Aziz Krichen: «le Sage de Carthage» a fini par rompre avec le CPR
Les initiés s’y attendaient. Aziz Krichen, Premier conseiller de Moncef Marzouki à Carthage et membre depuis août 2012 du bureau politique de son parti, le CPR, a fini par rendre publique sa démission du CPR. La tension couvait depuis quelques mois et la rupture était quasiment annoncée, tant il ne pouvait cohabiter avec l’équipe d’Imad Daïmi. En fait, son appartenance au CPR était récente. De retour en Tunisie après au lendemain de la révolution après plus de 16 ans d’exil en France, l’ancien dirigeant de Perspectives et d’El Amel Ettounsi avait été invité en mai 2011, à une conférence au siège du parti, alors installé rue Darghouth Bacha, au centre-ville. Vivement sollicité pour rejoindre les rangs, il finira par y acquiescer, sans en fait prendre sa carte. On le retrouvera avec Marzouki à Carthage, début 2012 et sa première sortie officielle fut, fin janvier 2012, lors du sommet de l’Union africaine à Addis-Abéba où il accompagnera son président. De toute l’équipe, très jeune et peut expérimentée, il détonnait avec ses 40 années de résistance contre la dictature. Arrêté pour la première fois en 1966, en même temps qu’Ahmed Néjib Chebbi, il inaugurait alors pas moins de quatre décennies d’opposition, entre prison, harcèlement, errance en Algérie, à Rome, en Afrique subsaharienne, en tant qu’expert du FAO, puis d’exil en France à Montpellier.
Le sens d’une première rupture
«Je n'ai jamais été réellement convaincu par l'orientation politique du CPR. Je l'ai pourtant rejoint en août 2012 parce que je considérais qu'il pouvait mûrir et évoluer, étant donné les responsabilités qui étaient désormais les siennes, écrit-il ce jeudi sur sa page Facebook. J'ai rapidement déchanté. Ces derniers mois en particulier, les divergences ont atteint une gravité telle que j'ai décidé de ne plus participer aux réunions de ses instances dirigeantes. Les choses ne s'arrangeant pas, j'ai fini par envoyer une lettre formelle de démission à tous les membres du BP. Je rends aujourd'hui cette démission publique, pour informer l'opinion et les militants - en assurant ces derniers que je leur garde les mêmes sentiments de camaraderie et d'affection».
Aux côtés de Marzouki, il croyait pouvoir faire œuvre utile, en s’engageant en faveur de l’instauration de la démocratie. Il sera parmi les rares à accéder directement au président de la République et à avoir son oreille, même s’il n’était pas le seul. Mais, cela lui suffisait pour donner un sens à sa présence à Carthage. Aziz Krichen assiste à presque toutes les audiences et réunions de Marzouki, gardant souvent un profond silence. Il ne se laisse aller que lors de ses propres entretiens avec des dirigeants politiques et syndicaux qu’il reçoit assidument, ou avec Marzouki, en tête à tête ou en cercles restreints. Il se lâchera aussi pendant les fameuses réunions de la Coordination de la Troïka, ne gardant jamais la langue dans sa poche et n’hésitant pas à dire sincèrement aux uns et autres tout ce qu’il pense.
Là, où il n’a pas dit toute la vérité, c’est au sujet de sa nomination en tant que représentant de la Tunisie auprès de l’Unesco à Paris. L’information n’est pas tout-à-fait fausse. Les radicaux du CPR, cherchant à l’éloigner du sérail, avaient suggéré à Marzouki de lui proposer « généreusement » le poste, histoire de le caser en lui offrant une retraite dorée à Paris et garantissant une bonne pension de retraite par la suite. Au lieu de parler de « pure invention », Aziz Krichen aurait dû lever le secret sur cette manœuvre, plus rien ne devait le retenir.
Un nouveau combat?
Le 10 décembre dernier, il écrivait sur sa page Facebook : « Pour ma part, j'ai trop connu l'exil - 10 ans sous Bourguiba et 16 ans sous Ben Ali - pour désirer autre chose que rester chez moi. Je me bats depuis longtemps pour une Tunisie démocratique et souveraine. Je l'ai fait hier dans l'opposition, je continue aujourd'hui dans l'exercice de mes fonctions et je poursuivrai demain, où que je me trouve, mais ce sera en tout cas avec mes compatriotes et parmi eux ». Un premier signal est ainsi lancé. On retrouve ici le militant pur et dur qui n' a jamais transigé sur ses principes. Ses compagnons de lutte avaient du mal ces derniers temps, à le reconnaître dans ses habits neufs de dirigeant d'un parti-godillot dont les référants n'ont jamais été les siens. Les voilà rassérénés. Ce n'est pas à son âge qu'il va entamer une carrière d'avaleur de couleuvres. Mais il devra aller jusqu'au bout de sa logique et prouver qu'il n'a pas cédé à l'ivresse du pouvoir. Encore un effort, Aziz.
Il est peu probable donc qu'il reste encore en poste à Carthage, même si on le lui demandait. Lui qui avait accompagné Marzouki dans quasiment tous ses déplacements à l’étranger, sauf lorsqu’il devait «garder la maison», en l’absence du directeur du cabinet, a brillé ce mois-ci par son absence lors des derniers voyages. Ni en France, pour le Sommet de l'Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique, ni en Afrique du sud, pour l’hommage à Nelson Mandela. Tout semble indiquer qu’il compte rompre les amarres et se jeter en plein dans l’action militante pour la démocratie. Avec quel parti?
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JE NE SUIS PAS CPR mais c'est un du tourisme comme les autres. Un sage n(abdique pas mais lutte sinon c'est une dictature
Rien à dire sur cet article et sur celui qui l'a écrit. Il me fait rire. Par contre, l'auteur peut-il nous parler de la mission que s'est octroyé Aziz Krichen pour réussir l'étrange pacte pour imposer Ennahdha avec ce qu'il considère comme les authentiques patriotes tunisiens et ocntre ce qu'il appelle les traïtres et vendus à la francophonie, les faux modernistes et les pseudo "laïcards". Ce sont ces propres termes. J'espère que vous n'allez pas encore censurer mon témoignage.
Figure illustre de l'opposotion sous le régime de Bourguiba; on n'a jamais compris pourquoi il à rejoint Marzouki. Est-ce par naiveté politique? Il doit se mordre les doigts maintenants. Et le mieux qu'il ferait c'est de quitter le bateau qui coule.
Le "sage" de Carthage ? Vous avez la berlue, ou beaucoup d'imagination ! Un sage aurait vite regretté de se joindre au Cinglé de Carthage, et n'aurait pas supporté toutes les avanies qu'on lui a fait endosser, et toutes les couleuvres qu'on lui a fait avaler !