Mansour Moalla : Elections municipales, pourquoi ce silence?
Depuis le 14 janvier 2011, on ne parle que d’élections. On ne vit que par et pour les élections. Aujourd’hui encore, on se dispute sur une question jugée «fondamentale», la séparation ou la simultanéité des élections législatives et de l’élection présidentielle.
Depuis donc plus de trois ans, on ne fait que courir derrière le «pouvoir», terrible maladie qui a endeuillé l’humanité depuis l’origine des temps. Ceux qui ont «conquis» ce pouvoir aux élections d’octobre 2011 n’ont pas su quoi en faire et n’ont pas réussi à le garder. L’élection, au lieu d’être et de rester une fête de la démocratie, est devenue source de grandes difficultés pour le pays.
La commune, l’école de la démocratie
La commune et son conseil municipal représentent la base du système démocratique et constituent la première école de la citoyenneté. C’est au niveau de la commune que le citoyen apprend à s’intéresser aux affaires de la communauté et à servir autrui. La question donc se pose: pourquoi n’a-t-on jamais évoqué ce problème depuis la Révolution?
Les élections, du temps de la dictature qui a déclenché la révolution, n’étaient qu’une formalité sans importance. On a donc décidé de dissoudre les conseils municipaux, ce qui s’imposait, mais on s’est gardé de les remplacer par des formations plus représentatives des populations concernées. On a jugé plus expéditif de nommer par la voie administrative des conseillers municipaux, ce qui en faisait de simples fonctionnaires dépendant de l’autorité centrale. Cet état de la question n’a pas changé à l’occasion des élections législatives d’octobre 2011.
On aurait pu procéder en même temps à des élections municipales. On ne l’a pas fait. Pourquoi? Il n’y a qu’une réponse crédible : on a voulu faire des institutions municipales, des organismes électoraux au service du pouvoir. Ce dernier, sorti des élections, n’a pas respecté le vote des électeurs qui ne concernait que l’établissement de la constitution dans le délai d’un an. Il s’est converti en assemblée législative et en parlement détenant un pouvoir gouvernemental. C’était un abus de pouvoir manifeste, surtout que la Constitution n’a été établie qu’après plus de deux ans. Le résultat de cette course au pouvoir n’a pas été particulièrement très brillant et s’est traduit par le départ des gouvernants et la création d’un gouvernement considéré comme non partisan composé de technocrates indépendants, ce qui est manifestement un échec du personnel politique.
Les «délégations spéciales»: 264 organismes électoraux
Ce tumulte et ces improvisations politiques se sont répercutés sur le destin des municipalités. Celles dissoutes ont été remplacées par des «délégations spéciales» dépendant étroitement du pouvoir central. Ce n’étaient plus que des agents électoraux au service des autorités en place. On s’explique ainsi l’absence d’élections municipales depuis plus de 3 ans. Ce phénomène n’est pas sans réduire considérablement la sincérité des élections générales prévues pour la fin de l’année. On peine en effet à écarter les fonctionnaires désignés en grand nombre par le gouvernement démissionnaire dans le but de «gagner» les élections. Or les «délégations spéciales» qui ont remplacé les conseils municipaux dissous ont été transformées en machines électorales. Leur gestion déficiente le prouve et l’état de nos villes et de nos rues en est le témoin jusqu’à ce jour.
Nécessité d’élections municipales crédibles et transparentes
Il y a lieu donc, à l’effet de rendre les élections plus crédibles et plus sincères, de dissoudre ces organismes nommés et de procéder le plus rapidement possible à des élections municipales pour disposer ainsi de conseils municipaux plus représentatifs et indépendants, ne cherchant pas, en tant qu’institutions, à favoriser telle ou telle catégorie politique.
Ces élections municipales doivent précéder les élections législatives ou avoir lieu au plus tard en même temps que les élections générales, sinon elles seront organisées par le gouvernement issu de ces élections qui veillera certainement à favoriser son propre clan électoral et en refaire éventuellement et de nouveau de simples agents électoraux.
Peut-on maintenir en fonction les organismes politiques?
