Opinions - 11.12.2015

Sadok Belaid: Il faut déconcentrer économiquement le «grand Tunis»

Il faut déconcentrer économiquement le ‘grand Tunis’

Une politique ambitieuse et crédible de développement doit passer par un aménagement adéquat de l’espace économique du pays, dans son ensemble car c’est là, la condition sine qua non pour une réelle optimisation des efforts de la Nation en matière de production des richesseset pour une redistribution équitable des revenus au profit de l’ensemble de la population de ce pays. C’est ce que nous souhaitons proposer ici pour le cas de notre pays, qui est à la veille de la mise en œuvre d’un programme de développement (2016-2020) dont l’ambition se veut à la mesure des objectifs de la Révolution engagée depuis voilà bientôt cinq ans. Notre projet consiste à procéder à la révision de la place qu’occupe actuellement le «Grand Tunis» dans l’économie nationale à la lumière d’une nouvelle vision de l’aménagement du territoire national qui soit approprié à la réalisation de ces objectifs développementaux. 

Dans cette perspective, il ne sera pas question ici de mettre en œuvre une nouvelle version de la «Décentralisation» locale, dans le sens banalement «administratif» du terme, encore que diverses améliorations puissent y être apportées, comme a tout récemment (5/8 novembre 2015) promis d’y contribuer la conférence internationale ‘Unity and Diversity’ de Florence. Il n’est pas question, non plus, d’une nouvelle redistribution depuis longtemps devenue incontestablement nécessaire, du pouvoir politique et du pouvoir administratif, puisque celle-ci a été prévue par la nouvelle Constitution (chapitre 7, ‘L’Autorité locale’, articles 131 à 142) qui, pour la première fois dans notre système politique, a adopté le principe de la «démocratie-participation» expressément mentionnée dans son article 139 pour la redéfinition des relations entre le «Centre» et les nouvelles institutions régionales. Ce qui est donc,  à l’ordre du jour, c’est l’invitation au Gouvernement de penser, entre autres instruments d’une nouvelle politique économique, à la création ou à la dynamisation sur le territoire national d’un ensemble «d’espaces régionaux de développement» qui soient, chacun pris séparément,  économiquement viables et, qui soient en même temps,capables de générer entre eux des relations d’interactivité et de complémentarité suffisamment puissants et dynamiques pour qu’ils puissent contribuer au développement du pays, dans sa globalité.
La réussite de cette nouvelle dynamique est conditionnée par la révision en profondeur du déséquilibre économique actuel entre l’unique ‘pôle de croissance’ digne de ce nom, i. e. le ‘Grand Tunis’, d’une part, et le reste du pays, d’autre part. Car ce qui caractérise la situation actuelle de ce point de vue,c’est le déséquilibre du type ‘mongolien’ entre la ‘tête’ – trop grosse - le ‘Grand Tunis’ (4 gouvernorats) - et le reste du corps, chétif et amorphe,que sont les régions de l’intérieur du pays (21 gouvernorats). On a trop souvent tendance à oublier – ou plus simplement, on ne se rend pas compte - que ce‘Grand Tunis’, qui ne représente pas plus qu’un pour cent (1%) de la superficie totale du territoire national et à peine un petit quart de toute la population, accapare aujourd’hui, plus que 50% des activités industrielles, énergétiques et des travaux publics et bâtimentset plus que 50% des activités de commerce et des services du pays.

Cette situation déséquilibrée et inégalitaire n’est pas nouvelle : ellenous a été léguée par l’ancienne administration coloniale, marquée par l’extraversion délibérée des activités économiques et par le drainage des richesses agricoles et minières du pays en direction de la ‘Métropole’. Les activités connexes – l’administration, la finance, les services, etc.-, ainsi que les infrastructures routières, ferroviaires et portuaires ont été résolument orientées dans cette direction unique – ou presque : il suffit de regarder la carte des réseaux routiers et ferroviaires pour s’en rendre compte. Le développement spectaculaire que la ville de Tunis a connu durant cette période, est certes, dû, en partie, à sa fonction de Capitale politique et administrative du pays ; mais il est dû aussi et en plus grande part, au rôle essentiellement économique et commercial de principal port d’exportation et d’importation vers et à partir de «la Métropole» qui lui était, alors, assigné. Le déséquilibre flagrant avec le reste des régions du pays – ‘grenier’ de céréales, comme du temps de Rome, et réservoir de matières premières - était la conséquence inévitable et durable de cette politique coloniale.

