Elections: Pourquoi supprimer l'encre ?
J’ai assuré comme en 2011 la direction du Centre de vote installé à l’Ecole Primaire d’El Menzah 7. Le nombre de citoyens inscrits (3962) était à peu près le même que la fois précédente, mais cette fois-ci les électeurs ont été répartis sur 7 bureaux de vote au lieu de 4 en 2011, de ce fait le nombre d’inscrits affectés à chaque bureau avoisine 560 au lieu du millier précédemment et l’opération de dépouillement n’a duré que 5 heures et demi au lieu de 11.
Du fait que la plupart des 28 membres de bureaux manquaient d’expérience, les opérations de vote ont démarré lentement, mais le rythme s’est accéléré progressivement. Toutefois malgré une distribution équitable des électeurs, certains bureaux ont connu une grande affluence dans les premières heures qui ont suivi l’ouverture, d’autres par contre, ont vu venir les électeurs de façon régulière depuis le début jusqu’aux environs de 16 heures.
Nous nous attendions, comme en 2011, à ce que l’affluence continue au cours de l’après-midi. En réalité, en raison de l’augmentation du nombre de bureaux dans le Centre, la plupart des électeurs ont pu exercer leur droit dans la matinée et le nombre de votants dans tout le Centre a atteint vers 16 heures 2965, soit 75% des inscrits. Il ne restait donc que près 1000 inscrits à faire passer jusqu’à la fermeture prévue à 18 heures. Mais parmi eux seuls 406 se sont présentés aux différents bureaux, ce qui a permis d’atteindre un taux de participation de 80,1% des inscrits.
Pendant les deux dernières heures de la journée les membres des 7 bureaux n’avaient pas grand-chose à faire. Le Centre aurait pu fonctionner à l’aise avec un bureau de vote en moins (6 au lieu de 7). Toutefois la désignation par l’ISIE de trois adjoints au Chef du Centre était salutaire. Cette mesure, qui n’a pas été instaurée par l’ISIE de 2011, a permis de disposer de personnel supplémentaire permettant une gestion plus fluide de l’opération. C’est ainsi que nous avons pu aider les électeurs, remplacer à tour de rôle les membres de bureaux au cours des poses, rechercher dans les rangs les personnes âgées ou souffrantes, les handicapés et les aveugles, pour les faire passer en priorité, etc. Bref de mieux faire tourner le Centre.
Cette mesure nous a également permis de sensibiliser les électeurs sur la nécessité de quitter les lieux une fois le vote accompli. Ce qui fut fait à l’exception de quelques électeurs qui ont voulu s’attarder dans la cours après le vote qui pour attendre un ami ou un parent et qui pour discuter avec d’autres qui faisaient la queue.
L’utilisation de l’encre a permis à l’équipe de coordination de mettre de l’ordre dans le Centre, en particulier de faire évacuer des électeurs visiblement malintentionnés qui, après avoir voté, ont voulu circuler entre les rangs pour influencer les autres électeurs. A part quelques exceptions, j’ai vu des électeurs sortir des bureaux contemplant avec enthousiasme leur index coloré et fiers d’avoir accompli leur devoir de citoyen.
Certains gamins qui accompagnaient leurs parents ont même trempé un doigt dans l’encrier pour faire comme les grands. Je n’ai pas eu l’impression que la coloration de l’index était perçue comme le symbole d’une stigmatisation de «l’électeur comme s’il n’était pas mûr pour qu’on lui épargne cette marque semblable au fer rouge qu’on appliquait aux bagnards» (cf l’article de M.F.Othman). Il m’a semblé plutôt qu’elle a été acceptée avec sérénité, et cela devait être ainsi car elle témoigne d’une prise de conscience de la responsabilité du citoyen envers la communauté à laquelle il appartient. Malheureusement, cette responsabilité n’a été appréciée à sa juste valeur que par près la de moitié de l’ensemble des citoyens adultes (par 41,3% exactement, voir mon article à ce sujet).
Certes l’opération d’« encrage » occasionne si l’on n’y prend pas garde quelques désagréments, mais le tatouage provisoire qui en a résulté n’est pas passé inaperçu. D’aucun a pu constater la sympathie qu’il a fait naitre, pendant les quelques jours qui l’ont suivi, entre les citoyens qui le portaient.Quant aux « intérêts financiers qui sont derrière la commercialisation » de l’encre, il y a lieu de les dénoncer si on a des preuves, mais défendre la suppression de l’encre à cause de ces intérêts, revient à proposer l’amputation du doigt du patient pour le débarrasser du furoncle qui a poussé à son extrémité, au lieu de lui prescrire le traitement adéquat. Enfin compte tenu du prix du flacon (près de 20 dollars), le coût total de l’encre ne représente que près de 10% de l’ensemble des émoluments payés par l’ISIE au personnel des 10972 bureaux de vote (près de 6 millions de dinars).
A mon sens, il est préférable de maintenir l’utilisation de l’encre tout en dénonçant les intérêts financiers qui sont derrière, et diminuer en contre partie le nombre de bureaux de vote dans certains Centres. Toutefois la pertinence de sa suppression me semble être du ressort de ceux qui ont assuré la coordination des opérations de vote dans les différents Centres, c-à-dire les Chefs et leurs adjoints.
Mohamed Jemal
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OUI bon, ce "rituel" ANCRÉ" depuis que les Tunisiens ont le droit de vote, devient obsolète. Ne croyez-vous pas qu'une dépense, peut-être plus conséquente, de faire imprimer des cartes électorales comportant, le nom, l'adresse du votant, son bureau de vote et au dos, une douzaine de cases permettant d'y apposer un timbre daté, comme la France le fait depuis longtemps, ne serait pas plus adapté au monde actuel. Y-aurait-il des lobbies, de marchands d'encre qui mettent des bâtons dans les roues?