de rejoindre le gouvernement, dans la formule d’avant celle des technocrates, pour occuper le ministère de l’Education, se mettra en rupture de ban. Il est vrai que militant, encore enseignant au lycée de Fouchana, Goumani, qui a tant enduré, ne pouvait résister à l’idée de se voir propulsé ministre et passer ainsi tout de suite de la salle de classe au maroquin de l’Education.
Une totale abnégation
Sans être le moins déstabilisés par cette défection, El Hamdi et son équipe tiendront, tout au long des concertations qui s’engageront alors avec Jebali, Marzouki et différents partis, une ligne très claire. Au-delà du remaniement ministériel et des négociations de postes à occuper, ce sont des principes qu’ils mettent en avant : accélérer la finalisation de la Constitution, fixation de la date des élections, restauration de la sécurité, neutralité des ministères régaliens et un programme clair et précis pour la période à venir, tout en relançant le dialogue national prôné par l’UGTT.
El Hamdi viendra le dire par deux fois à Dar Dhiafa à Carthage, lors des rounds consultatifs initiés par Jebali. Il le répètera à Marzouki, un jour avant, alors qu’il était reçu en compagnie de Mahmoud Baroudi et Moncef Cheikhrouhou, puis et encore plus, juste quelques minutes après la sortie de Jebali de chez le président pour annoncer sa démission.
Dans le salon où il avait été introduit, ce soir-là, en attendant d’être reçu, El Hamdi, conscient de la gravité de la situation, gardait toute sa sérénité et son extrême modestie. Quand Leaders lui demande s’il accepte de faire partie du gouvernement, il gardera la même réponse : «L’enjeu est ailleurs, c’est de l’intérêt supérieur du pays qu’il s’agit et non de considérations personnelles».
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Un vrai "Politique". La Tunisie a grand besoin de ce genre de militants démocrates.
Tres fierce de votre inflating able attachement a Norte cheer Tunisia.