Et la Tunisie ?
Les quatre prochains mois seront décisifs pour l’avenir de la Tunisie. Ils détermineront, à travers les élections législatives et présidentielles, le profil des candidats présentés et la pertinence des programmes proposés, les contours de la nouvelle Tunisie dans ses premiers pas après la phase transitoire. Tout se jouera durant cette période courte, mais essentielle, où aucun droit à l’erreur n’est permis.
- L’aspect sécuritaire demeure crucial. La pression des menaces terroristes et l’impact de la situation en Libye continuent à peser de tout leur poids sur le pays. Le nouveau dispositif militaire et sécuritaire renforcé mis en place par le gouvernement resserre l’étau sur les terroristes de plus en plus tétanisés et enclins à la fuite hors des frontières, quand ils ne sont pas arrêtés ou anéantis. Mais le combat contre les jihadistes sera encore long. Le prochain gouvernement aura à le poursuivre et à l’intensifier.
- L’économie constitue, de son côté, une préoccupation majeure, tous les clignotants étant au rouge. La conférence de Tunis «Invest in Democracy Start’up» servira d’amorce pour la mobilisation des soutiens financiers et l’attraction des investissements. Même si ses résultats ne se feront sentir qu’à moyen terme, rien que sa tenue donne un signal fort qui restera à convertir en actions concrètes.
- Le front social est tendu en cette rentrée avec des débrayages et des revendications salariales qu’une trêve sollicitée par le gouvernement est difficile à obtenir. La flambée des prix et la dégradation du pouvoir d’achat plongent les familles tunisiennes dans de grandes difficultés financières, surtout à l’issue du ramadan, des vacances et des fêtes familiales, et face aux exigences de la rentrée scolaire.
Tout repose alors, théoriquement, sur la classe politique qui brigue le pouvoir et les programmes et solutions qu’elle propose. La guerre des investitures pour les législatives a été éprouvante pour pratiquement tous les partis. Profondément ébranlés dans leurs structures, ils ont frôlé l’implosion: c’était prévisible, mais peut-être pas avec cette ampleur. L’exacerbation des ambitions personnelles, d’un côté, et la recherche du meilleur casting possible garantissant financement de la campagne et attraction des électeurs ainsi que le souci de satisfaire les uns et les autres, de l’autre, l’ont souvent emporté sur l’essentiel. Le foisonnement des listes indépendantes s’y ajoutera. L’impact sera inéluctable sur la composition finale de la future Assemblée des représentants du peuple.
Dès les premiers jours, les futurs élus seront confrontés à cette rude épreuve et mettront beaucoup de temps à s’en sortir, à commencer par l’élection du président de l’Assemblée et de ses deux vice-présidents. La répercussion sera immédiate pour ce qui est du futur gouvernement. L’accord nécessaire à conclure quant au concept même du gouvernement (de technocrates, mixte, totalement politique…) et sa taille, au choix de son chef, à la représentation des partis et les quotas y afférents et à la répartition des ministères, notamment ceux de souveraineté, prendra beaucoup de temps. L’effervescence des négociations finira par affaiblir la concordance tant nécessaire.
Consécration de ce processus, l’élection du futur président de la République sera essentielle pour la stabilisation du pays et la mise en place de ses nouvelles institutions. Dans l’exercice de ses nouvelles attributions, il présidera obligatoirement le Conseil des ministres dans les domaines de la défense, des relations internationales et de la sécurité nationale, mais pourra aussi assister aux autres réunions du Conseil des ministres et, dans ce cas, il le présidera. C’est dire l’interaction plus forte que jadis entre le président de la République et le gouvernement et l’impératif de concorde. La classe politique tunisienne saura-t-elle se hisser à la hauteur de cette grande mission qui doit être la sienne: dépasser ses clivages, s’élever au-dessus de ses intérêts partisans, rassembler les Tunisiens dans une vaste union nationale et conduire le pays sur le chemin de la démocratie, de la croissance et de la stabilité. En livrant leurs batailles électorales qui s’annoncent très chaudes, les politiques, toutes sensibilités confondues, ne doivent pas oublier que c’est de la Tunisie qu’il s’agit. Et rien que la Tunisie.
T.H.
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