Radhi Meddeb: Les élections, et après...?
La Tunisie vient de voter dans le calme et sans incidents. Les résultats définitifs ne sont pas encore connus au moment où j’écris ces lignes, mais les grandes orientations sont clairement là. Une majorité remplace l’autre. Le pays semble avoir choisi la voie de la modération, de la modernité et de l’ouverture. Au-delà de l’euphorie des uns et de la déception des autres, la question que se posent légitimement tous les Tunisiens est : de quoi notre avenir sera-t-il fait?
À cette question simple, je voudrais apporter trois éléments de réflexion:
1. Les choix qui ont été faits tant au niveau du texte constitutionnel que de son interprétation et notamment la décision de procéder aux élections législatives avant l’élection présidentielle ont comme résultat inéluctable que la Tunisie n’aura pas de nouveau gouvernement régulièrement investi, probablement avant fin février. La nécessaire continuité de l’Etat, surtout en cette période de grandes turbulences économiques et financières et de risques sécuritaires avérés, nous commande de maintenir le gouvernement en place et de l’investir de tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de toutes ses prérogatives, dans une situation de double vacuité des fonctions présidentielle et législative. Le gouvernement des technocrates a été lent au démarrage. Il n’en a pas moins fini par engager de multiples chantiers, y compris une lutte sans merci contre la violence et le terrorisme. Il est urgent de le laisser faire, le temps que les nouvelles institutions se mettent définitivement en place. Il y va de l’intérêt de la Nation. Il est également de la plus grande responsabilité de lui donner les moyens de sa mission et d’identifier les modalités institutionnelles de l’exercice de sa mission au service de la Nation dans cette période très particulière de mise en œuvre du processus démocratique.
2. Près de quatre ans après la Révolution, les exigences légitimes des populations et des régions intérieures n’ont pas connu de réponses satisfaisantes. Les traitements qui leur ont été dédiés ont relevé essentiellement du social, sinon dans certains cas, de la démagogie et du populisme. Cette gestion erratique a plongé le pays dans une crise structurelle et durable des finances publiques, mais aussi dans de multiples déficits abyssaux: budgétaire, des entreprises publiques, des caisses de sécurité sociale et de prévoyance, de la balance commerciale, de la balance des paiements et du déficit courant, entraînant des besoins sans cesse croissants de financements publics. Au cours des quatre dernières années, ces financements ont été mobilisés grâce à l’appui des institutions internationales, moyennant des engagements multiples de réformes de la part des différents gouvernements qui se sont relayés en Tunisie. Très peu de ces réformes ont pu être menées à bien, mettant le pays aujourd’hui dans une situation délicate. Il ne nous sera pas aisé de continuer à mobiliser de telles ressources extérieures, pourtant indispensables au fonctionnement du pays, sans la mise en œuvre des réformes convenues. En aucun cas, nous ne pourrions attendre mars 2015 pour voir ces questions abordées et ces réformes engagées. Ni le pays profond impatient de voir ses exigences aboutir, ni les grands équilibres macroéconomiques mis à mal, ne sauront attendre indéfiniment.
3. La tâche qui attend le gouvernement à venir va être lourde, entre vigilance sécuritaire, impatiences sociales et obligation impérieuse de multiples réformes. Les contraintes sont multiples. Le temps est à la responsabilité et au labeur. Ce gouvernement devra faire preuve de convictions fortes, disposer d’une base politique large et solide et être prêt à s’engager dans une œuvre de redressement national à l’abri des calculs électoralistes ou de la gestion de carrière des uns ou des autres. Il disposera d’une marge de manœuvre «négative» et ne pourra en aucun cas tabler sur la récompense de ceux qui l’auront fait roi...!
La Tunisie vient encore une fois d’étonner le monde par sa capacité à faire le bon choix politique et à se positionner comme le seul candidat crédible des pays du Printemps arabe à continuer à avancer sur la voie du processus démocratique, dans la pluralité et le respect de ses différentes sensibilités et composantes. Aujourd’hui, il est important que toutes ses parties prenantes soient conscientes des enjeux, des défis et des urgences, fassent preuve d’engagement, de solidarité et de responsabilité. La Tunisie en a plus que jamais besoin pour continuer à maîtriser son destin au service de tous ses enfants.
R.M.
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le monde ne sera tatalement etonné qu aprés les elections présidentielles et qd le peuple Tunisien équilibrera la balance par un choix sage d un Président non rcdiste
Nos politiciens nous tirent vers le bas par leur populisme. Et le tiraillement entre les différents partis politique nous fait perdre un temps précieux. Oui il nous faut une bonne dose de responsabilité en ces temps où les hommes politiques et leurs troupes ne font que manipuler l'opinion publique afin de s'arracher une place sur la scène. Quand ils auront obtenu leur place, il faudra qu'ils changent d'attitude. La valeur du travail doit être rétablie.
Winston Churchill,éminent Homme d'Etat Britannique et Lauréta du Prix Nobel en Littérature,en 1953,disait:"la démocratie est un mauvais système,moins mauvais que les autres,"et ajoutait-il"l'homme politique s'intéresse à la prochaine élection,alors que l'Homme d'Etat s'intéresse à la prochaine génération."En tout état de cause"Il faut bien étudier le passé,afin de mieux comprendre le futur"(Emile Durkhiem,éminent sociologue français).Finalement,Jacques Ellul,auteur de l'ouvrage"La Technique,ou l'Enjeu du siècle"paru en 1954,disait:"Le Plan n'est pas la solution,mais l'Instrument indispensable de toutes les solutions."