Slaheddine Sellami : Les cent jours du gouvernement Essid
Moins d’une semaine nous sépare des cents premiers jours du gouvernement de Habib Essid et du premier bilan de ce gouvernement. Pourquoi, dans les démocraties, ce premier bilan est important ?
Avant les élections législatives, le rôle des partis est de préparer un programme complet avec des mesures urgentes et des mesures à plus long terme qu’il présente aux électeurs et c’est sur la base de ces programmes que les électeurs font leur choix , il est donc normal qu’une fois en place le gouvernement se met à prendre les décisions annoncées dans son programme électoral ainsi et après cent jours les électeurs vont pouvoir juger le gouvernement sur l’ampleur et l’importance des décisions prises dés les premiers jours et surtout la crédibilité des promesses annoncées avant les élection.
Il aurait fallu que ce gouvernement annonce dés le départ qu’il ne peut pas être jugé au bout de cent jours pour les raisons suivantes:
- Nous sommes encore en période transitoire
- Il s’agit d’un gouvernement de coalition qui n’a pas eu le temps de se mettre d’accord sur un programme commun
- Nous n’avons pas encore des traditions démocratiques
- Les défis devant lesquels se trouve le gouvernement et le pays sont énormes.
Cependant ce gouvernement a accepté de relever le défi et a accepté d’être jugé au bout de cent jours comme l’a annoncé son chef devant l’assemblée du peuple , il est donc légitime de faire le point sur ses réalisations.
La première anomalie c’est que le gouvernement n’a pas annoncé un programme clair, précis et chiffré sur lequel il peut être jugé. Chaque ministère a donné ses priorités, le dernier en date a fait son intervention il y a seulement quinze jours et dans tous les cas il s’agissait à chaque fois d’un discours général préparé par une administration comme elle l’a toujours fait durant plusieurs décennies . On n’a malheureusement trouvé aucun signal fort qui montre le chemin et annonce les réformes dont le pays a besoin. Il aurait fallu annoncer une seule priorité par ministère mais qui doit rompre avec le passé et montrer que le gouvernement est bel et bien dans une dynamique de réformes.
En essayant de chercher à la loupe les réalisations de ce gouvernement , nous sommes plutôt déçus. Seul les ministères de l’intérieur et de la défense peuvent annoncer des résultats sensibles en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme , pourtant la nomination du ministre de l’intérieur a été la plus critiquée par l’opposition, il est cependant important d’ associer à cette réussite les deux ministres de la sécurité (l’ actuel et celui de l’ancien gouvernement) ainsi que la maitrise du chef du gouvernement du dossier de la sécurité.
Si le bilan actuel est plutôt décevant, il faut espérer que les ministres mettent le turbo et accélèrent le rythme , il faut qu’ils comprennent qu’ils ne seront pas jugés sur la gestion quotidienne de leurs ministères mais sur le rythme des réformes, le pays a besoin de ces réformes et des décisions même si elles sont douloureuses. Plus les sacrifices demandés seront partagés entre toutes les couches sociales plus elles seront faciles à expliquer et à faire admettre par la population.
En dehors de quelques ministres qui ont défrayé la chronique par des déclarations plutôt décevantes et qui montrent qu’ils ne sont sans aucun doute pas à leur place, les autres essayent d’apprendre le métier et de se familiariser avec leur ministère en espérant qu’ils trouvent avec leurs conseillers les vrais solutions aux vrais problèmes du pays.
Il est important aussi que la centrale syndicale laisse un peu de temps aux ministres pour qu’ils puissent se concentrer sur leur travail. Recevoir des représentants syndicaux tous les jours, essayer de trouver des solutions à des préavis de grèves à chaque instant est très difficile à gérer et finit par épuiser les nerfs les plus solides.
Le patronat doit aussi revoir sa politique , il faudrait que les hommes d’affaires qui ont profité largement de la politique de l’ancien régime mettent la main à la poche, fassent des investissements même si le climat des affaires n’est pas encore très clair. C’est à eux de rompre le cercle vicieux dans lequel nous nous trouvons, il y va de l’avenir de notre pays.
Dans tous les cas les deux centrales doivent comprendre que personne ne sortira vainqueur d’un bras de fer entre patrons et ouvriers et que nous avons besoin urgent d’une paix sociale durable sur une base solide où chacun doit trouver son compte mais doit aussi faire des sacrifices et où la Tunisie sera le grand gagnant.
Le Tunisien doit comprendre aussi que seul le travail permettra au pays de sortir de la crise , la culture du travail que nous avons perdu bien avant la révolution doit être remise au premier plan par le gouvernement mais aussi par les médias qui doivent jouer leur rôle au lieu de chercher le buzz comme le font malheureusement certains.
Nous sommes obligés de garder notre optimisme, de regarder l’avenir et de nous comparer aux autres pays qui ont connu les mêmes soubresauts. Nous n’avons pas d’autres choix.
Slaheddine Sellami
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