Le complexe du colonisé
La colonisation est une tâche sombre dans l'histoire de l'humanité. Elle était motivée par un sentiment de supériorité raciale qui trouvait sa justification dans le livre du comte de Gobineau ou encore dans le poème de Rudyard Kipling: "The white man burden". Elle fut un mélange d'impérialisme dans sa forme la plus dure, avec une conviction évangéliste d'assurer une mission divine civilisatrice. Son but était la déstructuration et la destruction de l'identité des peuples colonisés. Plus prosaïquement, la colonisation avait pour but de relancer une croissance économique à bout de souffle en Europe à ce moment-là.
En son nom, les pires atrocités furent commises, puis vint l'ère des indépendances dont les glorieux pères étaient tous de purs produits du système colonial. Il n'y eut donc pas de rupture nette avec ce système et les mêmes méthodes continuèrent d'être appliquées. On vit dans ces pays une élite accaparer les richesses et soumettre durement les peuples sous le prétexte fallacieux de construction nationale avec bien sûr quelques exceptions.
Aujourd'hui nous sommes à l'ère des révolutions, les peuples se sont affranchis et ont pris leurs destins en main. Il ne sert plus à rien de ressasser cette mauvaise période de notre histoire et d'essayer de culpabiliser l'ancien colonisateur, pourtant certains qui ont été plus marqués que d'autres et qui possèdent une mémoire tenace ont du mal à se débarrasser du complexe du colonisé. Ceux-là persistent dans la rancune, la méfiance et l'esprit de révolte permanent. Ils cherchent comme disait Albert Memmi, des valeurs refuges, identitaires, régressives, d'un autre âge, dans la tradition et la religion.
Le temps est un vecteur à sens unique. Beaucoup de temps a passé et notre vision doit changer. La colonisation ne doit être qu'un point d'ancrage dans notre histoire, un repère historique sur lequel nous devons bâtir notre présent et notre futur. Il faut bien sûr un devoir de mémoire mais sans s'appesantir ou entraver le présent. La souveraineté de la Tunisie ne signifie pas le repli identitaire ou la pensée manichéenne. Nous devons nous libérer de nos références traditionnelles et construire une nouvelle société débarrassée du complexe du colonisé.
La visite du président Caïd Essebsi en France fut un immense succès par tous les critères. Reçu en grande pompe notre président montrait avec Francois Hollande une grande entente et même une évidente complicité. Il n'y eut aucun couac, aucun malaise comme avec son prédécesseur, le président intérimaire Marzouki qui se voulant donneur de leçons avait d'emblée annoncé que la Françafrique ne passerait plus par la Tunisie.
La France est un pays généreux qui veux nous aider, acceptons cette aide sans réserve, car outre le fait qu'elle soit notre premier client puisque 25% de nos exportations lui sont destinées, il y a plus de 1200 entreprises françaises travaillant en Tunisie qui emploient plus de 100 000 tunisiens. De plus nous avons besoin de nous adosser à un grand pays pour rattraper notre retard technologique.
Wellerstein qui avait fondé la World Systems Theory dit qu'il y a des "core countries" et la France en fait partie et des"periphery countries" en fonction de leur participation à la global economy. Cette division est réelle et si nous créons un partenariat solide avec la France, elle peut nous aider à passer au stade supérieur comme l'avaient fait Hong Kong, Singapour ou Dubaï qui avaient tous misé sur la Grande Bretagne. A moins bien sûr que certains ne préfèrent suivre le modèle Saoudien qu'ils pourraient trouver plus attractif.
La démocratie sans développement est un slogan vide de sens, travaillons d'égal à égal avec un partenaire fort pour bâtir notre avenir au lieu de persister dans un sentiment de méfiance qui n'a plus aucune raison d'être et qui ne sera en fin de compte qu'une ambiguïté sans fin.
Dr M.A Bouhadiba
Gynecologue
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