Aboutir à des élections sincères et crédibles d’ici la fin de l’année ne sera pas chose facile. Il n’y a pas que les fonctionnaires et les «délégations spéciales» comme moyen de jeter la suspicion sur ces élections, il y a également les organismes politiques en place qui ne bénéficient plus depuis octobre 2012 d’une légitimité électorale mais se suffisent d’une existence de fait imposée par les évènements et les dirigeants concernés.
Organiser aujourd’hui des élections avec une Assemblée dont le mandat légal a expiré depuis octobre 2012 et dont le président est un candidat potentiel à la présidence de la République, et ne pouvant donc être neutre, c’est compromettre gravement le crédit que l’on peut accorder aux futures élections. C’est nettement privilégier le parti majoritaire dans cette Assemblée. Celle-ci doit donc mettre fin à son existence pour sauvegarder la confiance des électeurs dans les futures élections générales. Il en est de même en ce qui concerne la présidence de la République dont le titulaire est issu de l’ANC. Celle-ci partie, son élu, le président de la République, devrait logiquement mettre fin à son mandat pour pouvoir, s’il le souhaite, se présenter à la présidence de la République sur un pied d’égalité avec les autres candidats. Rester en fonction et utiliser les moyens dont bénéficie la présidence de la République pour se faire élire ne peut aussi que jeter le doute sur la sincérité de telles élections.
Il serait donc plus honnête, plus loyal, que l’ANC, son président et le président de la République se libèrent, mettent fin à leur mission de façon digne et honorable et contribuent ainsi à des élections sincères, transparentes et au- dessus de tout soupçon. Dans le cas contraire, ils auront contribué à l’échec d’une épreuve électorale qui sera déterminante pour l’avenir du pays. Le pays essaie de sortir d’une grave crise dont l’aspect économique devient de plus en plus menaçant. Personne n’a le droit de retarder la sortie de cette crise ou de ne pas favoriser une telle issue. On dira, sans l’Assemblée et son président et sans président de la République durant la période des quelques mois qui nous séparent des élections, ce serait le vide et certains diront le chaos. En attendant une telle hypothèse destinée à effrayer, on n’a que le trop-plein de confusion si l’on en juge par des débats «parlementaires» jugés indignes par le grand nombre.
Soutenir le gouvernement et le juger sur le résultat
Le gouvernement en place est soumis à des tiraillements qui ne peuvent que l’empêcher de progresser. Il est le seul à avoir bénéficié d’un «consensus» qui n’est pas encore mis en cause. Il ne peut pas l’être. Le pays aujourd’hui n’a pas d’autre choix. Libérons le gouvernement. Sinon, on ne pourra juger de son efficacité si l’on cherche à le harceler sans cesse. Il n’a plus que six mois. On peut lui confier la tâche de remplacer l’ANC par des décrets en cas de nécessité. Le Chef du gouvernement pourra assurer l’intérim de la présidence de la République, s’étant engagé à ne pas se présenter aux élections. Les six mois passeront vite et essayons de les utiliser efficacement. Si l’on garde la confusion actuelle, c’est comme si de rien n’était, comme si l’économie était prospère, comme si le terrorisme et l’insécurité avaient disparu, comme si le voisinage était calme…
Sommes-nous ainsi devenus aussi inconscients, multipliant les querelles, les troubles et les grèves ? Un sursaut national, une entente sur l’essentiel : liberté, investissements, confiance, croissance économique, paix sociale, des objectifs majeurs sur lesquels il n’y a pas de divergence. Attachons-nous à atteindre de tels objectifs et le pays en sera reconnaissant.
Mansour Moalla
Lire aussi
Moalla demande à Marzouki et Ben Jaafar de partir et laisser Jomaa gouverner
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Effectivement, laissez le nouveau Gouvernement provisoire travailler; notre role, c'est de le controler a dit Mr. Mansour MOALLA qui a une grande expérience dans la gestion de l'ETAT. A mon avis, on a intéret de veiller à la sécurité du Pays et que chaqu'un doit protéger sa famille, aussi d'etre vigilant et de garder le calme jusqu'aux prochaines élections que nous espérons qu'elle ne dépasse pas les six prochains mois; il ne faut pas dire que le feu est chez le voisin car nous sommes tous concernés.