La surveillance médicale spéciale en médecine du travail: une législation à améliorer!
La surveillance médicale spéciale (SMS) fait la spécificité de la médecine du travail et son adoption par les différents partenaires sociaux constitueà la fois une assurance et une sécurité pour les salariés exposés à certains risques professionnels.
Les salariés soumis à une surveillance médicale spéciale ou renforcée sont ceux dont l’activité implique certaines contraintes particulières ou certaines expositions à des agents physiques, chimiques ou biologiques et sont égalementceux qui nécessitent un suivi plus rapprochévuleur situation personnelle particulière (grossesse, handicap, travailleurs âgés de moins de dix-huit ans,travailleurs âgés ou tarés,travailleurs qui peuvent exposer autrui aux risques…).
Le Décret N°68-83 du 23 mars 1968 JORT du 23 mars 1968 a défini les salariés assujettis à cette surveillance comme étant ceux qui effectuent d'une façon habituelle les travaux comportant des exigences ou des risques spéciaux. Ce même Décret vieux de 47 ans, a imposé une surveillance médicale renforcée,en raison de l’utilisation de certaines substances,et l’a exigé à certaines professions à risque sans pour autant préciser les champs d’application et le contenu de cette surveillance médicale spéciale.
Par ailleurs, le décret 2000-1985 du 12 Septembre 2000, portant organisation et fonctionnement des services de médecine du travail a précisé dans son Article 7 que le médecin du travail doit effectuer l’examen médical d’embauche dans un délai maximum de 03 mois sauf pour les travailleurs soumis à une SMS où cette visite doit avoir lieu avant l’embauche. L’article 8 de ce même décret prévoit que le médecin du travail peut effectuer ou ordonner de faire des analyses ou des examens complémentaires pour s’assurer de l’aptitude du travailleur à exercer les tâches qui lui sont confiées ou de le protéger contre les risques professionnels.Sauf que la nature des examens complémentaires ainsi que leur fréquence n’y sont nullement abordées!
Parallèlement à ce silence législatif en matière de SMS, les médecins du travail qui ont un rôle essentiellement préventif en entreprise, se trouvent confrontés à d’autres difficultés telles quel’absence de laboratoires spécialisés dans certaines régions pour effectuer les différentes analyses bio toxicologiques et les métrologies d’ambiance ou encore le refus de certaines entreprises la pratique systématique de ces examens vu l’absence d’un cadre juridique précis.
A tout cela s’ajoutent la conduite à tenir après les résultats d’analyses ; le problème de réinsertion des victimes des maladies professionnelles , l’absence de structures appropriées chargées de l’encadrement ou de la formation des victimes de maladies professionnelles pour leur insertion professionnelle , la difficulté de réalisation des tests psychotechniques et l’absence d’autres acteurs intervenant dans la prévention des risques professionnels tel les sociologues et les psychologues de travail.
Certes les obligations de l’entreprise en matière de santé de sécurité au travail, sont fixées par un dispositif réglementaire assez riche mais susciteencore un certain nombre de mesures pour renforcer le rôle du médecin du travailen entreprise notamment dans l’évaluation et la prévention de certains risquesspécifiques.
La surveillance médicale spéciale qui fait la spécificité de la médecine du travail souffre également de ses textes législatifs qui risquent de compromettre la responsabilité des médecins du travail(abstention fautive), alourdir les dépenses publiques et entacher le capital humain au sein de nos entreprises.
Le temps de la médecine du travail en tant que médecine de dépistage des maladies générales est un temps révolu, la médecine de travail doit jouer sa fonction de médecine préventive où le médecin du travail peut évaluer les risques professionnels , consigner les résultats , prévenir l’exposition aux risques et mettre en œuvre des actions de prévention nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs principale richesse du pays.
Le législateur Tunisien gagne à accorder toute l’importance à la surveillance médicale spéciale et à la médecine de travail en révisant d’urgence le cadre législatif actuel.
Dr Henda Derbel épouse Ghorbel
Médecin Du Travail
Médecin coordinateur du Groupement de Médecine de Travail de Sfax
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