Aura-t-il les coudées franches pour constituer un bon gouvernement, homogène, d’indépendants et compétents? Et bénéficiera-t-il d’un consensus le plus large possible pour pouvoir prendre les décisions qui s’imposent? Ce sont là les deux principales questions qui priment sur toutes les autres quant aux chances de réussite de Mehdi Jomaa, choisi pour former le nouveau gouvernement.
Les conditions de sa désignation ont suscité diverses positions, entre approbation du Quartet et des partis votants, « poussé à une ultime procédure », et dénonciation « d’absence de consensus et de création de nouveaux clivages ». Loin de crier victoire,
Houcine Abbassi a été prudent, rappelant le contexte de ce choix, soulignant qu’il ne s’agit pas de donner un chèque en blanc à Jomâa et précisant la lettre de mission qui lui est fixée. Si ce choix constitue selon lui un « premier déblocage essentiel », il s’agit de poursuivre parallèlement les deux processus, gouvernemental et constitutionnel. Beaucoup reste à faire, avant de parvenir aux élections.
Pour la formation du nouveau gouvernement, la mission de Mehdi Jomâa ne sera pas facile. Quels en seront le concept et l’architecture et où pourra-t-il trouver les autres « oiseaux rares », qui acceptent et qui seront acceptés par tous ? Rares sont ceux qui consentiront à s’exposer à l’inéluctable dérision médiatique et sacrifier leur carrière et leur confort pour une mission de courte durée dans un climat aussi complexe que compliqué, si ce n’est par sens aigu du devoir patriotique ? Sans compter, qu’ils ne seront pas assurés d’être investis par l’ANC et, du moins, laisser travailler tranquillement par les autres…
Jusque-là, tant en tant que manager d’entreprises, il a travaillé sans une équipe qui lui soit propre, comptant sur les ressources en place dans la quinzaine d’usines qu’il gérait notamment en France, aux Etats-Unis et en Tunisie. En arrivant, en mars dernier au ministère de l’industrie, il avait surpris ses nouveaux collaborateurs en ne se faisant accompagner par aucun conseiller ou chargé de mission. Confirmant ceux qu’il y avait trouvés, il les mobilisera en leur disant, rapporte un témoin «mon équipe, c’est vous ». Mais, cette fois-ci, le contexte à la Kasbah et les enjeux seront bien différents.
Indépendance et soutien
Deuxième aspect intéressant à suivre : jusqu’où pourra-t-il confirmer son indépendance ? Il avait certes limogé les PDG de deux des plus grandes entreprises publiques, la CPG et la STEG, nommés par la troïka, sans se soucier de leur proximité affichée du pouvoir. Mais pourra-t-il continuer à privilégier la compétence, quitte à réviser des nominations antérieures ?
Reste le soutien politique le plus large et le plus solide possible, qui lui sera indispensable tant au sein de l’ANC et que dans les autres sphères. Le nouveau gouvernement sera sans doute amené à prendre des décisions importantes ce qui risquera de le faire exposer à la censure de l’ANC et à la contestation d certains partis. Comment réussira-t-il à mener sa mission, avec le minimum de parasitage possible et surtout le maximum d’appui?
Autant d’enjeux essentiels qui se poseront avec acuité dès les prochains jours. Le chemin de la transition vers les élections n’est pas facile.
Lire aussi
