La Révolution ne doit pas viser uniquement la Démocratie
«tout intellectuel est coupable de trahison s’il ne s’est pas révolté contre sa patrie quand celle-ci était sous le joug de la dictature, en se servant de tous les moyens dont dispose un intellectuel.»
Ceux de ma génération qui ont milité étudiants à l’Union Générale des Etudiants de Tunisie ont vécu dans leur chair les évènements de 1967.
L’U.G.E.T. était le «vivier» dans lequel le pouvoir puisait pour régénérer la classe politique. Elle était de tous les combats, toutes tendances confondues. Elle a été mutilée au lendemain des évènements de 1967 et purement et simplement confisquée par le pouvoir. Au dialogue citoyen s’est substitué le monologue avec son lot du refus de la contradiction ; du droit à la différence et d’exclusion. Son aboutissement ultime fut le «mensonge patriotique» qui a couvert, entre autres, les atrocités commises.
On a plongé dans une espèce de «polipathie» qui allait de l’indifférence à la résignation jusqu’au simple délire politique.
Vint le grand espoir des premières élections pluralistes en 1981 et le succès enregistré par les listes vertes du M.D.S. Le pouvoir aux abois utilise à nouveau le «mensonge patriotique»
J’ai vécu, pour la deuxième fois, cet épisode dans ma chair. J’ai réagi dans un premier temps par une complainte:
«Pourquoi cette citadelle d’horreur, dans un monde sans nom où les démons de la terre s’attaquent à tout venant. Arrêtez de mugir, de rugir, d’effrayer. Il n’y a plus que des membres indolents, des consciences râpées, des sensibilités écorchées. Finissez de nous achever. Chantez, ensuite, tous vos hymnes glorifiants En faisant du vide une horreur naturellement»
J’ai, ensuite, écrit un article paru in «Le Maghreb» en novembre 1981 intitulé «Je pense mais je ne change rien» Paul Valéry.
Une Tunisie, enfin, débarrassée de tous ceux qui ont contribué à la pérennité artificielle du régime et d’une manière générale de tous ceux qui ont nui à la Tunisie …cette Tunisie à laquelle je crois et j’appartiens est attentive et impatiente de voir finir les exactions dont elle est l’objet…
L’Etat qui a été jusque-là au service particulier d’une certaine Tunisie…
Il restera alors à réconcilier les deux «Tunisie»
Après les années de braise qui ont suivi et la faillite des élites politiques, intellectuelles, morales et religieuses en général on se trouve tous être, aujourd’hui, des démocrates convaincus. Du plus petit bourgeois conservateur plutôt respectueux de la puissance traditionnelle de l’époque: la monarchie beylicale, destouriens puis Rcédistes, baathiste, Trotskiste, communiste, frères musulmans ou rien de rien.
On assiste à une organisation de l’oubli. D’abord l’oubli des victimes puis ceux qui cherchent à se dissimuler enfin ceux qui sont coupables et aimeraient bien se faire oublier!
Cette occultation pourrait bien être, à plus ou moins brève échéance, responsable à nouveau de beaucoup de dégâts.
La douleur et l’amertume que suscite en moi le sentiment que ceux qui ont survécu à toute les dérives du système dont ils sont responsables impunis et souriants ne se souviennent de rien et n’ont rien appris.
Les intellectuels du premier poète au dernier journaliste, du premier professeur de droit ou d’économie au dernier muezzin ont pataugé dans la «Boue» de la dictature et en ont tiré avantage. L’impunité scandaleuse des journalistes nous interpelle. Ceux-là même qui ont menti sur la réalité effroyable de la dictature. Ils ont évidemment de bonnes raisons de participer activement à l’organisation de l’oubli général.
Les journaux les plus influents n’ont même pas eu besoin d’exprimer un sentiment de gêne ou de repentir quelconque.
Malgré le temps qui oppose notre temps au leur, Il nous faut éviter de généraliser pour ne pas discréditer les institutions du pays qui ont continué a fonctionné et qui comptent un bon nombre de gens vertueux et honnêtes. Ceux qui généralisent abusivement sont justement ceux qui essaient d’utiliser à leur profit la vertu et l’honnêteté avérées des autres.
La Révolution ne doit pas viser uniquement la Démocratie
B.B.G.
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