Une «amnistie» fiscale peu réfléchie…
Le ministère des finances vient de publier un communiqué prorogeant la date limite de dépôt des déclarations rectificatives prévues par la loi de finances complémentaire 2014 pour la fin du mois de février 2015.
Rappelons que ces déclarations rectificatives dont la date limite de dépôt était initialement fixée au 31 décembre 2014 concernent, entre autres, les exercices non prescrits avant le 31 décembre 2014 à savoir les exercices 2010 à 2013.
Etant donné que l’exercice 2010 se prescrit naturellement au 31 décembre 2014, plusieurs contribuables parmi ceux qui ont souscrit à cette «amnistie» fiscale n’ont pas procédé au dépôt d’une déclaration rectificative, ou plutôt complémentaire, au titre de cet exercice et se sont donc limité à déposer des déclarations complémentaires au titre des exercices 2011 à 2013, économisant ainsi une surtaxe de 20% sur la base imposable de l’exercice 2010, sauf si par malchance, ils recevaient une notification de vérification fiscale avant le 31 décembre 2014.
En revanche, les contribuables qui n’ont pas souscrit à cette «amnistie» fiscale et qui pourraient maintenant le faire avec cette prorogation de la date limite jusqu’à la fin du mois de février, seraient vraisemblablement dans l’obligation de déposer une déclaration rectificative au titre de l’exercice 2010 quand bien même il s’agirait d’un exercice prescrit.
En voici un exemple de disposition dont l’application était non seulement pas claire du fait des cas particuliers qu’elle peut poser, mais aussi inéquitable.
Pas claire, malgré la publication d’une note commune qui s’est contentée essentiellement de préciser la non-prise en compte des crédits d’impôt lors du paiement de l’impôt complémentaire.
En effet, plusieurs questions intriguent aussi bien les contribuables que les professionnels de la fiscalité :
Quid des demandes de restitution du crédit d’IS en cours à la date de la promulgation de la loi ou encore à la date du dépôt de la déclaration complémentaire ?
Est-ce que ces demandes de restitution seront suivies d’une vérification fiscale alors que le contribuable qui en a fait la demande avait souscrit à cette amnistie le dispensant de toute vérification au titre de ces exercices ? Qu’en est-il dans ce cas de cette dispense de vérification ?
Quid des demandes de restitution «Post-Amnistie» ? Seront –elles suivies d’une vérification fiscale ? Et dans l’affirmative, ce contrôle ne serait-il pas aussi en contradiction avec la dispense de contrôle suite au dépôt des déclarations rectificatives ?
Si une telle vérification se limiterait à la validation du crédit restituable, quel serait l’attitude du vérificateur fiscal quand il relève des anomalies à incidence fiscale significative ?
Cette «Amnistie» ne sera-t-elle pas suivie d’un rejet pur et simple de tout crédit d’impôt ?
Quel serait l’attitude d’un commissaire aux comptes à qui on demanderait un rapport spécial pour bénéficier d’un remboursement intégral du crédit d’impôt dans un délai de 7 jours alors que son client a souscrit à cette amnistie, déclarant ainsi et avouant directement qu’il était en train de minorer la base imposable ?
La prorogation du délai énoncé par la loi de finances complémentaire 2014, portée à la connaissance des contribuables par un simple communiqué ne devrait-elle pas être promulguée par une loi ?
Le Ministère des finances n’avait-il pas décidé cette prorogation du fait du nombre très réduit de contribuables ayant souscrit à cette action ?
Si c’était le cas et si les recettes attendues de cette mesure n’ont pas atteint le niveau escompté, ne serait-il pas plus approprié de fixer une période supplémentaire jusqu’au 30 juin par exemple et se donner le temps pour légaliser cette mesure dans le cadre de la prochaine loi de finances complémentaire après en avoir explicité les conditions et les modalités pratiques de mise en œuvre ?
Adnène Zghidi
Managing Partner –BDO Tunisie
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