Les gouvernements de l’Indépendance n’ont hélas ! prêté que peu d’attention à ce phénomène aux multiples conséquences négatives. Les ‘plans quinquennaux de développement’ n’ont pas intégré dans leurs paramètres la dimension ‘Aménagement du territoire’. D’une manière plus ou moins délibérée, ils ont laissé le pays s’enfoncer dans le déséquilibre entre les régions côtières – et le ‘Grand  Tunis’ -, et les régions du Nord-Ouest et du Centre-Sud du pays. A peine notera-t-on l’adoption,sous la pression des agitations sociales dans diverses régions défavorisées du pays,d’une timide politique d’encouragement aux investissements dans les régions ‘de l’Intérieur’ par l’octroi de quelquesavantages financiers et fiscaux,modulés en fonction des zones. Les résultats ont été nettement décevants. La première raison en a été certes, l’impréparation économique, sociale et culturelle de la plupart de ces régions à la  nouvelle dynamique. Mais, elle n’en est pas la seule. La deuxième raison, plus importante, tient à la trop grande puissance économique, sociale, politique et culturelle du ‘pôle de croissance’ du ‘Grand Tunis’. Tunis, Capitale du pays et unique ‘pôle de croissance’ économique, exerce en effet, une double puissance de freinage et d’attraction sur les initiatives et les décisions économiques majeures. Le pouvoir de freinage vient de la trop grande puissance des structures politiques et administratives d’un Etat excessivement centralisé et ‘bureaucratisé’. Quant au pouvoir d’attraction économique du ‘Grand Tunis’, il se manifeste au moment des choix d’implantation des grands projets industriels,  commerciaux et financiers. Les grands projets économiques tendent à s’accumuler dans la Capitale et à s’agglutiner autour d’elle, c’est-à-dire dans le ‘Grand Tunis’. Mais encore, ce pouvoir de domination se prolonge par l’effet d’attraction et d’accumulation qu’exerce chaque nouveau grand projet économique sur les activités qui lui sont connexes… Sans parler de la solution de facilité qu’apprécient fortement les entreprises régionalesqui aiment à installer dans la Capitale, leurs directions administrative et  commerciale sous le prétexte des avantages qu’elles tireraient de la proximité des centres de décision de l’Etat et de leurs fournisseurs et clients : le phosphate est extrait et traité dans le Sud du pays ; mais les activités des ‘cols blancs’ sont installées rue du Grand Cyrus,en plein cœur de Tunis.Tout se décide à Tunis, toutpart de Tunis et tout remonte vers Tunis. La bureaucratie, maladie infantile de l’administration publique, a profondément gangréné le secteur privé. De cette manière, il est fatal qu’une grande concentration entraîne une concentration plus grande encore et, chaque jour, elle rend encore plus difficile la destruction de ce cercle vicieux.

Vus d’une manière globale, les résultats cumulés de ce double déséquilibre politique et administratif, d’une part, et économique, financier et commercial, d’autre part, sont l’installation à une échelle nationale, d’une malsaine relation de dépendance – et, non point, de complémentarité et d’interdépendance -, entre un ‘Centre’ et une ‘Périphérie’, pour reprendre les termes de Samir Amin appliqués à l’économie mondiale. Cela n’est pas sans rappeler aussi l’opposition entre la ‘Mégapole de Paris’ et le ‘Désert français’, à juste titre dénoncéedepuis 1947 par les géographes, les économistes et les ‘territorialistes’ français. – Dans le cas de la Tunisie, la situation est telle que le ‘Grand Tunis’ vit DE la ‘Périphérie’, et non pas AVEC elle.

