La Santé: Approche globale et idées de Réformes.
Après les états généraux de la santé, réalisée sous des administrations provisoires sous un angle hautement politique et dans un silence inhabituel, vient le temps des réflexions et des propositions:
Comment améliorer la santé sans aggraver le déficit de la CNAM ?
Peut-on améliorer la santé sans réduire les inégalités ?
Peut-on continuer à essayer de sauver notre système de santé avec des réformettes successives sans affirmer une vraie politique de santé ?
Il faut tout d’abord rappeler que les indicateurs généraux retenus pour la santé placent notre système dans la médiane OMS, que le système public reste la destination de la majorité des Tunisiens et garde son rôle exclusif dans la formation-recherche. Le système privé, consolidé, devient concurrentiel. L’infrastructure sanitaire est importante et que l’amélioration des facteurs de l’environnement de la santé (logement, éducation, assainissement, PIB, couverture sociale) ont contribué à porter l’espérance de vie à la naissance (EVN) des Tunisiens à 74.5 ans et la mortalité maternelle à 30/100.000 naissances et l’IDH à 0.760.
Mais notre système de santé arrive à ses limites et se trouve confronté à plusieurs défis : urbanisation anarchique, sédentarisation, transition épidémiologique, transition démographique et en résultante une progression continue des dépenses de soins.
Ainsi on constate un déséquilibre régional et social du service santé, dont les victimes sont les quatre régions défavorisées (Kairouan, Jendouba, Sidi Bouzid, Kasserine), mais aussi les populations pauvres des régions à forte densité démographique. Les difficultés d’accès à la santé et aux soins de ces couches sociales deviennent une question de droit de l’homme et de dignité citoyenne, parce que ces difficultés relèvent du combat contre les inégalités et pour un acte de dignité.
Ainsi, la participation en hausse de la part des ménages aux dépenses de la santé aujourd’hui de 40%, les anomalies de la densité médicale (rapport max/min pour les dentistes est de 11.3, un spécialiste sur deux est installé au grand Tunis, 75%des spécialistes dans la bande côtière). Les disparités du remboursement CNAM (75%des remboursements profitent à 20% de la population). Les enseignes des inégalités d’accès aux soins pourraient être complétées par l’étude de variance régionale de l’EVN et de la mortalité maternelle.
Notre système de santé devient symptomatique de ces inégalités, avec une santé à deux vitesse : le public pour les pauvres et les appauvris et le secteur privé pour les aisés et la classe encore moyenne (avec un risque de dépenses catastrophiques de 10%).
Il est admis que l’augmentation de l’EVN sur dix ans (étude OCDE) est beaucoup plus imputable à l’amélioration des facteurs environnementaux de la santé (hauteur de 60%) qu’aux dépenses directes de soins (hauteur de 40%).Ce qui doit nous faire admettre qu’une réforme du système de santé est avant tout penser santé en dehors des cases traditionnelles:
- Réduire les inégalités , toutes les inégalités , celles de l’état de santé étant imputables à des facteurs socioéconomiques s’enracinent principalement en dehors du secteur de la santé pour faire des classes les plus modestes celles les plus exposées : risque professionnel, addiction tabac alcool, malnutrition…Dans ce cadre social la garantie de soins est nécessaire mais insuffisante .C’est à la source qu’il faut s’attaquer aux inégalités : inégalités scolaires, logement indécent, exclusion sociale. Il faut évaluer toutes les politiques publiques sous l’angle de leur impact sur la santé : éducation, transport, logement, environnement, sport
- Passer du schéma de la progression continue des dépenses de santé à un schéma de progression contenue de ces dépenses : ce qui demande des changements structurels pour que limiter les dépenses ne doit pas mener à aggraver les inégalités devant la maladie.
Ces changements structurels peuvent être atteints à travers trois objectifs stratégiques : un système de soins moderne et efficace, une nouvelle politique de santé publique et de prévention et une nouvelle gouvernance de l’hôpital public.
Un Système de Soins Moderne et Efficace: pour des prestations de qualité et de proximité.
- rôle central de la médecine de famille (public et privé)
- soins de proximité centrés sur la personne (et non sur la maladie uniquement !!)
- investir le dispensaire d’une mission globale de soins et d’éducation par la création d’éducateurs thérapeutiques pour les maladies chroniques ce qui aura un impact sur la qualité de vie de ces malades, sur le nombre de rechutes et sur les couts.
