Reconnaissance de l'Etat palestinien: Nicolas Sarkozy essuie un cuisant échec
En accord avec l’opinion qui soutient à 60% la reconnaissance de l’Etat palestinien, 339 députés français ont voté, ce mardi 2 décembre 2014, une motion «invitant le gouvernement français à reconnaître l’Etat de Palestine». Très confortable majorité qui a réuni une gauche unanime- socialistes, communistes, Verts et radicaux – et même quelques neuf voix de l’UMP. Ce qui prouve que le déplacement mardi matin du nouveau président de la formation de droite, M. Nicolas Sarkozy, au Palais Bourbon, pour amener les députés à rejeter la motion, a été un véritable bide.
Mais Sarkozy n’est jamais à une contradiction près
Ainsi, lors du dîner du CRIF- le lobby sioniste en France - en février 2012, après avoir loué Netanyahou, il avait affirmé : «Je vous dire que toute ma vie politique, vous le savez, j’ai défendu Israël» ajoutant : «Vous pouvez comprendre le besoin d’espérance des Palestiniens d’avoir eux aussi, un jour, la patrie dont ils rêvent ». Il est vrai qu’aujourd’hui, Sarkozy ne pense qu’aux élections présidentielles de 2017 quitte à s’emparer des idées haineuses de Marine Le Pen. De plus, on sait depuis son équipée à Bordeaux la semaine dernière, qu’il change de conviction comme de chemise…..
Le vote du Parlement français confirme les résolutions des Nations Unies et le droit international. D’autant que la motion est très claire: «L’établissement d’un Etat démocratique et souverain de Palestine, en paix et en sécurité aux côtés d’Israël, sur la base des lignes de 1967, avec Jérusalem pour capitale de ses deux Etats et fondé sur une reconnaissance mutuelle». Il s’inscrit dans le mouvement qu’on observe en Europe actuellement (Espagne, Grande Bretagne, Irlande et enfin la Suède qui a pleinement reconnu, elle, en octobre dernier l’Etat de Palestine). Les soutiens européens d’Israël sont excédés par le refus israélien de s’engager pour la paix. En avril dernier, Netanyahou a rompu les négociations avec les Palestiniens patronnées par les Américains pour continuer de plus belle les constructions illégales en Cisjordanie et à Jérusalem et en emprisonnant à tour de bras les manifestants palestiniens. Ce qui amené même John Kerry, le Secrétaire d’Etat américain, à parler d’apartheid en Israël. Autiste, Netanyahou – qui se débat dans une profonde crise gouvernementale qui l’a amené à renvoyer deux de ses ministres alors que quatre autres démissionnent- accuse la France de commettre «une grave erreur». En fait, ce vote aggrave l’isolement d’Israël sur la scène internationale et souligne le monumental échec d’Avigdor Liberman. Ce ministre des Affaires Etrangères jusqu’auboutiste veut expulser tous les Palestiniens ayant la nationalité israélienne soit le cinquième de la population du pays- pour réaliser le vieux rêve sioniste du «transfert» c-à-d «le nettoyage ethnique»** : «Israël needs the land, but without the people» (la terre de Palestine mais sans les Palestiniens) (Lire Ben White, «Israeli apartheid. A beginner’s guide, Pluto Press, London, 2014, p. 11 et 21».
Démarche symbolique
Le Parlement français a fait un geste hautement symbolique mais important car il exerce ainsi une forte pression sur Israël et conforte les partisans de la paix en Israël. Ces derniers avaient écrit aux députés français pour affirmer que «la reconnaissance d’un Etat palestinien aux côtés de l’Etat palestinien aux côtés de l’Etat d’Israël serait une preuve d’amitié, à défendre comme telle, dans le droit fil des relations qui nouent depuis toujours nos deux pays». Parmi les signataires, des intellectuels, scientifiques et artistes de gauche dont Avraham Burg (ex-président de la Knesset) et Daniel Kahneman (Prix Nobel d’économie 2002).
En tournée en France, Qassam, le fils de Marwan Barghouti- condamné cinq fois à perpétuité par Israël- se réjouit de rapporter à son père la nouvelle du vote du Parlement français précisant que «800 000 Palestiniens sont passés par la case prison. Tous politiques puisque ce qu’on leur reproche, c’est leur résistance à l’occupation, leur détermination à libérer leur patrie et à construire un Etat». Actuellement, 6000 Palestiniens –dont 700 enfants- sont dans les geôles sionistes. Pour Gisèle Halimi, la célèbre avocate d’origine tunisienne : «Marwan Barghouti appartient à ces combattants de la liberté qui ont rendu l’espérance à leur peuple, comme Jean Moulin pendant l’Occupation. Tous ceux qui sont impliqués dans ce difficile conflit savent qu’il est le seul interlocuteur valable pour une solution politique car le seul susceptible d’unir les Palestiniens».
Avec le vote de cette résolution par les députés, la balle est maintenant dans le camp de M. François Hollande, du gouvernement français et du Parti socialiste. Il leur appartient de montrer qu’ils n’ont pas permis cette démarche pour barrer la route à la motion communiste sur la reconnaissance de l’Etat de Palestine qui devait être discutée au Palais Bourbon la semaine prochaine. Comme il leur appartient de montrer, comme le prétend la droite, qu’ils ne cherchent pas les voix des musulmans de France. Comme si le conflit israélo-palestinien était une question religieuse et non un problème d’occupation et de colonisation du peuple palestinien par des sionistes oublieux de cette parole d’Yitzhak Rabin qui affirmait que « la Bible n’est pas un acte de propriétaire».
M. Hollande, son gouvernement et le Parti socialiste doivent montrer clairement maintenant qu’ils refusent la situation actuelle faite aux Palestiniens et que le statu quo territorial dans lequel se complaisent Netanyahou et consorts ainsi que l’emploi des drones, des F-16, des tanks Merkava et des check points humiliants contre une population désarmée sont porteurs de risques pour toute la région voire pour la paix dans le monde.
Mohamed Larbi Bouguerra
**Dix ans avant la création d’Israël, Ben Gourion déclarait devant le 20ème Congrès sioniste: «La croissance du pouvoir juif dans le pays accroitra nos possibilités pour réaliser un grand transfert».
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