Cette prépondérance déjà très lourde du ‘Grand Tunis’ne s’arrête pas là, hélas ! – Un autre aspect, corollaire du premier, doit être mentionné et dénoncé au même titre. Il s’agit de l’aspect socio-culturel de ces relations ‘Centre-Périphérie’, insuffisamment mis en évidence, ou plus simplement, occulté. La communauté nationale est, en effet, sociologiquement et culturellement écartelée entre deux mondes nettement séparés et déphasés : D’un côté, un ‘Grand Tunis’, dominé par le noyau ‘Beldi’ de Tunis la Capitale, et qui,dans l’ensemble,est le plus développé et le plus ‘moderne’ du pays et le plus ouvert sur le monde développé extérieur avec lequel ilviten diapason.De l’autre côté, un monde ‘rural’, qui recouvre toutes les couches sociales de la ‘Périphérie’, un monde si ‘lointain’ qu’on le désigne par le terme méprisant de ‘Afaki’ et qu’en secret, on voudrait fortement qu’il le reste !– Ce fossé socioculturel s’accompagne d’une déchirure béante d’ordre psychosocial et comportementalopposant une ‘aristocratie/bourgeoisie citadine’ (1/4 de la population), à un‘prolétariat’ ouvrier et ‘paysan’ de l’intérieur du pays (les 3/4 qui restent), objet de la méfiance et du mépris des ‘nantis’, des ‘instruits’ et des ‘cols blancs’ de la ‘ville’.

Cette relation discriminante et inégalitaire doit être prise très au sérieux. Il faut rappeler quedepuis l’époque phénicienne jusqu’à la période contemporaine, en passant par les périodes romaine, byzantine, arabe et ottomane, sans oublier l’intermède colonial, l’histoire du pays a été constamment ponctuée par les tensions et les révoltes fomentées par les populations ‘de l’intérieur du pays’ contrele Pouvoir central.Sans remonter très loin dans le temps, qu’on se rappelle la révolte de Abou Zid, ‘l’homme à l’âne’, contre les Fatimides, au Xème siècle, la révolte de Ali ben Ghédahem contre les Husseinites, au XIXème siècle et, beaucoup plus près de nous, …la ‘révolte du pain’ de 1984. Ces insurrections partagent de nombreux points communs : elles sont toutes, localisées dans les régions ‘de l’intérieur’ du pays. Elles couvrent, toutes, le même espace géographique. Elles sont, toutes, dirigées contre le même ennemi, le Pouvoir central. Et elles ont, toutes, le même ressort socioéconomique : la révolte contre l’exploitation abusive que le ‘Centre’ leur impose.

Dès lors, on doit bien comprendre que ce n’est pas par un pur hasard que les soulèvements des 17 décembre-14 janvier 2011 se soient déclenchés à partir de ces mêmes régions ni que, les populations de ces régions lointaines et coléreuses aient placé leur insurrection sous la bannière ‘Justice et Dignité’. –Il y a bien une leçon à tirer de ce qui vient d’être dit : c’est dans cette perspective que toute réflexion sérieuse sur l’avenir du pays, sur le ‘développement’, sur la ‘démocratie’, la ‘participation’, ‘l’unité nationale’ et nombre d’autres valeurs fondamentales, doit aujourd’hui, être placée.- Encore faut-il éviter d’y rééditer les erreurs du passé…

La première erreur du passé a été l’absence d’une plan global de développement des régions suivant une ligne directrice pluriannuelle et,le ‘saupoudrage’ industriel de certaines régions par l’implantation de quelques entreprises sans impact industriel réel sur ces régions ou sur leur environnement. Outre ces insuffisances, il faut mettre l’accent sur le regrettable caractère éminemment ‘politicien’ de la plupart des décisions prises et de leur mise en œuvre. Non seulement elles n’ont pas eu un tel effet bénéfique sur cette relation inégalitaire mais encore, on peut soupçonner l’absence dès le départ, d’une telle intention : dans nombre de cas, ces mesures ont été prises sous la pression des insurrections ou de menaces de révolte, et les promesses se sont rapidement évaporées dès que les premières ont pris fin…

