Elections : Le scénario de 2011 va-t-il se répéter ?
En fin de compte, 1500 listes ont été déposées auprès de l’ISIE à la date limite du 29 aout pour les élections du 26 octobre 2014. Ces listes totalisent pas moins de 15.652 candidats. Pour un pays de 5,3 millions d’électeurs inscrits c’est vraiment trop.
Sur ce nombre quasiment le tiers, soit 459 sont dites indépendantes. On est quasiment dans le même scénario que pour les élections de l’ANC en octobre 2011 quand il y a eu au total 1662 listes. Bien qu’à cette occasion, une bonne moitié fut constituée de listes indépendantes, les choses ne sont guère différentes cette fois-ci car si on soustrait les listes sérieuses appartenant aux partis qui comptent sur la scène politique et qui sont au nombre de 20 soit autour de 600 listes, toutes les autres qui ne sont pas indépendantes représentent des formations politiques qui n’existent que sur le papier. Pour mémoire, le nombre des partis ayant reçu le visa légal des services de la présidence du gouvernement est de l’ordre de 170 partis.
Donc, la motivation de la création du parti Nidaa Tounés pour équilibrer le paysage politique et éviter l'éparpillement des voix semble à première vue ratée.
Ce qui saute aux yeux c’est que dans les circonscriptions où la contestation contre les gouvernements de la Troïka est la plus vive particulièrement les gouvernorats du Sud-Ouest, du Centre et du Centre-Ouest, à savoir Gafsa (81), Kairouan (78), Kasserine (74) Sidi Bouzid (67) et Siliana, mais aussi ceux du Nord ouest, Jendouba(64), Béja, ex-aequo avec Bizerte (51) le nombre des listes, tous genres confondus, est le plus élevé, si on excepte les circonscriptions du Grand Tunis, la zone la plus peuplée du pays. A contrario, le Sud-Est, fief des islamistes enregistre le moins de listes. Ainsi à Gabès il y a eu 49 listes déposées. Mais beaucoup moins à Médenine(38), Kébili et Tozeur (ex-æquo avec 32 listes) et Tataouine(31listes). A se demander si certaines personnes n’ont pas été encouragées à présenter des listes dans les gouvernorats contestataires d’autant que celles-ci vont obtenir un financement public conséquent.
On a presque le sentiment que c’est fait délibérément. Ce qui est paradoxal, car chaque voix obtenue par les listes indépendantes et des petits partis serait favorable à l’actuelle majorité à l’ANC, particulièrement aux islamistes, qui feraient de toute façon le plein des voix de leurs affidés. Les suffrages obtenus devraient être logiquement soustraites aux partis dits démocratiques et de gauche.
«Voter utile», serait à n’en point douter, le mot d’ordre de ces élections, particulièrement pour les deux partis dominant la scène politique, à savoir Ennahdha et Nidaa. Ces deux partis sont porteurs de deux projets de société antinomiques. Le premier est d’essence religieuse cherchant à ancrer la Tunisie dans son identité arabo-musulmane. Le deuxième est de portée moderniste appuyé sur le mouvement réformiste tunisien dès la fin du 19ème siècle et fondé sur les acquis de l’Etat de l’indépendance. Ce choix se ferait au détriment des autres partis qui ont l’air de compter sur cette scène. La polarisation de la vie politique entre les islamistes et le nidaaistes serait la conséquence logique de ce combat des titans. A la limite le Front populaire qui présente un autre modèle de société, de la gauche marxiste léniniste tout autant que du panarabisme qui attire notamment la jeunesse tirerait-il son épingle du jeu.
Dans tous les cas, toutes les conditions du syndrome du 23 octobre sont réunies. Mais la scène politique étant différente, les acteurs sur le terrain feront en sorte que ses résultats ne se répèteront pas.
R.B.R.
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Avec le déséquilibre constaté sur la composition des listes, l'inscription de trop d'hommes d'affaires et de candidats peu connus on peut facilement tirer les conclusions suivantes: La Tunisie risque d’être gouvernée par des "lobbies" et par une coalition de deux ou trois partis sans vision claire pour le pays qui reposera sur l’opportunisme . Rien n'a obligé les partis à rechercher les meilleurs candidats et aucun parti n'a d'ailleurs présenté de programme et ceci bien sur au détriment de l’intérêt du pays. On aura ainsi un résultat analogue aux élections précédentes avec la médiocrité et la non représentativité d'une population dont une grande majorité complètement perdue et désillusionnée. C'est malheureux;c'est le niveau de notre pays. Il reste le développement d'une société civile forte pour faire contre poids aux politiques sur le long terme.A moins de mauvaises surprises géo politiques entre temps.