Mehdi Jomaa: Comment il a été choisi
Ce soir-là, la réunion de la Coordination de la Troïka butait sur un grand obstacle: le candidat d’Ennahdha, Ahmed Mestiri, ne suscite que de plus en plus de rejet de la part de l’opposition. Le blocage est total. Cherchant une autre alternative, Marzouki lance à Laarayedh: «Avez-vous dans votre gouvernement, parmi les indépendants quelqu’un qui pourrait faire l’affaire et serait acceptable?» Le chef du gouvernement marque un silence, tourne dans sa tête les membres de son équipe, puis avance prudemment: «Il y a Si Lotfi Ben Jeddou, ministre de l’Intérieur, et le ministre de l’Industrie, Si Mehdi Jomaa… » Marzouki, Ghannouchi et Ben Jaafar connaissent bien Ben Jeddou, mais n’arrivent pas à mettre un visage sur le nom de Jomaa. Un ange passe, puis la discussion rebondit sur d’autres candidats…
Ce n’est pas l’unique fois que le nom de Mehdi Jomaa est évoqué. Au Bardo, lors des réunions du Dialogue national, Taher Hmila, constituant et fondateur du parti du «Décollage pour l’avenir», le propose dans la foulée. Certains journaux en parlent, mais rares sont ceux qui y prêtent attention.
Il va falloir attendre la décisive journée du 14 décembre. Un vote placera Mohamed Ennaceur en première position, mais Ennahdha met son véto. Jomaa vient juste après lui et Jaloul Ayed n’est pas loin. Il ne restait plus qu’à passer à l’ultime round opposant les deux. Houcine Abbassi s’assure qu’Ennahdha n’a pas de véto contre Jomaa. Rached Ghanouchi qui a annulé à la dernière minute son déplacement à Sfax où il devait présider un grand meeting a préféré conduire lui-même la délégation d’Ennahdha jusqu’au dénouement final. Il demandera alors de consulter. Quittant la salle, il s’isolera pour appeler l’un de ses plus proches. «Vous le connaissez bien, lui dit-il, comme il le confiera plus tard, en a-t-il l’étoffe? Est-il digne de confiance»? La réponse était affirmative: «Il est compétent!»
Ghannouchi revient dans la salle et donne le feu vert de son parti. Un large sourire éclaire alors plus d’un visage. Ouided Bouchammoui, Hichem Elloumi, Houcine Abbassi, Bouali Mbarki et bien d’autres ne pouvaient retenir leur satisfaction. Jomaa était-il leur candidat? L’avait-il gardé en dernier recours? Difficile à dire avec précision. Mais, pour eux, comme pour d’autres partis, la situation se débloque, on peut passer à l’ultime vote, le Dialogue national a été sauvé.
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J’ai connu (brièvement) Mehdi JOMAA il y a quelques années, au début de sa carrière en France. L’homme que j’ai cotoyé à l’époque était un bon vivant, homme de réseau, rapidement recruté en France au lendemain de la 1ère guerre du Golfe, et promis à une belle carrière. Pour moi, et en toute humilité, il a au les Qualités suivantes : il n’est pas l’homme d’un parti, il vient de l’entreprise où il a pu faire ses preuves, c’est un homme de réseau, il est pragmatique, je pense savoir qu’il n’est pas assoiffé d’argent. Je pense également qu’il a l’âge de la mâturité accomplie et encore une bonne dose d’énergie. Je suis également sûr qu’il mesure l’importance du moment, et qu’il est conscient que son nom peut rester en blanc ou en noir dans l’histoire de la Tunisie. En plus vu son age, il n’est pas au stade des Marzouki, BenJaafar qui sentant la montre tourner sont prêts à toutes compromission pour inscrire leur nom dans les (sombres) registres du pays. Je le pense assez malin pour ne pas tomber dans les pièges que lui tendront les « politicards » professionnels de la Tunisie Post révolutionnaire, anciens et nouveaux. Il l’est aussi assez pour écouter et entendre les conseils qu’il aura choisi li même, car je répète : c’est un homme pragmatique. Pour moi, sa meilleure qualité est son expérience réussie en entreprise, ou tout doit se prouver bilan par bilan et dossier par dossier. Nous n’avons pas besoin de politicards en Tunisie et l’heure est grave. Objectivement, si la Tunisie a +/- fonctionné jusqu'à ce jour, malgré les années de dictature, et dans les mois qui ont suivi la révolution, c’est par ce que les gens ont travaillé et rempli (à un niveau acceptable) leur engagements, et que nous sommes compétents. Malgré la dictature et malgré le contexte de trouble des mois suivants la révolution. Si la Tunisie va aussi mal depuis l’élection de l’ANC, c’est un problème de compétence des gouvernants (saoued oujhek ouelli oujir !) et de climat de magouilles, de culture du profit rapide et de gabégie qu’on voit partout, et malheureusement d’abord à l’ANC. Nous sommes je pense plusieurs dégoutés de la politique politicienne et des charlatans qui s’y essayent sans aucune valeur ajoutée ni aucune « dignité ». Mehdi Jomaa, donnez nous une bonne raison de nous mettre au travail svp, et laissez nous entrevoir la fin de ces 3 années perdues par le pouvoir et l’opposition en vaines querelles et compromissions.