La deuxième erreur à éviter, concerne plus directement la future politique de développement, actuellement en cours d’élaboration. - Aujourd’hui, la Tunisie vit encore dans une période ‘révolutionnaire’ qui, déclenchée en 2010/2011, n’a pas encore atteint tous ses objectifs. S’il est vrai qu’elle a fait quelques pas positifs sur le plan politique et sur le plan de la reconstruction de l’Etat, elle a encore du chemin à parcourir en matière de développement économique, social et culturel et d’élaboration d’une nouvelle politique appropriée dans ces domaines. Elle en est encore à la recherche de la ‘nouvelle voie’… voiremême, en quête d’une ‘bonne inspiration’ ! – Certes, une ‘Note d’orientation’ du futur programme de développement 2016/2020 a été déjà publiée en aout 2015 et, un ensemble de grands projets ont été ventilés entre les régions ou même, entre des ensembles de régions. Il est encourageant aussi de relever que la dite ‘Note d’orientation’ a retenu certains principes fondamentaux en matière de politique de développement, tels que‘l’aménagement territorial équitable’,la dimension ‘régionale’ du développement, la ‘complémentarité interrégionale’, la ‘discrimination positive’, la distribution ‘préférentielle’ des investissements entre les régions, et la mise en place de nouveaux ‘pôles de développement’ à travers l’ensemble du pays, etc.

Cependant, cela est probablement insuffisant si l’on veut effacer les effets négatifs de la prépondérance actuelle du ‘Grand Tunis’. Celle-ci ne peut être atténuée que par une politique ‘volontariste’de dissuasion et de réorientation des investissements :- Dissuasion,pour ce qui concerne les implantationsdes nouveaux investissementsdans le ‘Grand Tunis’ et, limitation sélective des catégories d’entreprises admises à y prétendre;  - Réorientation des nouveaux projets vers les régions de l’intérieur du pays, en fonction des spécificités, des possibilités et des potentialités de chacune d’elles et, du respect d’un équilibre et d’une complémentarité entre elles.

A cet effet, il est souhaitable qu’en allant de l’Est vers l’Ouest du pays, on puisse dégager quatre ou cinq régions qui présenteraient des ensembles de caractéristiques naturelles, humaines et sociologiques, à peu près équivalentes.Cette répartition territoriale assureraà la fois, des chances raisonnables de développement endogène au profit des populations respectivesde ces régions, et donnera à chacune d’ellesla capacité  de contribuer grandement à la prospérité de la nation, dans son ensemble.

En résumé, ce n’est jamais le surdéveloppement d’une seule région qui induira le développement global: c’est bien plutôt le développement de chacune des composantes territoriales, économiques et humaines de la nation qui créera la prospérité générale. 

Ainsi, loin de désavantager outrancièrement une région par rapport aux autres, notre projet vise à mettre l’accent sur la possibilité pour notre pays de mettre en œuvre pour la première fois de son histoire, une politique rationnelle de développement économiquement intégrant et socio-culturellement inclusif,embrassant l’ensemble de son territoire et profitant à l’ensemble de sa population : une réelle ‘complémentarité’ et une réelle interdépendance de toutes les régions, entre elles, et bénéfiques pour chacune d’elles.

