News - 07.07.2014

Amor Belkhiria, ancien PDG de La Presse, est décédé

Il aura été celui qui a renfloué le quotidien La Presse de Tunisie, alors en grandes difficultés, après sa confiscation à son fondateur Henri Smadja, et en faire le premier quotidien national atteignant alors plus de 80 000 d’exemplaires. Amor Abdelhakim Belkhiria, 78 ans, s’est éteint dimanche 6 juillet et sera inhumé dans sa ville de Jammel, au cœur du Sahel. Issue d’une grande famille qui a donné à la Tunisie d’illustres figures dans divers domaines, il a suivi, après Sadiki, des études en lettres avant de rejoindre, dès l’aube de l’indépendance, les premières équipes du ministère des Affaires étrangères, se spécialisant dans l’information. Son premier poste à l’étranger sera Dakar. 

De retour à Tunis, il intègrera la Radio Tunisienne où il sera nommé directeur de l’Information. En octobre 1968, Chedly Klibi, alors ministre de la Culture et de l’Information, se résoudra à le charger de prendre en main le journal La Presse, avec pour ultime mission d’assurer sa parution quotidienne. C’était une véritable prouesse au vu des moyens très réduits, tant en équipe journalistique qu’en ressources financières dont il disposait. De nombreux journalistes d’origine française et italienne avaient quitté le pays et seuls quelques-uns seulement étaient restés, en plus de Richard Liscia et Moïse Madar deux juifs de Tunisie, le deuxième étant originaire de Djerba.
 
Amor Belkhiria s’attellera à la tâche, avec beaucoup de patience. Il commencera par refonder l’entreprise en constituant le 25 mars 1971, la Société Nouvelle d’Impression, de Presse et d’Edition (SNIPE), réunissant un tour de table répartissant le capital entre l’Etat, des banques et des employés. Un œil sur la gestion, l’impression, la diffusion, aidé en cela par le précieux Azzouz Belhassen, et l’autre sur la rédaction, pour détecter de nouveaux talents, les former, les encourager et les protéger. Les Mohamed Mahfoudh, Slaheddine Maaouia, Mahmoud Fadhel, Youssef Seddik, Brahim Labbassi, Abdelhamid Gmati, Hédi Dhoukar, Mohamed Missaoui, Alya Hamza, Eliane Badri, Hassen El Mekki et autres grandes plumes, mais aussi des photographes à l’instar de feu Khaled Najjar, lui devaient beaucoup.
 
«Un patron exceptionnel, se souviendra de lui un ancien journaliste de La Presse. Très respectueux, jamais en colère, toujours disponible, il était là pour nous inspirer et nous protéger. Nous protéger était important quand le régime se durcissait. Lorsqu’un Premier ministre furieux contre un article lui intimait l’ordre de licencier sur le champ son auteur, il n’hésitait guère à lui répondre qu’au lieu du journaliste, «c’est au patron du journal de partir». Traverser  la phase finale de la période collectiviste, l’ère Nouira, avec notamment les dissidences des destouriens démocrates, la confrontation avec l’UGTT, et nombre de procès et de crises politiques, tout en essayant de soustraire le plus possible La Presse à l’ire du pouvoir, n’était pas une œuvre facile. Avec en prime, la bonne santé financière de la société éditrice. Onze ans après, il passera le témoin en novembre 1979. Le curieux hasard aura fait qu’il soit né en 1936, la même année que celle de La Presse et qu'il soit son sauveur après le départ de Smadja.
 
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5 Commentaires
Les Commentaires
touhami garnaoui - 07-07-2014 16:41

un ami particulièrement cher à moi qui s'en va. Chez lui l'été à Hammamet, j'ai partagé les meilleurs petits déjeuners de Tunisie. Mes condoléances à sa famille et à ses amis. Allah yerhmou. Merci Leaders de m'avoir donné cette opporunité.

Habib OFAKHRI - 07-07-2014 18:13

Un smell de l’époque du gouvernemental « la Presse » s’évapore au départ de ce grand monsieur. Je me rappelle sa carrure alors que j’étais étudiant à la faculté des lettres et pigiste –à mes heures bohémiennes-au journal de la rue bach hamba . Au regard de l’ambiance socio -politique de l’époque il était difficile d’arracher quelques colonnes au journal et encore moins à sa une – Mon premier papier sur la question du sahara occidental colonisé fut écarté par S. maaoui – une plume des plus lisibles – et alors rédacteur à l’international .Il me proposa d’écrire plutôt… sur les arts plastiques .Une pige (entre 8 et 10 dinars par papier additionnés à des « pourquoi » à 1 dinar et une « humeur » à 5 dinars faisaient de moi un étudiant « heureux « à chaque fin du mois en plus …des 30 dinars de la bourse universitaire. Le défunt était porté sur le silence .Il s’enferme dans un austère bureau pour pondre un éditorial écrit au feutre gras et truffé de ratures qu’il tend au rédacteur en chef N. Tabka qui le remet à son tour à la linotypie . Senteur de plomb et cliquetis de la machine –humm ! M .Tabka sur le dos duquel tombaient toutes les doléances était dans la permanente « colère »- -« Si vous n’êtes pas d’accord avec la ligne du journal faites valoir la clause de conscience et partez « lance t il aux têtes brûlées du quotidien .Seul Y .Seddik sortait du lot puisqu’il était capable d’écrire avec dextérité sur n’importe quel sujet en partant de n’importe quel mot ou objet… Belkhiria faisait partie de cette génération bourguibienne dont l’histoire personnelle était en synergie et dévouée aux institutions de la république. Qu’il repose en paix.

SUR - 08-07-2014 05:43

Rchard Liscia et Moïse Madar: Ils n'étaient ni d'origine Française ni Italienne. C'était des Juifs de Tunisie et le second d'origine Djerbienne. Cette affirmation doit être corrigée par la Rédaction de Leaders qui ne nous a pas habitués à ce genre d'erreur. Ceci étant,Amor Belkhiria était un homme de bien. Allah Yerhmou!

Karem Belkhiria - 08-07-2014 12:09

C'est la plus grosse perte pour la famille après celle de feu Béchir Salem Belkhiria, il y a exactement 30ans. Dotés d'un sens de responsabilité hors pair, ces 2 héros ont consacré toutes leurs vies, leur travail et leur combat, au service du bien commun. A ce titre, ils avaient valeur d'exemple. Repose en paix Si Amor, ta bonne humeur et ton sens de l'humour nous manqueront énormément

Mansour Lahyani - 10-07-2014 12:19

Allah yarham Si Amor... Votre panégyrique ne doit toutefois pas faire oublier qu'il a tout de même été le patron de La Presse aux heures les plus sombres de la liberté de la presse, et qu'il n'a pas été étranger à l'imposition de la pensée unique et à la lutte contre les plumes libres...

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