Plus de la moitié des Tunisiennes victimes d’agression
Le Credif et l’ONU tirent la sonnette d’alarme sur la violence subie par les Tunisiennes
« Plus de la moitié des femmes sont confrontées à la violence dans l’espace public en Tunisie. » C’est avec ce constat inquiétant que s’ouvre le compte-rendu d’une enquête nationale menée conjointement par le Credif (Centre de recherches, d’études, de documentation et d’information sur les femmes) et l’ONU-femmes sur « la violence fondée sur le genre dans l’espace public en Tunisie ». L’étude, réalisée sur un échantillon représentatif composé de 3000 femmes et de 1000 hommes âgés de 18 à 64 ans et répartis sur tout le territoire de la république, étonne par la forte disparité des types de harcèlement qu’elle révèle ainsi que des lieux où cette violence s’exprime. Si c’est dans l’espace public que celle-ci semble se cristalliser le plus (75% des enquêtées ont affirmé y avoir été victimes d’attouchements, de réflexions connotées et de sifflements insistants), le phénomène touche également 43% des femmes de ménage interrogées (et représentant 65% de l’ensemble de l’échantillon). Plus inattendu encore, les écolières ne sont pas moins épargnées par la violence physique que les lycéennes ou les étudiantes puisqu’elles sont toutes concernées à parts égales (45% dans chacune de ces trois catégories). En réaction à ce phénomène, les femmes élaborent des stratégies personnelles de défense pour minimiser le risque de confrontation à la violence physique dans l’espace public : si certaines font mine d’être affairées ou « tentent de paraître sérieuses », d’autres baissent les yeux par crainte de devoir affronter un regard malintentionné…
Pistes de réflexion
Le rapport présente quelques pistes de réflexion pour venir à bout de la « représentation négative » de la femme et de son rôle dans la vie sociale que se fait la frange conservatrice de la société tunisienne. En effet, selon le rapport, ce sont les individus de plus de 50 ans qui estiment que le rôle de la femme devrait en priorité se cantonner à la préservation du foyer familial et que les agressions dont elles sont victimes ont le plus souvent pour origine la nature de leurs tenues vestimentaires. Pour cette raison, le Credif pointe l’urgence d’amorcer un travail médiatique de réflexion et de communication visant à modifier en profondeur la représentation de la femme dans l’imaginaire des Tunisiens, à mettre au jour publiquement toutes les formes de violence dont les femmes sont victimes pour informer et sensibiliser l’opinion, et enfin à inciter celles-ci à déclencher des procédures judiciaires pour réclamer leurs droits. Ces démarches auraient en effet le mérite d’insérer la problématique de la violence fondée sur le genre au sein des préoccupations relevant de l’intérêt général et du domaine public, l’Etat étant appelé à jouer un rôle de premier plan dans la résorption de ce phénomène. D’autant que selon l’étude, 97% des femmes victimes de violence refusent de porter plainte.
Néjiba Belkadi
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