Que vient faire Nicolas Sarkozy en Tunisie?!
Après le Maroc et Israël, voilà M. Sarkozy au pays du jasmin! En tournée électorale?
Il est vrai qu’il est distancé par M. Alain Juppé dans les sondages!
Un grand mystère entoure la visite de ce tourbillonnant politicien atlantiste et pro-israélien- en complète contradiction avec les principes du gaullisme concernant l’OTAN et les rapports avec Israël dont M. Sarkozy se prévalait pourtant jadis.
Le plus intrigant est qu’il va être reçu par le Président de la République, par M. Essid ainsi que par une brochette de ministres alors qu’il n’est que le chef de l’opposition en France (Cf site de Leaders visité le 19 juillet 2015).
On peut penser qu’il va donner quelques conseils à nos dirigeants car M. Sarkozy, ancien avocat d’affaires, est coutumier du fait.
Sur le plan politique pourtant, à l’heure où la question sociale est si grave dans notre pays, il n’est pas sûr que l’on soit en présence de la personne idoine.
Raphaëlle Bacqué écrit (Le Monde 6 mai 2007) «Nicolas Sarkozy entretient depuis longtemps une relation décomplexée avec l’argent. Avocat d’affaires, maire de Neuilly/Seine (Hauts-de-Seine), l’une des villes les plus riches de France, il a vite adopté le train de vie d’un grand patron. Ses amis comptent parmi les grandes fortunes de France.Et c’est avec eux, chez eux, qu’il a souvent passé des week-ends, dans des maisons ou sur des bateaux superbes….Alors que beaucoup de responsables politiques masquent avec soin leur train de vie, M. Sarkozy n’a donc jamais craint de l’afficher…Durant sa campagne, une part importante du budget de l’UMP a été dépensée en avions privés pour lui permettre de rentrer chaque soir dormir chez lui….Au rebours de cette conception du train de vie des politiques à la française, très souvent financé sur fonds publics, M. Sarkozy revendique volontiers une vision plus américaine, sans fausse honte à afficher ses moyens et ses amis milliardaires.«Les Français savent qu’il ne vit pas comme eux» lançait un de ses proches pendant la campagne». Cette proximité avec les milliardaires s’est notamment manifestée, semble-t-il, au cours de sa présidence, avec l’arbitrage en faveur de M. Bernard Tapie…qui a conduit son ancienne ministre des Finances devant un juge.Comment on est loin des années Mitterrand quand le Président de la République conseillait à M. Tapie de se méfier… car «les Français n’aiment pas l’argent».
M. Sarkozy ne saurait être un exemple ou un modèle pour notre classe politique.
Sur la question de l’immigration non plus, il n’y a rien à attendre de M. Sarkozy alors que tant de nos concitoyens sont humiliés à Vintimille et ailleurs. N’a-t-il pas créé le sulfureux ministère de l’identité nationale ? De plus, l’ancien président de la République a créé la polémique en juin dernier en comparant l’immigration clandestine en Europe à une fuite d’eau dans une maison, une fuite qui s’insinue partout, s’incruste et cause des dégâts. Ce qui a amené le premier ministre Manuel Valls à dénoncer aussitôt des «phrases stigmatisantes». De plus, on ne peut oublier son discours liant immigration, insécurité et «taux de chômage des étrangers non communautaires» le 30 juillet 2010 à Grenoble.
Alors qu’il était en charge du Ministère de l’Intérieur, M. Sarkozy disait : «Si des étrangers veulent rester en France, qu’ils aiment la France, sinon, qu’ils s’en aillent» ; ce qui fait dire au philosophe Alain Badiou : «Je devrais partir, parce que je n’aime absolument pas la France de Nicolas Sarkozy. Je ne partage pas du tout ses valeurs». En fait, M. Sarkozy ne faisait qu’envoyer des gages aux électeurs du Front Nationalpour gagner leurs suffrages !
