La dette tunisienne est-elle illégitime?
Le professeur Alexander Nahum Sack, ancien ministre du Tsar Nicolas II, émigré en France après la révolution de 1917, devenu professeur de droit à Paris était à l’origine du concept de la «dette odieuse». Sa jurisprudence consistait à refuser le paiement des dettes jugées illégitimes? En ce sens, il écrivait en 1927: "Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas selon les besoins et les intérêts de l’Etat, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, cette dette est odieuse pour la population de l’Etat entier. Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation: c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée ; par conséquent, elle tombe avec la chute de ce pouvoir" (wikipedia.org/wiki/Dette_odieuse). Plus tard, le centre international canadien sur la loi du développement durable élargit la définition: «Les dettes odieuses sont celles qui ont été contractées contre les intérêts de la population d’un Etat, sans son consentement et en toute connaissance de cause par les créanciers» (cité par L’Atlas du Monde Diplomatique, 2012, P.36). D’après cet institut, trois conditions sont donc nécessaires pour que la dette soit considérée comme étant «Odieuse», «Illégitime» : absence de consentement, absence de bénéficie, créanciers avertis.
La Tunisie peut-elle se prévaloir de l’illégitimité de sa datte? Y a-t-il eu dans le passé des dettes annulées pour leur caractère scandaleux? Pour la bonne démarche de mon développement, je commencerai mes propos par répondre à cette dernière question. Ensuite, j’analyserai le cas tunisien.
1/ Dans certains cas, des dettes peuvent être annulées
La dette que réclamait l’Espagne à Cuba, son ancienne colonie, a été annulée en 1898 ; Nous pouvons citer également le cas de la dette russe contractée par le tsar est répudiée par les bolcheviques en 1918 ou encore le cas de la Pologne dont la dette a été annulée en 1919 par le traité de Versailles.
Cependant, dans les années 1980, sous la pression des Etats-Unis, les régimes démocratiques dans des pays comme l’argentine, l’Uruguay ou encore le Brésil, n’ont pas demandé l’annulation de leur dette contractée par les militaires et ceci en dépit des lois internationales qui les y autorisent. Nous pouvons citer d’autres dettes odieuses qui auraient dû être annulées, à titre d’exemples: Aux Philippines après Ferdinand Marcos en 1986, en Afrique du Sud après la sortie de l’apartheid en 1991, etc. (voir graphique ci-après). Au lieu de refuser le remboursement de telles dettes, les nouveaux dirigeants ont simplement négocié quelques allégements mais surtout le rééchelonnement des échéances (L’Atlas du Monde Diplomatique, 2012, P.36). D’ailleurs, ces nations étaient obligées d’accepter les plans drastiques d’ajustement structurel imposés par le FMI : Déréglementation et Désengagement sont devenus les maîtres mots : privatisations des entreprises étatiques, réduction des effectifs dans la fonction publique, ouverture des marchés au détriment des producteurs locaux, augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée, coupes dans les budgets sociaux, etc.
Source : L’Atlas, P.37
Aujourd’hui, on parle de la Grèce, du Portugal, de l’Irlande mais aussi de l’Espagne ou encore de l’Italie qui sont sous une double emprise : celle des marchés financiers et celle des plans d’ «aides» imposés par la commission européenne, la banque centrale européenne et le FMI. Les citoyens de ces pays refusent que les «aides» dont ils pourraient bénéficier qu’elles ne se traduisent dans les faits par des mesures d’austérité qui sont de nature à réduire leur souveraineté et à les enfoncer davantage dans une crise économique et un marasme social, sans précédent.
2/ La Tunisie peut-elle se prévaloir du principe de la dette odieuse?
D’après le graphique ci-contre élaboré en 2011 par le Comité pour l’annulation de la dette du Tiers Monde, sur les 19 milliards de dollars de dette extérieure publique contractée par la Tunisie entre 1987 et fin 2009, près de 10 milliards sont considérées comme étant «une dette odieuse». Par conséquent la Tunisie est en mesure de demander leur annulation!
En effet, d’après la théorie du centre international canadien sur la loi du développement durable les trois conditions pour pouvoir désigner la dette tunisienne comme étant une dette «illégitime», «odieuse» donc, sont réunies: absence de consentement, absence de bénéficie, créanciers avertis.
En réalité, la situation est éminemment plus complexe et surtout elle dépend de la nature des rapports de forces actuelles, d’où certaines interrogations s’imposent sur l’identité des créanciers, la nature des dettes, les conditions, les circonstances, identification des projets qui ont pu bénéficier de ces emprunts,…bref, il faudrait un véritable audit mais aussi une forte détermination politique pour demander et exiger l’annulation partielle de notre dette, c’est-à-dire l’annulation totale des 10 milliards qui sont dus à la dictature.
Ezzeddine Ben Hamida
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Quid de la dette contractée après la révolution. Qu'avons nous fait avec? A-t-elle servi à remettre mon pays sur le chemin de la propèrité? Sachant que la rèponse est non, et les bailleurs internationaux le savent bien, je pense que cette dette est illêgitime.
Totalement d'accord avec le commentaire de Ben Milled. À l'aube de la soi disant révolution les caisses de l'État étaient pleines et notre économie se portait bien. En plus les aides, les dons et les crédits avaient afflué de tout bord sur notre pays durant ces deux dernières années de mauvaise gouvernance. Aujourd'hui les caisses de l'État sont vides et l'économie du pays est au mieux au bord de la faillite. Les bailleurs de fond étaient au courant de l'incompétence des gouvernement de Hamadi Jebali et celui de Laarayadh et du mauvais usage dont ils faisaient de ces fonds et malgré cela ils les avaient soutenu et financé. Donc comme vous le dites Cher Ben Milled, la dette contracté après la révolution est odieuse et illégitime. Si on suit le raisonnement de ce papier il n'y a pas lieu à la rembourser. Je dirai plus il faut poursuivre juridiquement la Troika pour trahison et mauvaise gestion des biens du peuple tunisien.
D'après l'article, la Tunisie ne pourrait réitérer ce qui a été fait par les Bolchéviques puisque les autres pays qui avaient dégagés leurs dictateurs n'ont pas pu faire prévaloir cette théorie. On pourrait néanmoins vérifier si les montants prétés avaient bel et bien été versé sur les comptes de l'Etat et n'ont pas servi à l'acquisition de biens notamment immobiliers à l'étranger, qui eux seraient saisissables...