Banques publiques : Maux et remedes
Selon le full audit engagé par le Ministère des Finances, les banques nationales (STB, BNA ,BH) souffrent d'innombrables dysfonctionnements et nécessitent une intervention urgente de l'Etat en vue de consolider leurs fonds propres à concurrence de 1 Milliard de Dinars.
Un coût lourd pour la communauté nationale, pour sauver trois institutions bancaires qui ont certes joué un rôle déterminant dans la création du tissu économique du pays et facilité la réalisation des plans de développement durant plusieurs décennies mais, qui se trouvent aujourd'hui dans une mauvaise posture.
Accablées par un lourd fardeau de créances accrochées, dotée de capitaux propres insuffisants pour couvrir leurs engagements, rien ne leur permet de poursuivre et développer leur activité conformément aux normes prudentielles. Résultats: baisse de la rentabilité, déficits et des insuffisances de provisions.
Mais en fait, de quoi souffrent nos banques nationales et est-ce que leur capitalisation à concurrence de 1 Milliard de dinars peut suffire pour les sauver.
Le poid d'un passe peu clément
Il faut dire que nos banques publiques ont subi durant les 20 années qui ont précédé la révolution, d'innombrables pressions de la part de l'ancien régime:
- ingérence du clan Ben Ali-Trabelsi dans l'octroi de certains crédits douteux.
- Ingérence du Ministère des Finances dans la gouvernance et les décisions stratégiques relatives aux investissements aux recrutements, et la nomination des responsables.
- Incidences des fusions imposées à la STB (BDET et BNDT) à la BNA (BNDA) et héritage de la CNEL pour la BH
Ces fusions se sont traduites par un lourd fardeau de créances accrochées, des suspens comptables et également par un impact négatif sur les Ressources Humaines.
Signalons également que les changements fréquents au niveau du top management de certaines banques durant les deux dernières décennies n'a pas facilité la conduite d'une stratégie de sauvetage ou des réformes salutaires.
En 20 ans, la STB a enregistré le défilement de 10 PDG : avec une moyenne de passage de deux ans, aucun de ces dirigeants n'a réussi d'enclencher un processus de réformes.
Le fardeau des créances des entreprises publiques
Signalons également le lourd endettement des entreprises publiques (ELFOULEDH, OFFICE DE L'HUILE, OFFICE DES CEREALES ETC) dont le soutien était pratiquement imposé aux banques nationales, ainsi que celui des secteurs du Tourisme et de l'Agriculture, deux secteurs amplement endommagés après la révolution
Des insuffisances de toute nature
Compte tenu du fait qu'elles étaient les premiers jalons du système bancaire tunisien, et vu la difficulté de prendre des décisions stratégiques courageuses, les banques publiques ont été l'otage de procédures, de pratiques et d'un système d'information archaiques, accusant un retard considérable sur le plan de :
- La gouvernance et la gestion des risques.
- La modernisation de leurs systèmes d'information dans une démarche visant l'industrialisation des processus et une meilleure connaissance de leurs clientèles.
- La redéfinition de leur politique commerciale, la modernisation des espaces de vente et l'amélioration de la qualité des services rendus.
- La formation et la motivation de leurs ressources humaines avec une vraie gestion des compétences.
- L'instauration d'un système de contrôle interne permettant la couverture et la maitrise des risques.
Pour un plan de sauvetage clairement défini
Aujourd’hui, la recapitalisation des banques publiques s'avère d'une extrême urgence et tout retard risque d'empirer leurs situations respectives.
Toutefois, le soutien de l'Etat doit être conditionné par la mise en œuvre d'une stratégie de restructuration clairement définie et se traduire par des plans d'actions suivis par un comité de pilotage sous la surveillance de la BCT.
Les mots clés de cette stratégie doivent être essentiellement:
L'assainissement social: signalons à ce propos que ces banques souffrent paradoxalement d'un sureffectif à l'échelle des départements centraux et d'un manque flagrant au niveau des agences.
Signalons également, le vieillissement de leur ressources humaines puisque dans certaines banques la moyenne d'âge a dépassé les 52 ans, conclusion : un sang nouveau s'impose.
L'assainissement du portefeuille des créances accrochées: le soutien de l'Etat sur ce volet s'avère d'une extrême importance à travers:
- La création de nouvelles structures pour prendre en charges et traiter les créances touristiques, agricoles et assister les banques dans la résolution de la problématique des engagements des entreprises publiques.
- La création d'instances judiciaires spécialisées dans le traitement du contentieux bancaire
La refonte des systèmes d'information: ce volet a accusé un grand retard et les solutions imposées et retenues par les banques s'avèrent non concluantes.
A cet effet, la recherche d'une solution de global banking couvrant tous les domaines d'activités peut leur être salutaire.
La révision des organigrammes fonctionnels et leur articulation autour de cinq pôles couvrant l'activité commerciale, le back office, les risques les supports et le contrôle, la motivation de l'encadrement afin d'atténuer les disparités au niveau de la rémunération avec les banques privées et de créer une nouvelle culture axée sur le travail et l'excellence.
La révision des processus de production et de contrôle afin d'améliorer le rendement et la productivité et de maitriser les risques opérationnels.
La modernisation des espaces de vente et l'adoption d'une démarche de qualité totale mettant le client au cœur des prestations fournies.
Le développement de l'activité a l'international surtout sur le sol africain
Quel que soit le scenario à adopter pour le devenir de ces banques : fusion absorption ou privatisation, une restructuration financière ,sociale et organisationnelle s'impose afin d'assainir leurs portefeuilles ,améliorer leurs ressources ,leur productivité et moderniser leurs méthodes de travail.
Toutefois, la consolidation des fonds propres demeure toujours un facteur incontournable pour une meilleure notation et un meilleur rayonnement à l'international, d’ailleurs pour l'ensemble des banques en Tunisie puisque le premier établissement de crédit tunisien arrive au 52ème rang à l'échelle africaine.
Slah Kanoun
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