Des Partenariats Publics Privés : la solution miracle ?....Pas si sûr !
Le gouvernement sortant avertit. Le retard pris dans la mise en œuvre des réformes aurait engendré un manque à gagner (à encaisser) de quelques 1,5 Mds DT.
Qu’on se le tienne pour dit! Les institutions internationales, FMI et CE en tête, traineraient des pieds s’agissant de la poursuite de leur soutien au processus de redressement, tant que certaines conditionnalités, -certes concertées-, n’auront pas été réalisées. En clair une injonction pressante sous la forme de «réformes contre prêts», désormais intériorisée et assumée. Des signes évidents donc d’impatience des principaux bailleurs de fond! D’où la nécessité de relancer la sensibilisation de l’opinion à la perspective d’un train de réformes à marche forcée. Il restera cependant à trouver une majorité parlementaire pour voter ces lois-cadres et un gouvernement pour promulguer les décrets d’application dans les meilleurs délais.
S’agissant de la loi sur les PPP, l’opinion publique est peu familière avec ce qui est présentée comme l’une des solutions-clés à l’épineuse question du financement de la croissance et du développement. Pour l’avoir vérifié, de hauts fonctionnaires croient qu’il s’agit d’une juxtaposition (dans une logique de marchés publics) de deux contrats: l’un portant sur la fourniture d’équipements, l’autre sur des prestations de gestion.
Le PPP est en fait le descendant d’une technique inaugurée dans la décennie 90 dénommée «project financing» dont la déclinaison la plus connue est le classique BOT (Build, Operate, Transfer). Le partenariat désigne donc un contrat par lequel une autorité contractante (Etat, collectivité locale) confie à un tiers-privé (ou consortium) une mission globale ayant pour objet la conception, la construction, l’exploitation-maintenance, tout ou partie du financement, puis le transfert (rétrocession) à une date déterminée de l’actif (bien commun, service public).
Mission globale contre laquelle l’opérateur perçoit un loyer ou des redevances d’usagers ; disons pour simplifier, un tarif couvrant l’activité d’exploitation et l’amortissement des capitaux engagés.
Si donc l’intérêt pour cette technique modulaire n’est pas récent, son engouement renouvelé tient plus prosaïquement aux difficultés croissantes qu’éprouvent Etats et collectivités à assurer simultanément l’équilibre de leurs finances publiques et le financement du développement. Une vraie gageure ! De facto, cette solution se présente de prime abord comme un substitut quasi idéal à la dérive de l’endettement public et de sa charge financière. Un argument majeur dont il va être beaucoup question dans les prochaines semaines compte tenu des tensions que vont connaître nos finances publiques en 2017-2018 (peaks de remboursement). L’idée apparaît dés lors éminemment simple.
Les entreprises multinationales comme le privé local pourraient prendre le relais d’un Etat en grande difficulté. Des opérations d’envergure infrastructurelles, comme des projets plus modestes mais à vocation régionale pourraient tout de même voir le jour.
Encore faudrait-il pouvoir faire a priori la démonstration, -mais toujours difficile à faire-, qu’il ne s’agit pas d’un tour de passe-passe: Un simple jeu de transfert de charges de l’Etat (intérêts et principal) vers la collectivité nationale (ressortie de flux financiers en devises couvrant les capitaux engagés) ? Nous y reviendrons.
Quels avantages peut-on attendre de ce type de montage bien plus complexe qu’il n’y parait de premier abord ? L’expérience internationale commande d’être prudent et de ne pas céder aux chants des sirènes qui comme dans le récit homérique séduisent mais font perdre le sens de l’orientation, pour finir en naufrage. Revenons aux avantages escomptés: Disposer des technologies les mieux adaptées ou des process les plus avancées. Bénéficier d’une maitrise d’ouvrage rapide et de qualité. Financer au meilleur coût possible un projet complexe. S’assurer du savoir-faire et de l’expérience d’un grand industriel. Obtenir une gestion efficace et performante.
Certes ! Cela apparaît toujours possible sur le papier.
Mais le bilan international des PPP est bien plus nuancé que ne veulent bien le dire les chantres de cette solution. Les risques de non-atteinte des objectifs susmentionnés se dissimulent sous deux ordres de considérations.
D’une part dans l’évaluation a priori puis dans la transcription contractuelle de la multiplicité des risques et de leurs enchevêtrements que peuvent en faire les administrations et collectivités ainsi que de la qualité de leur vision prospective du devenir du projet. Des compétences singulières et des capacités d’évaluation relativement sophistiquées dont manifestement nos administrations ne sont pas dotées et dont il faudrait tout de même s’inquiéter. Ce type de contrat qui transfère de la personne publique au partenaire privé met en jeu l'intérêt même de la collectivité et par là des risques de qualité du service et de coûts de fonctionnement attendus qui ne peuvent se résoudre a postériori par la simple application d’un barème rigide de pénalités, emprunté à la logique des marchés publics. Des gardes fous inopérants!
D’autre part, il y a aussi l’aléa moral (connaissance asymétrique des risques encourus, des coûts équipements-intégration, des coûts de fonctionnements) pas toujours cerner par le contractant mais souvent mieux maitrisé par les grands groupes ayant une expérience sans égale dans ce type de contrat. Simple illustration: Le PPP est réputé financièrement plus performant si le coût global (et donc le prix à payer par l’Etat ou la collectivité) sur la durée contractuelle est actuariellement inférieur à la somme des trois coûts sui generis: construction, financement, exploitation. Ce postulat est loin d'être garanti, comme le laisse entrevoir les critiques portant sur des dépassements de coûts jugés abusifs dans de nombreux projets. Plus grave, on observe désormais de façon récurrente, la dénonciation, -par ailleurs difficile et très onéreuse-, de contrats de rénovation-modernisation de réseaux ferroviaires (Angleterre, Australie), autoroutiers (Ecotaxe-France, Allemagne), de gestion des eaux (Californie, Inde) ou de services publics hospitaliers et universitaires (France, Canada). Le constat est fait mais hélas tardivement lorsque le coût du crédit obtenu par un consortium (incluant une prime de risque pays) s’avère plus élevé que celui de l'État et des collectivités qui pour ce même type d’opérations réussiraient à emprunter à des taux préférentiels grâce à leur signature souveraine. Que dire du coût global de financement appelé aussi coût moyen pondéré du capital qui inclut la rémunération des capitaux propres apportés par l’opérateur privé, souvent relativement élevé (incluant une prime de risque projet).
Alors de grâce aucune précipitation en la matière. Une impréparation des agents de l’administration centrale comme des cadres des entreprises publiques se traduirait par une mauvaise mise en œuvre de cette solution, laquelle à son tour pourrait avoir pour effet une rigidification de la dépense publique (loyers) ou de la dépense collective…
Une autre mais nouvelle véritable bombe à retardements !!!
Hédi Sraieb
Docteur d’Etat en économie du développement.
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