Bien qu’appartenant à des contextes différents du nôtre, on devrait, à cet égard, prendre exemple sur un échantillon de trois pays – l’Espagne, la France, l’Allemagne – pour se rendre compte de l’importance d’une politique avisée de déconcentration du pouvoir (politique et économique). Dans le premier cas, l’Espagne, parce que le ‘Centre’ a excessivement dominé le reste du pays, c’est l’unité nationale du pays quis’en est trouvéemenacée d’explosion. La France, Etat centralisateur s’il en est, a pris acte des risques d’une implosion similaire et, récemment, elle a procédé à une vaste restructuration territoriale et à un large transfert des pouvoirs du ‘Centre’ vers les nouvelles ‘régions’. L’Allemagne, elle, parce qu’elle a eu la chance d’opter pour une structuration ‘fédérale’ de l’Etat, a été ‘vaccinée’ contre les risques d’une centralisation ‘à la prussienne’ et, a pu ainsi instaurerun équilibre ‘positif’ entre le ‘Centre’ et les ‘landers’. Il devrait en être de même pour notre pays. Sa réorganisation souhaitée ici, devrait conduire à la fois, à une plus grande ‘autonomisation’ des régions mais en même temps, à une plus grande complémentarité entre elles, le ‘Grand Tunis’ compris,en vue d’une intégration de l’ensemble national qui soitplus forte et plus équitable.

Pour que le rééquilibrage ‘Centre’/’Intérieur’ soit efficacement assuré, ce n’est pas seulement sur le mouvement des investissements nouveaux que l’on doit agir. Il faut encore qu’un grand effort interne soit fourni par les régions, elles-mêmes, pour assurer leur propre ‘auto-développement’ et pour dynamiser de l’intérieur, leur économie régionale. A cet égard, il en est des relations interrégionales ce qu’il en est des relations internationales : le développement doit, en premier lieu, venir de l’intérieur de la région et de l’engagement militant des hommes de la région. - Sur le plan économique, les dirigeants régionaux devraient, en tirant profit des possibilités offertes par la nouvelle Constitution, entreprendre la mise en valeurdes richesses de leurs régionsou encourager celle-ci, notamment par la collecte de l’épargne :Qu’on pense seulement qu’aujourd’hui, n’importe quelle région du pays est presque aussi riche que l’était l’ensemble de la Tunisie au lendemain de l’Indépendance : Ces régions ne seraient-elles donc, pas capables, chacune de son côté, de créer sa propre ‘Banque régionale de développement’, comme a pu le faire la Tunisie de 1958 en créant la ‘Société Tunisienne de Banque’ ? - Sur le plan socioculturel, l’effort de développement venant de l’intérieur, doit aussi compter sur les enfants de la région, surses ingénieurs,sur son élite, sur ses diplômés, ses entrepreneurs,sur ses hommes d’affaires. Il doit regarder vers l’intérieur, avant de se tourner vers l’Etat, le ‘Centre’, et vers les sollicitations d’assistance, hélas ! trop enracinées dans les mentalités.

Il ne faut pas se cacher que cette opération a des incidences éminemment politiques et que, ce fait ayant été admis, il faut avoir l’audace de l’affronter et d’y trouver solution. L’aspect purement ‘administratif’ de l’affaire est, à notre avis, relativement mineur. Autrement plus importante, est la dimension hautement ‘politique’ de cette déconcentration ‘économique’. Elle est double : i- Elle implique d’abord, un très grand effort de la part de l’Etat en vue d’obtenir l’adhésion au projet, de toutes les parties prenantes, les ‘perdantes’, les ‘gagnantes’ et… les ‘sceptiques’. En bref, l’Etat doit avoir suffisamment de force pour accepter de se délester de certaines de ses prérogatives, de ses structures, de son élite, de sa ‘Nomenklatura’ politique, politicienne, et administrative, et pour faire admettre aux autres ce qui sera pour lui, une véritable auto-régénération ; ii- Elle implique ensuite, une révision du cadre institutionnel, législatif et administratif du fonctionnement de l’appareil Etatique. En raison de l’ampleur de cette nécessaire refonte, nous avons proposé dans notre draft de constitution, publié en juillet 2012, d’inclure dans les structures constitutionnelles de l’Etat, une ‘Assemblée du Développement et des Régions’ réunissant les représentants des futures Régions et des grands intérêts nationaux et ayant un certain pouvoir consultatif et décisionnel en matière de politique de développement, tout en restant dans les limites de l’unité et de la souveraineté nationales. Si nous regrettons que nous n’ayons pas été entendu sur ce point, nous trouverons quelque consolation dans l’article 141 de la Constitution,qui a institué un ‘Conseil supérieur des collectivités locales’ doté de compétences en matière de développement et de coordination entre les régions ainsi que du pouvoir d’émettre des avis relativement aux projets de loi portant sur les questions de planification, et en matière budgétaire et financière locale.Bien que timide, cette innovation de l’article 141 est importante car, à terme, elle ouvre la voie à l’instauration d’un meilleur équilibre entre le pouvoir central et les nouvelles structures régionales, tout en contribuant à une meilleure harmonie entre le ‘Central’ et le ‘Local’ et dans les relations des futures régions, entre elles.

