Les dividendes de la révolution
L’état de grâce aura duré beaucoup moins longtemps que prévu. Le grand élan d’espoir suscité par le gouvernement Mehdi Jomaa a cédé rapidement la place en Tunisie à une forte impatience : des décisions cruciales, «ici et maintenant». Un mois à peine après son entrée en fonction, on le presse déjà de procéder aux limogeages promis, à l’interdiction des ligues de protection de la révolution et à une radicalisation de la lutte contre le terrorisme. Sans oublier des milliers d’autres cas, individuels, locaux et régionaux, sectoriels et de portée nationale, à résoudre de toute urgence. C’est dire l’ampleur de la tâche. Comme aux premiers jours de la révolution.
Les succès diplomatiques remportés lors des rencontres avec Bouteflika à Alger et Mohamed VI à Rabat, ainsi qu’avec le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, à Tunis, aussi stratégiques soient-ils, n’ont pas suffi pour satisfaire les Tunisiens. Ni l’habileté déployée avec les bailleurs de fonds internationaux, le FMI en tête, afin de mobiliser les financements nécessaires. Le concret pour les Tunisiens, c’est la sécurité, des têtes qui tombent, l’abaissement des prix, la création d’emplois et la restauration de la joie de vivre. Sans se soucier du comment, ils laissent au gouvernement la responsabilité de l’inventer, au plus vite. Trois ans après le 14 janvier 2011, le peuple n’a pas encore récolté les dividendes de sa révolution.
Certes, les Tunisiens ont accédé à la liberté et disposent désormais d’une Constitution, deux acquis majeurs. Mais ils n’ont pas encore perçu un changement positif dans leur vie quotidienne et dans les régions défavorisées. Le décalage entre les attentes légitimes et la concrétisation des aspirations profondes, source de mécontentement grandissant, est pénalisant. Peu importe le diagnostic de ses causes, ce sont ses remèdes qui sont le plus réclamés.
Le gouvernement hésite à dévoiler le bilan, tant la réalité est choquante. L’écart entre les prévisions budgétaires et les fonds effectivement disponibles est hallucinant. L’essoufflement du modèle économique depuis la moitié des années 2000, le déséquilibre croissant des finances publiques, la sous-capitalisation des banques publiques, devenues incapables de jouer le rôle qui est le leur, la paralysie de l’administration dans sa capacité d’exécution sous les gouvernements successifs, ajoutés à l’accroissement exponentiel de la compensation et de la surcharge salariale des agents de l’Etat, placent les décisionnaires face à une situation des plus inquiétantes. Les besoins réels en financements extérieurs immédiats atteignent le double de ce qui était prévu, soit plus que 10 milliards de dinars, au moins. Comment les trouver?
Le plus effrayant, c’est que sans se soucier de ce monstre de banqueroute qui nous guette, la classe politique s’est lancée d’ores et déjà dans la campagne électorale avec en point de mire Carthage. Chacun se voit déjà président. La lutte s’annonce acharnée, tous sont en lice et la machine à gagner se met en place. On en connaît les dommages collatéraux en termes d’affrontements sur le terrain et dans les médias. Sans compter les pratiques inévitables des tractations en arrière-boutique On devine déjà le parasitage que subira inévitablement le gouvernement. A moins qu’il ne garde la main, pleinement, sur ses attributions, mettant toutes les cartes sur table en prenant à témoin l’opinion publique et en persévérant dans le rattrapage et l’amorce des réformes. Le plus rapidement possible, il doit servir les premiers dividendes de la révolution.
T.H.
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je crois que le gouvernement est conscient de la mission qui lui été confiée par le quartet, à part les questions les plus urgentes, d´ailleurs de les mettre sur les rails,il faut préparer les élections, et après on verra le résultat.La classe politique elle vit dans l´âge de pierre encore, peut être c´est le cas de tous les politique y compris en Occident,je fait allusion à la crise de l`Ukraine, seulement ces derniers sont plus à l´aise du fait de l´histoire et q ils ne crèvent pas de faim. Ce q il faut c´est que le gouvernement tient bon et continue son travail imperturbablement et l´opinion publique est avec le gouvernement. Le peuple , je crois, connait mieux les priorités du moment.