Le miracle du XXe siècle
On relèvera que, sitôt installé à la présidence du parti «Les Républicains», M. Sarkozy n’avait rien de plus urgent à faire que l’organisation le 5 juin dernier, d’une «Journée de travail sur l’Islam », journée qui a du reste gravement clivé le parti et à laquelle les représentants de la communauté musulmane ont refusé de participer.«L'idée d'assimiler les gens, d'effacer les origines, de couper les racines n'a pas de sens, ni sur le plan moral ni sur le plan humain ni sur le plan du réalisme», affirme,dans le quotidien la Croix, M. Alain Juppé. À la place, le candidat à la primaire présidentielle de novembre 2016 contre – probablement- M. Sarkozy a commencé à développer l'idée d'une «identité heureuse» qui «accueille la diversité culturelle». En fait, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, M. Sarkozy a constamment attisé le communautarisme en confondant judaïsme et sionisme à Neuilly/Seine et en affirmant que la création d’Israël est «le miracle du XXème siècle».Il a ainsi constamment reçu à l’Elysée la famille du tankiste franco-israélien Gilad Shalit, prisonnier des Palestiniens à Gaza, mais a constamment ignoré le cas de Salah Hammouri, un franco-palestinien emprisonné en Israël après un procès inique.
En 2006, aux Etats Unis où il s’était rendu pour affiner son image internationale avant les élections présidentielles, il déclara : «Je suis l’ami de l’Amérique, je suis l’ami d’Israël» (French ministermeetswith US Jewish leaders, The New York Times, 12 septembre 2006)et Israël Singer, du Congrès juif mondial, de souligner : «Les déclarations de Nicolas Sarkozy sur l’antisémitisme, la lutte contre l’islamisme et les positions en faveur d’Israël qu’il a rappelées au président George W. Bush, le terrorisme palestinien et du Hezbollah, ou sur l’Iran, sont telles qu’elles pourraient avoir été faites par un leader d’une organisation juive».(Lire blog d’Alain Gresh).
Et la culture
A Tunis, M. Sarkozy va rencontrer M. Naji Jalloul, ministre de l’Education. Là encore, rien de bon n’est à attendre. M. Sarkozy est devenu la risée des intellectuels français quand il a nié l’intérêt d’une œuvre littéraire du XVIIème siècle comme «La princesse de Clèves». Il a en outre déclaré en substance : « Vous pourrez faire si ça vous chante des études de littérature ancienne, mais vous n’allez quand même pas demander à l’Etat de vous les payer. L’argent des contribuables doit aller à l’informatique et à l’économie ».Ce n’est pas avec des arguments de cette nature que notre ministre améliorera le niveau de nos rejetons ou que l’on pourra lutter contre les extrémismes de tout poil et assécher les filières de recrutement pour le jihad. Alain Badiou, philosophe et professeur à l’Ecole Normale Supérieure (Rue d’Ulm, à Paris)commente ainsi la saillie sarkozienne précédente: «Ce personnage [est], littéralement agenouillé devant les profits et les profiteurs…[Pour lui], ce qui n’a pas de profitabilité n’a pas de raison d’être…Tenir ce point signifie que ce qui a une valeur universelle, et donc soutient une relation avec les vérités dont l’humanité est capable, n’est pas du tout homogène à ce qui a une valeur marchande. Il est tout à fait important que ce qui a une valeur universelle soit mis à sa place, la première et honoré comme tel. La question de la valeur de la science rejoint ici celle des valeurs politiques». (Alain Badiou, «De quoi Sarkozy est-il le nom?, Editions Lignes, Paris, 2007, p. 63).
Face aux énormes difficultés auxquelles le pays fait face, il est étonnant que M. Le Président de la République et les membres du gouvernement aient du temps à consacrer à un politicien en perte de vitesse en France et qui a soutenu Ben Ali et ses suppôts lors de sa présidence. Ils auraient intérêt à méditer ce qu’écrit cette semaine Naina Bajekal dans le magazine américain Time et qui a visité notamment Regueb:« Certains Tunisiens disent que le gouvernement n’en a pas fait assez pour tacler le recrutement ou prévenir les candidats jihadistes…Le gouvernement laïc récemment élu est assailli par les épreuves économiques, l’instabilité politique sur ses frontières et dit qu’il fera plus pour combattre l’extrémisme. Mais, à moins qu’il ne livre aux jeunes Tunisiens un avenir plus prometteur, la colère qui a déjà allumé la révolution démocratique dans le pays pourrait juste la faire dérailler » (Time, 20 juillet 2015, p. 24-27)
Mohamed Larbi Bouguerra
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