- multiplication des maisons de santé (inter quartier) multidisciplinaires et fixer un délai de 30 minutes pour accéder aux soins urgents.
- créer une alternative à l’hospitalisation classique : l’hospitalisation à domicile et promouvoir les services à domicile pour les personnes âgées (un million dés 2016)
- un carnet de santé électronique par malade chronique, dans un premier temps, et un bureau central de rendez-vous par hôpital.
- développer une approche territorialisée de la santé et développer les parcours de santé avec une obligation de respecter les protocoles de filières et de soins et incitation à l’installation en zones prioritaires ( qu’il faut redéfinir), et faire évoluer le résidanat national vers un résidanat par grande région permettant de mieux ajuster les postes aux besoins locaux , et promouvoir le concours de médicat hospitalo-sanitaire pour ajuster l’offre de soins en spécialistes dans les régions .
- innover en matière de santé-solidarité pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins par un partenariat avec les professions de santé, les institutions d’économie sociale et solidaire (mutuelles et coopératives de services de santé) pour repenser l’accès aux soins dans une perspective sociale , solidaire et pérenne et pour faire de la santé un facteur de croissance et de développement solidaire .
- lancer, promouvoir et expliquer l’E-santé et en faire un levier de l’égalité, de la pérennité et de la qualité des soins.
Vers Une Nouvelle Politique de Santé Publique et de Prévention
Aux nouvelles maladies il faut de nouveaux remèdes : l’Obésité, le Cancer, les Addictions tabac alcool, et les maladies Mentales, sont par définition évitables car elles sont à dominante environnementale.
Il faut faire de la Prévention une affaire de Tous, c'est-à-dire l’ériger en politique:
- La création d’Une Agence Nationale de la Prévention , avec au moins trois missions urgentes : éducation sanitaire , faire passer la médecine scolaire à une nouvelle échelle et lancer de façon sérieuse des plans anti cancer , anti obésité anti tabac et un plan pour la santé mentale .
- La création d’une autorité sanitaire Indépendante chargée de l’alerte sanitaire (experts indépendants)
- Institutionnaliser l’éducation thérapeutique du malade chronique.
- Repenser la Prévention dans le cadre du partenariat actif avec les associations et les institutions sociales et solidaires (mutuelles et coopératives de services de santé)
Pour Une Nouvelle Gouvernance de l’Hôpital Public
- Assouplir la gestion de l’hôpital public et passer à des pôles d’hospitalisation à l’intérieur de l’hôpital et à une communauté hospitalière de région. Le but est l’augmentation des capacités d’hospitalisation, la facilitation de l’offre et l’optimisation de l’utilisation des plateaux médico-techniques
- Garantir la transparence des indicateurs de qualité de chaque structure hospitalière.
- Créer un outil de performance des établissements publics par une Agence d’appui au financement, aux systèmes d’Information et par la validation et le contrôle des soins.
- Créer une nouvelle structure de pilotage de l’hôpital : Direction générale, Direction médicale et Direction technique.
- Appui et développement des soins ambulatoires (notamment de chirurgie) et de l’hospitalisation à domicile (HAD) rattachée à l’hôpital.
Une Politique du Médicament au service du générique par la sensibilisation, la baisse des prix, encourager les pharmaciens à user de leur pouvoir de substitution et inciter les médecins à prescrire en DCI.
Il faut aussi réduire les médicaments non pertinents ce qui mènera à un meilleur usage des soins et à combattre la surconsommation de médicaments (auto médication) et les examens complémentaires redondants...
Ces mesures ne doivent pas mener à une médecine low-cost mais plutôt à un secteur public efficace et débarrassé de ses freins et ses tares structurels et culturels.
Le Financement de la Santé doit être solidaire et pérenne. Pour que la gestion des dépenses de santé ne doit pas aggraver les inégalités. Il faut donc optimiser les dépenses sous l’angle social par la définition d’un panier de soins solidaires accessible à tous sans barrière financière (assurance maladie universelle) qui sera cofinancée par une TVA sociale et par la taxation de l’alcool, tabac, soda et l’assurance automobile.
