Le Salut de la Tunisie – Développement de l'Economie du Savoir
Il y a quelques semaines, avant l’adoption du doustour et lors du vote de l'article 39, je me posais la question sur la place que la Tunisie souhaite donner à l'enseignement des technologies et des sciences, ainsi que l'investissement dans l'innovation et la recherche scientifique.
En effet, la Tunisie - malgré beaucoup d’atouts (jeunesse, bonne instruction, dynamisme, position géostratégique...) - n'est classée que 43e parmi 116 pays dans l'index mondial de l'économie du savoir IKE[1] 2010 (La Tunisie a été déclassée en 2013 par plusieurs organismes internationaux d'où l'absence de données sur plusieurs indicateurs). Une position assez moyenne même si la Tunisie était en 2010 mieux classée que tous les pays arabes sauf Oman, Bahreïn, Qatar et Émirats arabes unis. Elle était talonnée par la Jordanie 44e et l’Arabie Saoudite 47e. Cette modeste et fragile performance s’explique par les énormes faiblesses dans les domaines suivants (classement mondial en 2010):
- En termes fondamentaux: coût des services de télécoms (65e), nombre de procédures / temps pour appliquer un contrat (80e / 69e), liberté économique (95e).
- En termes d’efficacité: ICT readiness (85e), dont le score est très faible à cause de l’absence d’emplois dans les secteurs basés essentiellement sur le savoir et l’intelligence.
- En termes d'efficience: efficience du marché du travail (98e), utilisation des TIC (40e), équité entre Homme et Femme (109e).
- En termes d'innovation: sophistication du marché financier (87e), environnement des affaires (54e), recherche et développement (40e avec un très faible score), innovation (39e avec un faible score).
L'objectif premier, à travers ce rapide macro-diagnostic, est de sensibiliser les décideurs sur le retard accumulé par la Tunisie, sur des plans vitaux et sensibles, et qui pèse lourdement sur son développement durable, sa prospérité, sa sécurité et sa stabilité, et donc sa souveraineté dans un monde de plus en plus globalisé.
Les tendances actuelles constatées ici et là, tout en étant importantes à observer, ne constituent pas un destin universel pour tous les pays. Par conséquent, il n'est pas question de ressembler à un autre pays, quelque soit ce pays, ni de copier une politique existante, même une bonne politique, car il n'y a pas de destinée unique pour tous les pays.
Il s'agit plutôt d'inciter à construire une stratégie unifiée et convergente qui prend en compte les forces et les faiblesses du pays et cherche à exploiter les effets synergiques combinatoires d'un grand nombre de secteurs qui coopèrent ensemble en harmonie pour créer les conditions de décollage d'une croissance durable, la formation d'une prospérité équitable et à forte valeur ajoutée, et réaliser ainsi le bien-être pour tous ses citoyens. Bien que loin d'être une destination universelle; la Corée du Sud représente l'apogée de l’approche holistique et globale, elle serait pour la Tunisie, l'objectif ultime à imiter - mais à ne pas copier - et pourquoi pas à dépasser.
Malheureusement, depuis 2010, la position de la Tunisie a stagné voire empiré dans certains secteurs et domaines. J'estime que le pays est capable de remédier assez rapidement à ces insuffisances et relever le défi de la globalisation de l’économie numérique en particulier et de l’économie du savoir en général, si et seulement si une stratégie globale et une planification convergente sont mise en œuvre - le plus tôt possible - pour réformer l'ensemble des politiques dans (au moins) les domaines indiqués ci-dessus et améliorer les performances dans les autres secteurs (éducation, santé, enseignement supérieur, formation professionnelle, infrastructures, culture...).
Une première étape sur le bon chemin serait de formaliser les fondations d'un modèle de développement à la fois réaliste et ambitieux pour les 20 prochaines années, et de dessiner une stratégie unifiée et un plan d'actions convergent[2]. Une piste opérationnelle pour réfléchir et concevoir ce fameux modèle tunisien est de fonder l'Institut National de l'Économie du Savoir INES. Il ne faut pas que ce soit un énième organe sans mission ni vision, il doit donc intégrer - fusionner avec - toutes les agences existantes et sensées travailler sur ces sujets. Il faut aussi dissoudre l'ITES, un organe - fondé sous l’ancien régime pour diffuser la propagande de la présidence de la république - qui n’a jamais été utile pour l’intérêt général , tout en dilapidant les deniers publics pour servir des intérêts partisans.
Le salut de la Tunisie passe certainement par le développement du savoir et de l'intelligence. Pour réussir, il faut impérativement de la volonté, une vision ambitieuse et des objectifs réalistes et atteignables, ainsi que la participation et la persévérance de ses citoyens.
Sans plus attendre, en avant toute et bon vent!
Mohamed Bouanane
Directeur - Conseil en management
[1] Un indice et un modèle pour mesurer le degré de maturité des pays dans l’économie du savoir. L'approche adoptée agrège un grand nombre d'indicateurs connus et reflétant divers facteurs clés de la société et de l'économie et régulièrement publiés par différents organismes internationaux. I'IKE comprend 21 indicateurs groupant 168 variables qualitatives et quantitatives. L'architecture de l'indice IKE et les résultats de classement mondial peuvent être consultés sur le lien : http://www.slideshare.net/medbouanane3/ike-index-of-knowledge-economy-and-maturity-model
[2] Bien qu'il n'y ait aucune corrélation scientifique entre la taille d'un pays et le degré de maturité de son économie du savoir, l'indice IKE montre qu'en 2013, 7 pays parmi le Top-10 et 12 pays parmi le Top-20 ont une population de moins de 10 millions. Cela démontre, tout de même, l’intérêt des stratégies unifiées et convergentes et la facilité de leurs mise en œuvre - grâce aux décideurs ambitieux - dans les petits pays.
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Il est absolument nécéssaire de developper le savoir pour l´economie et son essor et aussi pour le développement de la société en géneral. En c e qui concerne l´adaptation du savoir à l´économie il ya une grande littérature dans la monde et je pense aussi dans les milieu universitaires comme dans le monde de l´éconiomie. Je voudrais cependant souligner un aspect de l´enseignement qui concerne le personnel de niveau moyen comme ceux dans l´administration publique (fonctionnaires infirmières, personnels s´occuppant des enfants etc..Je me base dans mon évaluation sur ce qui est realisé dans les pays démocratiques avancés. Dans ces pays les interets des industriels et de l´économie en general crée un personnel cousu spécialement pour ce monde. Ce personnel dont j´ai parlé se voit calquer sur lui certaines tâches et activités exactement comme les chefs d´entreprises veulent. Pour comparer le niveau supérieur et le niveau moyen de l´enseignement, on peut dire ´que le supérieur est d´une facon ou d´une autre en contact avec l´experience et l´experimentation mais l´enseignement moyen ne l´est pas. Dans l´expérience on est en contact avec le monde de la faune et la flore de meme d´autres domaines de la nature. Ce n´ai pas le cas avec le personnel moyen dont j´ai parlé ce qui rend ces gens insociables et trés difficiles á les fréquenter. Je crois que la Tunisie pourrait éviter cette situation en donnant á l´enseignement professionnelle moyen une formation humaine générale, on a besoin d´un point de "bouillonnement" de la vie sous forme de savoir pour créer un personnel qui peut comprendre qu´il a à faire à des êtres humains quand il est au service. Ce problème est trés important mais il demande de plus d´études.