Si, assurément, beaucoup reste à faire en vue d’atteindre ces objectifs ambitieux, il reste qu’il faut se féliciter de ce que la ‘Révolution du  Printemps’ a pu, pour la première fois, admettre ‘l’impensable’ et l’inscrire, ne serait-cequ’en filigrane, dans le texte suprême de l’ordre juridique nouveau et ainsi, donner aux Tunisiens les moyens de jeter les bases d’une nouvelle société nationale plus intégrée, plus harmonieuse et plus équitable que tout ce qu’ils ont connu jusque-là, dans l’histoire de leur pays.

Sadok Belaid
Ancien Doyen de la Faculté de Droit de Tunis

 

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3 Commentaires
Les Commentaires
Mustapha STAMBOULI - 12-12-2015 07:13

Le transfert, le plus rapidement possible de la Capitale vers le Centre du pays, constituerait un acte-phare. Ce Centre, une fois acquis des potentialités économiques importantes et un système d’infrastructures stratégiques performant, serait en mesure d’entrainer les régions de l’intérieur (Kasserine, Sidi Bouzid) dans une dynamique et un processus de développement effectif. Cette dynamisation du Centre favoriserait l’émergence d’une Métropole internationale avec quatre appuis fondamentaux : (1) Kairouan comme capitale du pays en remplacement de Tunis, (2) M’saken, plateforme logistique de premier plan, (3) Sousse/Monastir / Mahdia pôle de développement touristique et de services (4) Kasserine / Sidi Bouzid, zone de développement agricole et de transformation. Cette Métropole, cœur de développement, pourrait entrainer dans son sillage Gafsa et Siliana. Ce processus de délocalisation des activités de la région de Tunis vers le Centre ne peut être que bénéfique pour le pays et pour les finances publiques.

Manana Hafnaoui - 15-12-2015 17:27

Mr Belaid est un grand monsieur riche de savoir. merci leaders pour vos choix précieux.

Rachid SFAR - 15-01-2016 09:23

Monsieur Sadok Belaïd, ne soyez pas avec ceux qui falsifient l’Histoire. En dehors des vidéos sur Leaders, le Doyen Sadok Belaïd qui nous a habitués à la rigueur et à la pertinence de ses analyses et propositions, a publié un article dans le dernier numéro de la Revue Leaders appelant au développement régional équilibré, notamment en desserrant l’étau sur le District. Si je souscris totalement à ses propositions relatives à l’accélération d’une vraie décentralisation et la constitution de cinq ou six zones de développement régional, je signale qu'il affirme une erreur historique en disant qu'aucun plan tunisien n'a envisagé une véritable stratégie pour le développement régional équilibré .... Je lui demande amicalement de lire le chapitre "développement régional' du VIIème plan 1987- 1991 pour se rendre compte que tout ce qu'il propose dans son article figure dans ce document que Ben Ali a ignoré volontairement pour satisfaire tous ceux qui courent derrière la spéculation et les gains rapides au détriment des intérêts du pays... J'ai tenu à ce que ce plan se base sur une stratégie d’aménagement du territoire volontariste et saine dont l’étude sérieuse avait été réalisée par le bureau d’étude tunisien très compétent la SCET. Vous trouverez plus bas quelques photos des cartes réalisées depuis 1986 sur la base de cette étude. Voir page Facebook: https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10205309398005237&set=pcb.10205309403045363&type=3&theater

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