Encourager l’Assurance Maladie Complémentaire Sociale offerte par les Mutuelles et autres fondations de l’économie sociale et solidaire .Le but étant de consolider et pérenniser la gratuité totale des soins pour les plus modestes (27%) , mais aussi de corriger les disparités de remboursement :20% de la population profite de 75% des dépenses alors que les dépenses catastrophiques ( celles qui causent la cessation de biens ) sont de 10% et la part des ménages qui est de 40% profite exclusivement au secteur privé . Les ajustements du schéma de couverture et de remboursement doivent profiter aux secteurs publics et social-solidaire. C’est la seule voie pour assurer le droit universel à la santé et le droit à des soins de qualité et de proximité (la médiane OCDE du PIB-santé est de 9.5% le chiffre Tunisien est de 5.4%)
Le meilleur système de soins est celui où les usagers ont un large choix de prestataires et une égalité devant la maladie. Le meilleur système de santé est celui qui se construit sur le combat de toutes les inégalités et sur un financement solidaire. La meilleure politique de santé est celle qui s’inscrit dans une politique de développement local inclusif.
Docteur Rafik Boujdaria
Professeur en Médecine
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message structuré et écrit avec une belle plume
je suis cadre ancienne fonctionnaire et retraitée de la CNSS.j'ai travaillé beaucoup sur ce thème concernant le coût de soins en Tunisie et ds les hôpitaux.j'ai essayé de déterminer le coût par service,j'ai suggérée une comptabilité analytique par service et j'ai essayé d'évaluer le coût de la santé ou des soins dans le secteur public et privé pour évaluer le coût global des soins puis de la santé.les difficultés ce qu'il n'y a pas un indice de coût de la vie en Tunisie pour pouvoir prévoir le coût de soins par rapport au budget et pouvoir suffir au besoins de la population .d'autant plus notre système ne permet des soins que pour des personnes qui côtisent à la CNAM .autres choses les participations des salariés dans le secteur public et privé ne sont du même taux par rapport aux salaires.les indigents leur participation n'est controlée parce que c'est l'Etat qui paye. et ne permet à ceux-ci que des soins dans les hôpitaux.de plus la loi de la cnam j'ai assisté les discussion de son élaboration et c'était difficile à faire et la preuve elle a enfoncé les inégalités et a aggravé le déficit des caisses sociales.comment après vingt ans elle a été appliquée.on dépense plus pour la santé et surtout on n'a pas renouveleé nos forfaits des conventions collectives de sécurité sociales;on nous rembourse mois sur des montants aussi importants.les Tunisiens à l'etranger dépensent plus que leurs employeurs étrangers remboursent à cause des forfaits non réevalués .enfin j'ai travaillé sur le tourisme de santé en faisant un mastère en économie de tourisme et j'ai remarqué qu'on est compétitif car on ne paye pas bien le personnel de santé et de plus même dans le secteur privé le Tunisien doit attendre le jour de son rendez-vous parce que le médecin doit effectuer des communications et choses des malades à l'Etranger,voir les résultats des analyses au profit du temps du Tunisien.tout ceci ne peux pas rendre notre système fiable.ce que je propose :déterminer l'indice du cout de la vie;déterminer le cout de santé avoir un budget de santé sur des participation de carte santé par famille.celui qui paille il peut avoir accés à toute institution sinon et il n'a pas de ressources c'est lÊetat qui paye pour lui ou sondouk ezzaket .comme ceci peut etre on rend le système plus égalitaire.de l'autre côté permettre au citoyen de trouver un hôpital proche de son domicile comme on le fait pour une mosquée.programmer des cités ou il ya des zones vertes obligatoires pour préserver une bonne santé et un environnement sain.
Tout ça est bien beau et a beaucoup de sens. Beaucoup s'accordent sur ce que vous proposez et y pensent. Nous sommes tous contre les mesurettes qui nous agacent et nous semblent contre-productives et "patch-workiennes". Savez-vous que c'est au niveau de l'implementation des politiques publiques où ça bloque? Il faut anticiper les conséquences attendus et inattendus, désirables et indésirables, impliquer, négocier, inciter, gérer et comprendre les mécanismes des différents arrangements et leur mise en place... De plus, (je dirais même, sûrtout) l'administration est un énorme frein à l'implementation des politiques publiques (surtout celles En santé où le corporatisme et la résistance au changement sont les maîtres comportements) et sa réforme -à elle- doit précéder tout ça...