A propos de la statue équestre de Bourguiba
Bouguiba dort en paix. Comme tout souverain qui a réussi à diriger un pays arabe pendant une longue période il n’aura pas de remords quant à sa manière de régner ou d’administrer. De son vivant Bourguiba savait que beaucoup de flatteurs et de cyniques l’entouraient et attendaient avec impatience sa chute pour s’approprier les tributs du pouvoir. Maintes fois il leur répétait dans un langage laconique « la succession n’est pas pour demain » et ajoutait un rire entrecoupé et ironique. Il avait vu de ses propres yeux comment ses plus proches fidèles s’étaient métamorphosés en un clin d’œil en novembristes comme mus par une action du Djinn serviteur de Salomon. Très peu de fidèles serviteurs n’ont pas sombré dans l’opportunisme. Une bonne partie du peuple, dont une large proportion de femmes, lui vouait jusqu’à nos un amour et un respect sans faille. Que reste-t-il aujourd’hui de l’héritage de Bourguiba ? Beaucoup de choses certes, mais à lui coller cette image de statue équestre dénuée de sens semble une entreprise absurde et ridicule à plus d’un sens.
Les statues équestres représentent souvent des monarques, des héros ou des chefs militaires qui ont participé à une guerre victorieuse. Elles ont été populaires durant l’absolutisme mais leur représentation a décliné surtout au XXé siècle du fait de la dissolution des monarchies et de la fin d’utilisation des chevaux durant les opérations militaires. Quand à la position des jambes du cheval elle est aussi significative. Lorsque le cheval de la statue a une jambe en l’air, comme celui de la statue équestre de Bourguiba, elle signifie que le cavalier représenté (Bourguiba) est mort des suites de blessures au champ de bataille. Bourguiba n’est pas un cavalier et les rares fois qu’il a enfourché, un cheval il ne le guidait pas. Sachant aussi que le zaîm est considéré comme un grand héros de la Tunisie moderne, mais il n’a pas participé à une guerre et n’était pas monarque. Ainsi, cette fameuse statue équestre ne représente rien du grand Bourguiba. C’est tout simplement du Faux.
Bourguiba mérite-t-il une statue ? Certainement mais dans les domaines où son action a été la plus prépondérante. Et pour citer des exemples, on pourrait toujours suivre les représentations des grands chefs d’état du siècle de Bourguiba et les grands politiciens précurseurs de la démocratie et du développement de leurs pays qui n’ont pas été représentés par des statues équestres. Une statue comme celle d’Ibn Khaldun ne diminue en rien la valeur du zaîm. Comme on pourrait le représenter dans son geste immémorable lorsqu’il dévoila le visage d’une dame tunisienne en lui enlevant le sefsari. Ce geste qui représente Bourguiba comme le libérateur de la femme et qu’aucun dirigeant arabe n’a pu le faire est très symbolique et représentatif de l’action bourguibienne et qui doit être gravé dans la mémoire de toutes les Tunisiennes et de tous les Tunisiens.
Bourguiba a débarqué le 1er juin 1955 à la Goulette après son exil forcé en France. Ce retour était synonyme de victoire qui va mener à l’indépendance de la Tunisie. Si la statue équestre se trouve aujourd’hui à la Goulette, elle est dans sa place. Bourguiba mérite une autre statue dans l’avenue qui porte son nom dans la capitale, mais qui soit représentative de son oeuvre.
Mohamed Nafti
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